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Différences entre les versions de « Irmgard Kessing »

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De l’été 1940 à l’été 1943, Irmgard débute sa carrière médicale et acquière de l’expérience dans plusieurs disciplines médicales (chirurgie, médecine interne, médecine générale et gynécologie), et pratique la médecine au sein de différents environnements médicaux, tant en milieu hospitalier qu’au sein d’un cabinet médical privé. Elle travaille ainsi successivement à la clinique gynécologique du ''Elisabethkrankenhaus'' d’Essen (décembre 1940 – juillet 1941), puis assure pendant un mois le remplacement d’un médecin généraliste (septembre – octobre 1941), avant d’entrer au service de chirurgie du ''Vincenz-Krankenhaus'' à Essen-Stoppenberg (octobre 1941 – juin 1942). Dans le cadre de la ''Notdienstverpflichtung'', elle est ensuite affectée au service de médecine interne de la ''Huyssens Stiftung'' à Essen-Huttrop pendant près d’un an (juillet 1942- juin 1943), avant d’obtenir un congé de maladie.
De l’été 1940 à l’été 1943, Irmgard débute sa carrière médicale et acquière de l’expérience dans plusieurs disciplines médicales (chirurgie, médecine interne, médecine générale et gynécologie), et pratique la médecine au sein de différents environnements médicaux, tant en milieu hospitalier qu’au sein d’un cabinet médical privé. Elle travaille ainsi successivement à la clinique gynécologique du ''Elisabethkrankenhaus'' d’Essen (décembre 1940 – juillet 1941), puis assure pendant un mois le remplacement d’un médecin généraliste (septembre – octobre 1941), avant d’entrer au service de chirurgie du ''Vincenz-Krankenhaus'' à Essen-Stoppenberg (octobre 1941 – juin 1942). Dans le cadre de la ''Notdienstverpflichtung'', elle est ensuite affectée au service de médecine interne de la ''Huyssens Stiftung'' à Essen-Huttrop pendant près d’un an (juillet 1942- juin 1943), avant d’obtenir un congé de maladie.


Sur la suggestion de son médecin, qui lui conseille de « changer de climat », Irmgard candidate pour un poste à la faculté de médecine de la ''Reichsuniversität Strassburg'' en Alsace annexée et intègre l’équipe de la clinique médicale à compter du 1er août 1943. Recrutée comme faisant fonction d’assistante scientifique (''Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle'') et médecin-assistante (''Assistenzärztin''), elle est l’une des seize femmes qui ont été en poste dans cette clinique. Affectée à l’''Abteilung II'' (Médicale A), elle dirige seule l’un des trente-et-une salles que compte la clinique et assure la gestion d’une ''Frauenstation'' jusqu’à ce qu’elle bénéficie d’un nouveau congé de maladie à la fin du mois d’avril 1944. Si Irmgard Stinner-Kessing figure toujours sur les listes du personnel médical jusqu’en août 1944, on perd ensuite sa trace au cours des dernières semaines de l’existence de la ''Reichsuniversität Strassburg'' en Alsace. Elle était mariée depuis décembre 1943 avec un officier de la Luftwaffe, le médecin-lieutenant (''Oberarzt'') Wolfgang Stinner.
Sur la suggestion de son médecin, qui lui conseille de « changer de climat », Irmgard candidate pour un poste à la faculté de médecine de la ''Reichsuniversität Straβburg'' en Alsace annexée et intègre l’équipe de la clinique médicale à compter du 1er août 1943. Recrutée comme faisant fonction d’assistante scientifique (''Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle'') et médecin-assistante (''Assistenzärztin''), elle est l’une des seize femmes qui ont été en poste dans cette clinique. Affectée à l’''Abteilung II'' (Médicale A), elle dirige seule l’un des trente-et-une salles que compte la clinique et assure la gestion d’une ''Frauenstation'' jusqu’à ce qu’elle bénéficie d’un nouveau congé de maladie à la fin du mois d’avril 1944. Si Irmgard Stinner-Kessing figure toujours sur les listes du personnel médical jusqu’en août 1944, on perd ensuite sa trace au cours des dernières semaines de l’existence de la ''Reichsuniversität Straβburg'' en Alsace. Elle était mariée depuis décembre 1943 avec un officier de la Luftwaffe, le médecin-lieutenant (''Oberarzt'') Wolfgang Stinner.
|Contexte_fr=Devenir médecin : enfance, scolarité, études
|Contexte_fr='''<u>Devenir médecin : enfance, scolarité, études</u>'''


Originaire de la région de la Ruhr dans une famille modeste, Irmgard Kessing passe toute son enfance dans sa Westphalie natale. Débutant sa scolarité sous la République de Weimar, elle obtient son baccalauréat deux ans après l’arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne. Après avoir été volontaire pour servir au Reichsarbeitsdienst à l’été 1935, elle effectue ses études de médecine à Fribourg-en-Brisgau, à Wurtzbourg et à Munich jusqu’en 1940. À la fin de son cursus, elle retourne chez ses parents à Essen et débute sa carrière médicale.
Originaire de la région de la Ruhr dans une famille modeste, Irmgard Kessing passe toute son enfance dans sa Westphalie natale. Débutant sa scolarité sous la République de Weimar, elle obtient son baccalauréat deux ans après l’arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne. Après avoir été volontaire pour servir au ''Reichsarbeitsdienst'' à l’été 1935, elle effectue ses études de médecine à Fribourg-en-Brisgau, à Wurtzbourg et à Munich jusqu’en 1940. À la fin de son cursus, elle retourne chez ses parents à Essen et débute sa carrière médicale.


Famille et scolarité
'''''Famille et scolarité'''''


Irmgard Bernhardine Wilhelmine Kessing, ou Stinner-Kessing de son nom marital, est née le 10 mai 1916 à Gelsenkirchen, une ville du bassin industriel de la Ruhr comptant alors plus de 160.000 habitants . Située au cœur de la province de Westphalie du Royaume de Prusse, cette ville se trouve à proximité des villes d’Essen et de Duisbourg. C’est la région d’origine de la famille d’Irmgard, une famille modeste dont chaque membre est baptisé dans la foi catholique romaine. Lui-même fils d’un paysan et agriculteur, son père, Josef Kessing, né le 15 janvier 1870, était parvenu à s’extraire de sa condition sociale d’origine. Il était devenu fonctionnaire dans le secteur commercial (kaufmännischer Beamter) . À l’âge de trente ans, Josef avait épousé Maria Hütte, la fille d’un commerçant de la ville d’Essen, née le 22 avril 1873 . Le mariage est célébré le 16 mai 1900 à Steele, une ville située à l’est d’Essen dans la Ruhr. Après leur mariage, le couple s’installe à une dizaine de kilomètres plus au nord, à Gelsenkirchen, et donne naissance à Irmgard seize ans plus tard. Il semble d’ailleurs que la famille Kessing soit restée relativement épargnée par la Première Guerre mondiale et les ravages qu’elle a causés dans les familles allemandes .
Irmgard Bernhardine Wilhelmine Kessing, ou Stinner-Kessing de son nom marital, est née le 10 mai 1916 à Gelsenkirchen, une ville du bassin industriel de la Ruhr comptant alors plus de 160.000 habitants<ref name="ad7672f90a166ba5b0e34b2374653e0d6d1bd156">Voir par exemple ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), ''Staatsangehörigkeitsausweis'' (copie d’un original de 1936), 1943.</ref>. Située au cœur de la province de Westphalie du Royaume de Prusse, cette ville se trouve à proximité des villes d’Essen et de Duisbourg. C’est la région d’origine de la famille d’Irmgard, une famille modeste dont chaque membre est baptisé dans la foi catholique romaine. Lui-même fils d’un paysan et agriculteur, son père, Josef Kessing, né le 15 janvier 1870, était parvenu à s’extraire de sa condition sociale d’origine. Il était devenu fonctionnaire dans le secteur commercial (''kaufmännischer Beamter'')<ref name="f0ec007a8bf6557ed2e4e1c352897a575ad3a490">Concernant les grands-parents paternels d’Irmgard, on sait qu’ils étaient originaires de la même région géographique. Theodor Kessing (né le 30 janvier 1837 à Erwitte et décédé le 29 avril 1929 à Erwitte) était agriculteur (Landwirt) et avait épousé Franziska Schütte (née le 29 juillet 1939 à Geseke et décédée le 7 mars 1898 à Erwitte).</ref>. À l’âge de trente ans, Josef avait épousé Maria Hütte, la fille d’un commerçant de la ville d’Essen, née le 22 avril 1873<ref name="11f739796427d55671a72f220e64fdfe7bb4a69d">Les grands-parents maternels d’Irmgard sont tous les deux originaires de la ville de Steele, à l’est de l’agglomération de Essen. Johann Hütte (né le 5 août 1840 à Steele et décédé le 12 septembre 1896 à Steele) était commerçant de profession (''Kaufmann'') et était marié avec Élisabeth Schempershofe (née le 8 juillet 1841 à Steele et décédée le 29 octobre 1914 à Steele).</ref>. Le mariage est célébré le 16 mai 1900 à Steele, une ville située à l’est d’Essen dans la Ruhr. Après leur mariage, le couple s’installe à une dizaine de kilomètres plus au nord, à Gelsenkirchen, et donne naissance à Irmgard seize ans plus tard. Il semble d’ailleurs que la famille Kessing soit restée relativement épargnée par la Première Guerre mondiale et les ravages qu’elle a causés dans les familles allemandes<ref name="1d2af3fa6e505ae572b60dba290e5d9b14e2bbd6">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Fragebogen über die Abstammung'', 1er août 1943.</ref>.
C’est dans sa ville natale et sous les auspices de l’instable République de Weimar qu’Irmgard Kessing grandit et évolue durant l’enfance et l’adolescence. Après avoir bénéficié de l’instruction de ses parents jusqu’à l’âge de six ans, Irmgard débute sa scolarité obligatoire en 1922. Elle est d’abord scolarisée pendant quatre ans dans l’une des écoles élémentaires (Volksschule) de la ville de Gelsenkirchen, entre 1922 et 1926, puis entre dans le secondaire. Pendant les neuf années qui suivent, de 1926 à 1935, elle fréquente un lycée (realgymnasiale Studienanstalt) de Gelsenkirchen jusqu’à la réussite de l’examen du baccalauréat (Reifeprüfung) le 15 mars 1935 à l’âge de dix-neuf ans . De plus, ajoutons qu’elle effectue un premier ralliement au mouvement national socialiste durant sa jeunesse avec son entrée dans le Bund Deutscher Mädel en mars 1934. Créée environ un an plus tôt, la Ligue des jeunes filles allemandes était le pendant féminin de la Hitlerjugend, une ramification du parti (Gliederung der NSDAP) à destination des jeunes filles âgées de quatorze à dix-huit ans .
Le deuxième ralliement notoire qu’elle effectue en direction du national-socialiste est son inscription, de toute évidence volontaire, au Reichsarbeitsdienst à la sortie du lycée. Il s’agit d’une organisation du travail dépendant du mouvement et du parti nazis, le Reichsarbeitsdienst. Selon son curriculum vitae, elle aurait été envoyée une centaine de kilomètres au nord-est du foyer familial, à Nettelstedt bei Minden, jusqu’à la fin de l’été 1935 . La chronologie semble appuyer l’aspect volontaire de cet engagement. Si le RAD avait été créé dès 1933 à la suite de l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne, il n’avait été rendu obligatoire qu’à partir du 1er octobre 1935, date d’entrée en vigueur de la législation prise les 26 et 27 juin 1935 .  


Les études de médecine
C’est dans sa ville natale et sous les auspices de l’instable République de Weimar qu’Irmgard Kessing grandit et évolue durant l’enfance et l’adolescence. Après avoir bénéficié de l’instruction de ses parents jusqu’à l’âge de six ans, Irmgard débute sa scolarité obligatoire en 1922. Elle est d’abord scolarisée pendant quatre ans dans l’une des écoles élémentaires (''Volksschule'') de la ville de Gelsenkirchen, entre 1922 et 1926, puis entre dans le secondaire. Pendant les neuf années qui suivent, de 1926 à 1935, elle fréquente un lycée (''realgymnasiale Studienanstalt'') de Gelsenkirchen jusqu’à la réussite de l’examen du baccalauréat (''Reifeprüfung'') le 15 mars 1935 à l’âge de dix-neuf ans<ref name="db34174a5e411bc1000ddc8232259a1eb14655d7">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Lebenslauf'', 3 août 1943.</ref>. De plus, ajoutons qu’elle effectue un premier ralliement au mouvement national socialiste durant sa jeunesse avec son entrée dans le Bund Deutscher Mädel en mars 1934. Créée environ un an plus tôt, la Ligue des jeunes filles allemandes était le pendant féminin de la Hitlerjugend, une ramification du parti (Gliederung der NSDAP) à destination des jeunes filles âgées de quatorze à dix-huit ans<ref name="67d0a8a91fd6c7d58f8a048e65111d98ecfe8314">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Personalfragebogen'', 1er août 1943.</ref>.


Une fois dégagée de ses obligations civiques, Irmgard s’inscrit aussitôt à la faculté de médecine de l’université de Fribourg-en-Brisgau à partir du semestre d’hiver 1935-1936. Un troisième pas de l’entrée en nazisme est franchi dès son arrivée en Bade, avec son inscription le 1er novembre 1935 au NSD-Studentenbund. Fondée en 1926, l’Union des étudiants nationaux-socialistes allemands était une organisation affiliée au parti nazi (angeschlossener Verband der NSDAP) à destination des étudiants et était chargée de répandre l’idéologie nazie dans le milieu universitaire . À Fribourg-en-Brisgau, Irmgard suit les deux premiers semestres précliniques, réussissant l’examen de fin de première année (Vorphysikum) en 1936. Elle poursuit son cursus à l’université de Wurtzbourg en Basse-Franconie (Bavière), où elle obtient l’examen intermédiaire de médecine (Physikum ou ärtzliche Vorprüfung) après trois nouveaux semestres précliniques. Normalement, l’organisation des études médicales en Allemagne prévoit que l’étudiant présente cet examen – qui marque la fin du cycle dit préclinique – à l’issue des quatre premiers semestres du cursus de médecine. Comme Irmgard en a suivi cinq, il y a tout lieu de penser qu’elle ait dû redoubler un semestre avant de pouvoir obtenir son examen à la fin du semestre d’hiver 1937-1938 .
Le deuxième ralliement notoire qu’elle effectue en direction du national-socialiste est son inscription, de toute évidence volontaire, au ''Reichsarbeitsdienst'' à la sortie du lycée. Il s’agit d’une organisation du travail dépendant du mouvement et du parti nazis. Selon son curriculum vitae, elle aurait été envoyée une centaine de kilomètres au nord-est du foyer familial, à Nettelstedt bei Minden, jusqu’à la fin de l’été 1935<ref name="db34174a5e411bc1000ddc8232259a1eb14655d7">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Lebenslauf'', 3 août 1943.</ref>. La chronologie semble appuyer l’aspect volontaire de cet engagement. Si le ''RAD'' avait été créé dès 1933 à la suite de l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne, il n’avait été rendu obligatoire qu’à partir du 1er octobre 1935, date d’entrée en vigueur de la législation prise les 26 et 27 juin 1935<ref name="4b8ad4bbbe4c0e8784c94daa5f387e7f53f00fa6">Voir « Reichsarbeitsdienstgesetz », ''Reichsgesetzblatt, Teil I'', n°63, 1935, 27 juin 1935, p. 769-771. Voir aussi « Erlass des Führers und des Reichskanzlers über die Dauer der Dienstzeit und die Stärke des Reichsarbeitsdienstes vom 27. Juni 1935 », ''Reichsgesetzblatt, Teil I'', n°63, 1935, 27 juin 1935, p. 772.</ref>.
Pour la suite de ses études et plus précisément pour le cycle clinique de sa formation médicale, Irmgard se rend à l’université de Munich en Bavière, où elle suit les trois dernières années de son parcours académique, jusqu’à la fin de l’année 1940. Elle réussit l’examen médical d’État ([medizinisches] Staatsexamen) le 28 juillet 1940. L’admission à cet examen, clôturant les cinq années du cursus médical, est obligatoire et constitue en réalité un prérequis à la délivrance de l’Approbation (ou Bestallung als Arzt depuis 1939), c’est-à-dire de l’autorisation d’exercer la médecine, elle-même décernée après la validation d’une année de pratique médicale en clinique ou en cabinet privé. C’est dans ce cadre qu’elle reçoit, dès l’obtention du Staatsexamen, un contrat temporaire à la clinique chirurgicale de l’université de Munich, où elle commence à gagner de l’expérience en qualité de Volontärassistentin .
Pendant quatre mois, entre le 1er août et le 15 octobre 1940, elle travaille aux côtés du professeur Georg Magnus (1883-1942) en chirurgie, tout en parachevant sa formation académique par la préparation d’une thèse de doctorat de médecine . Contrairement au cursus de médecine français, où la soutenance d’une thèse et le titre de docteur en médecine est obligatoire pour exercer, en Allemagne, seules l’obtention de l’examen final, puis celle de l’Approbation sont requises pour être médecin. Cela étant, quand bien même ils ne se destinent pas à une carrière dans la recherche ou dans l’enseignement, de nombreux étudiants décident, comme Irmgard, de rédiger une thèse. Intéressée par la radiothérapie et le traitement des cancers, elle prépare une thèse de vingt pages intitulée « Sur la thérapie par rayons des tumeurs du cuir chevelu » (Zur Strahlenbehandlung der Kopfhautkarzinome) . Elle la soutient le 9 décembre 1940 devant un jury de la faculté de médecine de Munich .


Le début de la carrière médicale (décembre 1940 – juin 1943)
'''''Les études de médecine'''''


Entre la fin de l’année 1940 et l’été 1943, Irmgard Kessing débute sa carrière médicale, cumulant des expériences dans des disciplines médicales diverses (médecine interne, médecine générale, gynécologie), mais aussi au sein de différents environnements, à la fois en milieu hospitalier, mais également au sein d’un cabinet médical privé. Quelques jours après avoir soutenu sa thèse de doctorat, Irmgard quitte la Bavière pour retourner dans sa Westphalie natale. Elle retourne vivre chez ses parents à Essen et emménage dans leur appartement meublé situé au Bochumstraße 228 . Elle obtient alors un poste chez du professeur Ostendorf à la clinique gynécologique (Frauenklinik) du Elisabethkrankenhaus, le plus vieil hôpital de la ville d’Essen. Au départ, elle travaille d’abord comme Pflichtassistentin pendant sept mois, du 16 décembre 1940 au 15 juillet 1941, avant d’être qualifiée d’Assistentin dans les deux mois qui suivent, du 15 juillet 1941 au 15 septembre 1941 . En fait, au regard de la législation nationale-socialiste adoptée en 1939 sur l’organisation des études de médecine et la délivrance de l’autorisation d’exercer la médecine, il faut remarquer que l’« année pratique » (Praktisches Jahr) – pendant laquelle le jeune médecin travaillait en clinique ou dans un cabinet après avoir réussi l’examen médical d’État – avait été remplacée par une période dite Pflichtassistentenzeit. Les objectifs de ce temps de service étaient sensiblement les mêmes, mais comme son nom l’indique, le médecin occupait alors une fonction de Pflichtassistent dans une période obligatoire de service dont la durée légale était d’une année . Si l’on compte les quatre mois passés à la clinique chirurgicale à Munich en 1940, Irmgard a de toute évidence effectué les douze mois de ce service entre début août 1940 et fin juillet 1941.
Une fois dégagée de ses obligations civiques, Irmgard s’inscrit aussitôt à la faculté de médecine de l’université de Fribourg-en-Brisgau à partir du semestre d’hiver 1935-1936. Un troisième pas de l’entrée en nazisme est franchi dès son arrivée en Bade, avec son inscription le 1er novembre 1935 au ''NSD-Studentenbund''. Fondée en 1926, l’Union des étudiants nationaux-socialistes allemands était une organisation affiliée au parti nazi (''angeschlossener Verband der NSDAP'') à destination des étudiants et était chargée de répandre l’idéologie nazie dans le milieu universitaire<ref name="67d0a8a91fd6c7d58f8a048e65111d98ecfe8314">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Personalfragebogen'', 1er août 1943.</ref>. À Fribourg-en-Brisgau, Irmgard suit les deux premiers semestres précliniques, réussissant l’examen de fin de première année (''Vorphysikum'') en 1936. Elle poursuit son cursus à l’université de Wurtzbourg en Basse-Franconie (Bavière), elle obtient l’examen intermédiaire de médecine (''Physikum'' ou ''ärtzliche Vorprüfung'') après trois nouveaux semestres précliniques. Normalement, l’organisation des études médicales en Allemagne prévoit que l’étudiant présente cet examen – qui marque la fin du cycle dit préclinique – à l’issue des quatre premiers semestres du cursus de médecine. Comme Irmgard en a suivi cinq, il y a tout lieu de penser qu’elle ait dû redoubler un semestre avant de pouvoir obtenir son examen à la fin du semestre d’hiver 1937-1938<ref name="db34174a5e411bc1000ddc8232259a1eb14655d7">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Lebenslauf'', 3 août 1943.</ref>.
Ensuite, Irmgard obtient l’ordre des autorités civiles (Amtsarzt) de quitter l’hôpital pour accomplir une sorte de service médical obligatoire. Entre le 15 septembre et le 15 octobre 1941, elle est, selon l’expression officielle, « notdienstverpflichtet ». Mise à la disposition de l’État pour garantir les soins à la population civile, elle assure alors le remplacement (Vertreterin) d’un médecin généraliste dans son cabinet au Karpinskistraße 16 à Essen (Dr. Micke). Une fois le remplacement effectué, elle candidate à un poste d’Assistentin au service de chirurgie (chirurgische Abteilung) du Vincenz-Krankenhaus à Essen-Stoppenberg, où elle travaille pendant sept mois et demi, du 15 octobre 1941 au 30 juin 1942. Après cela, Irmgard est encore une fois notdienstverpflichtet et reçoit une affectation à la Huyssens Stiftung, un hôpital confessionnel (protestant) du quartier de Huttrop à Essen. Pendant près d’un an, du 10 juillet 1942 au 7 juin 1943, elle travaille comme Assistentin au service de médecine interne (innere Abteilung) sous la direction Dr. Helmut Bernsau. Son état de santé s’étant détérioré depuis plusieurs mois, Irmgard est contrainte de suspendre son activité médicale à partir du 7 juin 1943 . En raison d’une sinusite chronique (chronische Nebelhöhlenerkrankung) et d’un problème myocardique (leichter Myokardschaden), elle reçoit un congé de maladie (beurlaubt) pendant quelques semaines, jusqu’à ce qu’elle intègre l’équipe médicale de la Reichsuniversität Strassburg le 1er août 1943 .


La carrière médicale à la Reichsuniversität Strassburg (1943-1944)
Pour la suite de ses études et plus précisément pour le cycle clinique de sa formation médicale, Irmgard se rend à l’université de Munich en Bavière, où elle suit les trois dernières années de son parcours académique, jusqu’à la fin de l’année 1940. Elle réussit l’examen médical d’État (''[medizinisches] Staatsexamen'') le 28 juillet 1940. L’admission à cet examen, clôturant les cinq années du cursus médical, est obligatoire et constitue en réalité un prérequis à la délivrance de l’''Approbation'' (ou'' Bestellung als Arzt'' depuis 1939), c’est-à-dire de l’autorisation d’exercer la médecine, elle-même décernée après la validation d’une année de pratique médicale en clinique ou en cabinet privé. C’est dans ce cadre qu’elle reçoit, dès l’obtention du ''Staatsexamen'', un contrat temporaire à la clinique chirurgicale de l’université de Munich, où elle commence à gagner de l’expérience en qualité de ''Volontärassistentin''<ref name="db34174a5e411bc1000ddc8232259a1eb14655d7">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Lebenslauf'', 3 août 1943.</ref>.


Ayant acquis environ trois ans d’expérience depuis la fin de ses études, Irmgard dépose une candidature pour obtenir un poste de médecin à la Reichsuniversität Strassburg. Elle intègre le service de la clinique médicale le 1er août 1943 et occupe un poste de faisant fonction d’assistante scientifique et de médecin assistante à l’Abteilung II (Médicale A) du professeur Werner Hangarter (1904-1982). Elle travaille dans cette équipe, composée d’une dizaine de médecins, pendant un an, étant officiellement rattachée la clinique jusqu’au 31 août 1944, mais en réalité, elle quitte le service à la fin du mois d’avril 1944 en raison de ses problèmes de santé.
Pendant quatre mois, entre le 1er août et le 15 octobre 1940, elle travaille aux côtés du professeur Georg Magnus (1883-1942) en chirurgie, tout en parachevant sa formation académique par la préparation d’une thèse de doctorat de médecine<ref name="df450231cee52ffdd230fa7ace12f7ac9b84f2d6">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lebenslauf, 3 août 1943 ; ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), ''Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten'', 1er août 1943.</ref>. Contrairement au cursus de médecine français, où la soutenance d’une thèse et le titre de docteur en médecine est obligatoire pour exercer, en Allemagne, seules l’obtention de l’examen final, puis celle de l’Approbation sont requises pour être médecin. Cela étant, quand bien même ils ne se destinent pas à une carrière dans la recherche ou dans l’enseignement, de nombreux étudiants décident, comme Irmgard, de rédiger une thèse. Intéressée par la radiothérapie et le traitement des cancers, elle prépare une thèse de vingt pages intitulée « Sur la thérapie par rayons des tumeurs du cuir chevelu » (''Zur Strahlenbehandlung der Kopfhautkarzinome'')<ref name="fd1ff11ee55055ea13b4f607e3d52c59e8d94cea">Irmgard Kessing, ''Zur Strahlenbehandlung der Kopfhautkarzinome'', thèse de doctorat de médecine, Université de Munich, Hansa-Druckerei, 1940, 20 p. Voir aussi United States Department of Health, education and Welfare, Public Health Service, ''Index-Catalogue of the Library of the Surgeons General’s Office, fifth Series, vol. 1, Authors and Titles'', Washington, United States Government Printing Office, 1959, p. 294.</ref>. Elle la soutient le 9 décembre 1940 devant un jury de la faculté de médecine de Munich<ref name="df450231cee52ffdd230fa7ace12f7ac9b84f2d6">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lebenslauf, 3 août 1943 ; ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), ''Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten'', 1er août 1943.</ref>.


Affectée à la Reichsuniversität Strassburg pour raisons de santé
'''''Le début de la carrière médicale (décembre 1940 – juin 1943)'''''


L’arrivée à la clinique en août 1943
Entre la fin de l’année 1940 et l’été 1943, Irmgard Kessing débute sa carrière médicale, cumulant des expériences dans des disciplines médicales diverses (médecine interne, médecine générale, gynécologie), mais aussi au sein de différents environnements, à la fois en milieu hospitalier, mais également au sein d’un cabinet médical privé. Quelques jours après avoir soutenu sa thèse de doctorat, Irmgard quitte la Bavière pour retourner dans sa Westphalie natale. Elle retourne vivre chez ses parents à Essen et emménage dans leur appartement meublé situé au ''Bochumstraße 228''<ref name="67d0a8a91fd6c7d58f8a048e65111d98ecfe8314">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Personalfragebogen'', 1er août 1943.</ref>. Elle obtient alors un poste chez du professeur Ostendorf à la clinique gynécologique (''Frauenklinik'') du ''Elisabethkrankenhaus'', le plus vieil hôpital de la ville d’Essen. Au départ, elle travaille d’abord comme ''Pflichtassistentin'' pendant sept mois, du 16 décembre 1940 au 15 juillet 1941, avant d’être qualifiée d’''Assistentin'' dans les deux mois qui suivent, du 15 juillet 1941 au 15 septembre 1941<ref name="df450231cee52ffdd230fa7ace12f7ac9b84f2d6">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lebenslauf, 3 août 1943 ; ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), ''Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten'', 1er août 1943.</ref>. En fait, au regard de la législation nationale-socialiste adoptée en 1939 sur l’organisation des études de médecine et la délivrance de l’autorisation d’exercer la médecine, il faut remarquer que l’« année pratique » (''Praktisches Jahr'') – pendant laquelle le jeune médecin travaillait en clinique ou dans un cabinet après avoir réussi l’examen médical d’État – avait été remplacée par une période dite ''Pflichtassistentenzeit''. Les objectifs de ce temps de service étaient sensiblement les mêmes, mais comme son nom l’indique, le médecin occupait alors une fonction de ''Pflichtassistent'' dans une période obligatoire de service dont la durée légale était d’une année<ref name="79cb9d6b0b2b4d8bfce542f45a8ecc6066d77119">« Fünfte Verordnung zur Durchführung und Ergänzung der Reichsärzteordnung (Bestallungsordnung für Ärzte) vom 17. Juli 1939 », ''Reichsgesetzblatt, Teil I'', 1939, n°130, 22 juillet 1939, p. 1273-1303.</ref>. Si l’on compte les quatre mois passés à la clinique chirurgicale à Munich en 1940, Irmgard a de toute évidence effectué les douze mois de ce service entre début août 1940 et fin juillet 1941.


L’arrivée d’Irmgard Kessing au sein de l’équipe médicale de la Reichsuniversität Strassburg ne tient pas du hasard, mais intervient à la suite d’une décision personnelle motivée en réalité par des raisons de santé. Rappelons en effet que dans son curriculum vitae d’août 1943, Irmgard précise que la sinusite dont elle souffre était chronique et que cela faisait alors près d’un an qu’elle « récidivait » (rezidiviert), au point d’obtenir un congé de maladie en juin 1943. Elle avait même consulté un médecin spécialiste (Facharzt) qui lui avait notamment « conseillé un changement de climat » (ein Klimawechsel empfohlen). Irmgard avait averti les autorités sanitaires local de cet avis médical et l’Amtsarzt d’Essen avait validé le conseil de ce spécialiste, puis suspendu la Notdienstverpflichtung d’Irmgard. Elle ajoute : « j’ai donc candidaté à un poste, ici à Strasbourg, car le climat m’avait déjà fait du bien l’année passée, à l’occasion d’un séjour de repos » . Ce serait donc visiblement le climat semi-continental de l’Alsace qui aurait séduit Irmgard lors d’un précédent séjour (peut-être en 1942) et qui l’aurait influencé dans sa décision de quitter la Westphalie et son climat océanique, peu adéquat pour sa guérison. En tous les cas, son entrée à l’Abteilung II de la clinique médicale de la Reichsuniversität Strassburg est datée précisément au 1er août 1943 .  
Ensuite, Irmgard obtient l’ordre des autorités civiles (''Amtsarzt'') de quitter l’hôpital pour accomplir une sorte de service médical obligatoire. Entre le 15 septembre et le 15 octobre 1941, elle est, selon l’expression officielle, « ''notdienstverpflichtet'' ». Mise à la disposition de l’État pour garantir les soins à la population civile, elle assure alors le remplacement (''Vertreterin'') d’un médecin généraliste dans son cabinet au ''Karpinskistraße 16'' à Essen (Dr. Micke). Une fois le remplacement effectué, elle candidate à un poste d’''Assistentin'' au service de chirurgie (''chirurgische Abteilung'') du ''Vincenz-Krankenhaus'' à Essen-Stoppenberg, où elle travaille pendant sept mois et demi, du 15 octobre 1941 au 30 juin 1942. Après cela, Irmgard est encore une fois ''notdienstverpflichtet'' et reçoit une affectation à la ''Huyssens Stiftung'', un hôpital confessionnel (protestant) du quartier de Huttrop à Essen. Pendant près d’un an, du 10 juillet 1942 au 7 juin 1943, elle travaille comme ''Assistentin'' au service de médecine interne (''innere Abteilung'') sous la direction Dr. Helmut Bernsau. Son état de santé s’étant détérioré depuis plusieurs mois, Irmgard est contrainte de suspendre son activité médicale à partir du 7 juin 1943<ref name="423d61d1890f95fa5e173bfd3a32d5cdfebc9d9b">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten, 1er août 1943.</ref>. En raison d’une sinusite chronique (''chronische Nebelhöhlenerkrankung'') et d’un problème myocardique (''leichter Myokardschaden''), elle reçoit un congé de maladie (''beurlaubt'') pendant quelques semaines, jusqu’à ce qu’elle intègre l’équipe médicale de la ''Reichsuniversität Straβburg'' le 1er août 1943<ref name="db34174a5e411bc1000ddc8232259a1eb14655d7">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Lebenslauf'', 3 août 1943.</ref>.


La procédure de recrutement comme faisant fonction d’assistante scientifique


Au départ, la situation d’Irmgard Kessing à un poste de médecin assistant n’est que temporaire et pour valider officiellement sa nomination, un dossier de recrutement en bonne et due forme doit être constitué afin d’être instruit par les instances de l’université. Deux jours après son arrivée à l’hôpital (3 août), le directeur de la clinique médicale, Johannes Stein (1896-1967), remplit un formulaire afin de la recruter comme faisant fonction d’assistante scientifique (Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle) à compter du 1er du mois et pour toute la durée de la guerre (Kriegsdauer) . Normalement, c’est le chef du service en question qui doit être à l’origine de la démarche et non Stein, mais il faut préciser que le chef de l’Abteilung II, le professeur Werner Hangarter (1904-1982) avait été appelé dans la Wehrmacht et c’est visiblement Stein, en tant que directeur de la clinique, qui a été amené à assurer l’intérim. Environ un mois plus tard, le 2 septembre, Stein, cette fois-ci en sa qualité de doyen de la faculté de médecine, donne son accord à sa propre demande . Dans l’intervalle, le Dr. Kessing a dû produire un certain nombre de pièces justificatives pour que Stein puisse transmettre le dossier de recrutement aux autorités supérieures. Elle rédige un Lebenslauf, c’est-à-dire un curriculum vitae ou récit de vie dans lequel elle présente son parcours scolaire, universitaire et médical en précisant les dates des examens présentés et des activités exercées . Elle remplit plusieurs formulaires qui permettent de vérifier son ascendance germanique et aryenne , de préciser son parcours civil et politique (état civil, scolarité, situation militaire et politique, adhésion au parti, etc.) , mais également de détailler tous les postes précédemment occupés au cours de sa carrière médicale . Comme l’exige la procédure, elle signe un document par lequel elle certifie sur l’honneur n’appartenir et n’avoir jamais appartenu à une quelconque loge  et complète enfin son dossier en fournissant la copie d’une attestation de sa possession de la « nationalité du Reich » (Reichsangehörigkeit) .
'''<u>La carrière médicale à la ''Reichsuniversität Straβburg'' (1943-1944)</u>'''
Après avoir pris connaissance de toutes ces pièces et avoir donné son accord, Stein transmet le dossier au NS-Dozentenführer Ferdinand Schlemmer (1898-1973), responsable du parti au sein de l’université et du corps enseignant, qui valide le « recrutement immédiat » pour mais estime que la durée préalable de son emploi à la Reichsuniversität Strassburg doit être restreinte à un trimestre avant de prendre sa « décision finale » . Finalement, c’est le recteur Karl Schmidt (1899-1980) qui est amené à statuer sur la nomination officielle du Dr. Kessing à l’Abteilung II. Ne tenant pas compte de l’avis de Schlemmer, le recteur opte pour un recrutement pour la durée de la guerre et avertit l’administrateur en chef de l’université Richard Scherberger (1910-1979) de sa décision . Avant d’entériner l’emploi du Dr. Kessing, le Kurator se renseigne auprès des services administratifs des établissements hospitalo-universitaires afin de s’assurer que le poste prévu pour Kessing soit bien vacant , ce qui est confirmé quelques semaines plus tard par le directeur administratif de l’hôpital civil, Alphonse Barthelmé . Ainsi, le 13 octobre 1943, le Kurator Scherberger entérine l’emploi du Dr. Kessing comme faisant fonction d’assistante scientifique (Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle) à l’Abteilung II de la clinique médicale. Étant célibataire, sa rémunération mensuelle s’élevait alors à précisément 323,68 Reichsmarks bruts . De plus, dans les semaines qui suivent, le dossier d’Irmgard continue d’être instruit par les instances de l’université pour prolonger son contrat comme prévu par le recteur. Elle passe notamment une visite médicale au Gesundheitsamt de Strasbourg le 25 octobre 1943 afin de vérifier qu’elle soit apte, médicalement, à occuper ce poste. L’Amtsärztliches Zeugnis, signé par le Dr. Rachel, permet d’en savoir davantage sur l’état de santé d’Irmgard. À l’auscultation, il note qu’elle souffre de « lésions myocardiques à la suite d’une amygdalite chronique » (Myokardschaden nach chron[ischer] Tonsillitis), qu’elle « souhaite à présent être opérée d’une amygdalectomie ». L’examen cardiaque met en avant que le cœur ne s’est pas élargi (nicht verbreitet), que les sons sont purs et réguliers (Töne rein, regelrecht), que le pouls est régulier et fort (Puls regeläßig, kräftig) et que de légers troubles de la conduction (leichte Reizleitungsstörungen) ont été observés à l’électrocardiogramme. Mais d’un point de vue général, le Dr. Rachel conclut que l’état de santé de sa consœur est « bon » et qu’elle est « apte […] à être employée comme Assistenzärztin à la clinique médicale » .


Mariage avec un médecin-officier
Ayant acquis environ trois ans d’expérience depuis la fin de ses études, Irmgard dépose une candidature pour obtenir un poste de médecin à la ''Reichsuniversität Straβburg''. Elle intègre le service de la clinique médicale le 1er août 1943 et occupe un poste de faisant fonction d’assistante scientifique et de médecin assistante à l’''Abteilung II'' (Médicale A) du professeur Werner Hangarter (1904-1982). Elle travaille dans cette équipe, composée d’une dizaine de médecins, pendant un an, étant officiellement rattachée la clinique jusqu’au 31 août 1944, mais en réalité, elle quitte le service à la fin du mois d’avril 1944 en raison de ses problèmes de santé.


Près de cinq mois après avoir débuté son contrat à la Reichsuniversität Strassburg, Irmgard Kessing, qui occupe un logement mis à disposition à l’hôpital civil, épouse à Strasbourg un médecin-militaire allemand. Le 30 décembre 1943, elle épouse le Dr. Wolfgang Stinner, né le 16 juillet 1910 à Arnsberg, une ville alors située dans la province de Westphalie du Royaume de Prusse . Issu d’une famille allemande de condition modeste et de confession catholique, Wolfgang est plus précisément le fils d’un urbaniste municipal (Stadtbaumeister), mais aussi le petit-fils d’un entrepreneur en construction (Bauunternehmer) du côté paternel et d’un maître-boucher (Metzgermeister) du côté maternel . Si les sources le concernant sont rares, on sait qu’il avait accompli des études de médecine jusqu’à la soutenance d’une thèse de doctorat de médecine, lui conférant le titre « Dr. med. » . De plus, avec la Seconde Guerre mondiale, il était devenu officier dans l’armée allemande et avait servi comme médecin dans l’armée de l’air, où il possédait le grade de lieutenant du service de santé de la Luftwaffe (Oberarzt). Irmgard informe rapidement les services de l’université de son changement de statut marital, ce qui a évidemment une incidence directe sur sa rémunération . Quelques jours plus tard, le directeur administratif de l’hôpital civil, Alphonse Barthelmé déclare prendre acte de cette nouvelle situation et indique porter en conséquence « le traitement de la susnommée de 323,68 RM à 423,63 RM avec effet rétroactif au 1er décembre 1943 » . Elle est dès lors présentée dans les documents administratifs sous le nom d’Irmgard Stinner-Kessing, conservant son nom de naissance à côté de son nom marital.
'''''Affectée à la'' Reichsuniversität Straβburg ''pour raisons de santé'''''


Le service à l’Abteilung II de la clinique médicale
''L’arrivée à la clinique en août 1943''
 
L’arrivée d’Irmgard Kessing au sein de l’équipe médicale de la ''Reichsuniversität Straβburg'' ne tient pas du hasard, mais intervient à la suite d’une décision personnelle motivée en réalité par des raisons de santé. Rappelons en effet que dans son ''curriculum vitae'' d’août 1943, Irmgard précise que la sinusite dont elle souffre était chronique et que cela faisait alors près d’un an qu’elle « récidivait » (''rezidiviert''), au point d’obtenir un congé de maladie en juin 1943. Elle avait même consulté un médecin spécialiste (''Facharzt'') qui lui avait notamment « conseillé un changement de climat » (''ein Klimawechsel empfohlen''). Irmgard avait averti les autorités sanitaires local de cet avis médical et l’''Amtsarzt'' d’Essen avait validé le conseil de ce spécialiste, puis suspendu la ''Notdienstverpflichtung'' d’Irmgard. Elle ajoute : « j’ai donc candidaté à un poste, ici à Strasbourg, car le climat m’avait déjà fait du bien l’année passée, à l’occasion d’un séjour de repos »<ref name="db34174a5e411bc1000ddc8232259a1eb14655d7">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Lebenslauf'', 3 août 1943.</ref>. Ce serait donc visiblement le climat semi-continental de l’Alsace qui aurait séduit Irmgard lors d’un précédent séjour (peut-être en 1942) et qui l’aurait influencé dans sa décision de quitter la Westphalie et son climat océanique, peu adéquat pour sa guérison. En tous les cas, son entrée à l’''Abteilung II'' de la clinique médicale de la Reichsuniversität Straβburg est datée précisément au 1er août 1943<ref name="128f4b396cbcbce69a0a37c42213c2dbf8502bc4">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lettre du ''Verwaltungsdirektor'' Barthelmé au ''Kurator'' Scherberger, 12 novembre 1943.</ref>.
 
''La procédure de recrutement comme faisant fonction d’assistante scientifique''
 
Au départ, la situation d’Irmgard Kessing à un poste de médecin assistant n’est que temporaire et pour valider officiellement sa nomination, un dossier de recrutement en bonne et due forme doit être constitué afin d’être instruit par les instances de l’université. Deux jours après son arrivée à l’hôpital (3 août), le directeur de la clinique médicale, Johannes Stein (1896-1967), remplit un formulaire afin de la recruter comme faisant fonction d’assistante scientifique (''Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle'') à compter du 1er du mois et pour toute la durée de la guerre (''Kriegsdauer'')<ref name="8a6330a444da656f943af8e5d757be59563c2b7e">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Antrag auf Einstellung eines Assistenten'', 3 août 1943. Il s’agit d’un formulaire recto-verso composé de quatre parties, chacune destinée aux quatre personnes intervenant dans la chaîne décisionnelle du recrutement d’un médecin à la ''Reichsuniversität Straβburg'' : le directeur du service qui initie la demande (ici Stein dans son rôle de directeur par intérim de l’''Abteilung II'' de la clinique médicale), le doyen de la faculté de médecine Johannes Stein, le ''NS-Dozentenführer'' Ernst Anrich et enfin le ''Rektor'' Karl Schmidt. Le dossier remonte ainsi la voie hiérarchique, chacun indiquant sa décision, soit directement sur le formulaire, soit sur une lettre séparée envoyée à la prochaine personne concernée.</ref>. Normalement, c’est le chef du service en question qui doit être à l’origine de la démarche et non Stein, mais il faut préciser que le chef de l’''Abteilung II'', le professeur Werner Hangarter (1904-1982) avait été appelé dans la ''Wehrmacht'' et c’est visiblement Stein, en tant que directeur de la clinique, qui a été amené à assurer l’intérim. Environ un mois plus tard, le 2 septembre, Stein, cette fois-ci en sa qualité de doyen de la faculté de médecine, donne son accord à sa propre demande<ref name="4e21b74cf92c0f47f887a93192ea73a7c705fbf3">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Antrag auf Einstellung eines Assistenten'', 3 août 1943.</ref>. Dans l’intervalle, le Dr. Kessing a dû produire un certain nombre de pièces justificatives pour que Stein puisse transmettre le dossier de recrutement aux autorités supérieures. Elle rédige un ''Lebenslauf'', c’est-à-dire un ''curriculum vitae'' ou récit de vie dans lequel elle présente son parcours scolaire, universitaire et médical en précisant les dates des examens présentés et des activités exercées<ref name="db34174a5e411bc1000ddc8232259a1eb14655d7">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Lebenslauf'', 3 août 1943.</ref>. Elle remplit plusieurs formulaires qui permettent de vérifier son ascendance germanique et aryenne<ref name="1d2af3fa6e505ae572b60dba290e5d9b14e2bbd6">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Fragebogen über die Abstammung'', 1er août 1943.</ref>, de préciser son parcours civil et politique (état civil, scolarité, situation militaire et politique, adhésion au parti, etc.)<ref name="e27713b905975a11a362fc85010f05759f089625">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Personalfragebogen'', 1er août 1943 ; ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), ''Fragebogen. Ergänzung zum Formblatt 2'', 1er août 1943.</ref>, mais également de détailler tous les postes précédemment occupés au cours de sa carrière médicale<ref name="5e0926d845a2edb6a1b070c516689b9af8a8dbc7">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten'', 1er août 1943.</ref>. Comme l’exige la procédure, elle signe un document par lequel elle certifie sur l’honneur n’appartenir et n’avoir jamais appartenu à une quelconque loge<ref name="4cdcfb2fa5e8b84ec47e7d35f025e7af4f7afd3b">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Erklärung über die Logenzugehörigkeit'', 1er août 1943.</ref> et complète enfin son dossier en fournissant la copie d’une attestation de sa possession de la « nationalité du Reich » (''Reichsangehörigkeit'')<ref name="ccef8e02c61bd79c062272005db3240d57a2eb3c">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Staatsangehörigkeitsausweis'' (copie d’un original de 1936), 1943 : « ''Die Studentin Irmgard, Bernhardine, Wilhelmine Keßing […], geboren am 10. Mai 1916 in Gelsenkirchen, besitzt die Reichsangehörigkeit. Münster (Westf.), den 27. Juni 1936. Der Preußische Regierungspräsident, im Auftrage'' ».</ref>.
 
Après avoir pris connaissance de toutes ces pièces et avoir donné son accord, Stein transmet le dossier au ''NS-Dozentenführer'' Ferdinand Schlemmer (1898-1973), responsable du parti au sein de l’université et du corps enseignant, qui valide le « recrutement immédiat » pour mais estime que la durée préalable de son emploi à la ''Reichsuniversität Straβburg'' doit être restreinte à un trimestre avant de prendre sa « décision finale »<ref name="0555ec617da8434170eb505c45fb1eab9353b6e6">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lettre du ''NS-Dozentenführer'' Schlemmer au ''Rektor'' Schmidt, 9 septembre 1943.</ref>. Finalement, c’est le recteur Karl Schmidt (1899-1980) qui est amené à statuer sur la nomination officielle du Dr. Kessing à l’''Abteilung II''. Ne tenant pas compte de l’avis de Schlemmer, le recteur opte pour un recrutement pour la durée de la guerre et avertit l’administrateur en chef de l’université Richard Scherberger (1910-1979) de sa décision<ref name="1085b8b140adeef10ceb224ef9cc633b6dc38e37">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lettre du ''Rektor'' Schmidt au ''Kurator'' Scherberger, 11 septembre 1943.</ref>. Avant d’entériner l’emploi du Dr. Kessing, le Kurator se renseigne auprès des services administratifs des établissements hospitalo-universitaires afin de s’assurer que le poste prévu pour Kessing soit bien vacant<ref name="88a7c958cdb086d36567a1d9ddffeef17c3c7035">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lettre du ''Kurator'' Scherberger à l’administration des établissements hospitalo-universitaires, 15 septembre 1943.</ref>, ce qui est confirmé quelques semaines plus tard par le directeur administratif de l’hôpital civil, Alphonse Barthelmé<ref name="a8ad8dd469d64def4f9cd2841757e0ae987dc6cd">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lettre du directeur administratif de l’hôpital civil Barthelmé au ''Kurator'' Scherberger, 7 octobre 1943 : « ''Auf die dortige Anfrage vom 15.9.1943 Nr. 5188/43 teile ich mit, daß für die mit der Verwaltung einer wissenschaftlichen Assistentenstelle zu beauftragende Ärztin Dr. Irmgard Kessing die erforderliche freie Assistentenstelle vorhanden ist'' ».</ref>. Ainsi, le 13 octobre 1943, le Kurator Scherberger entérine l’emploi du Dr. Kessing comme faisant fonction d’assistante scientifique (''Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle'') à l’''Abteilung II'' de la clinique médicale. Étant célibataire, sa rémunération mensuelle s’élevait alors à précisément 323,68 Reichsmarks bruts<ref name="200500d61dcfd521bcd7a7821485798ca213260f">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lettre du ''Kurator'' Scherberger à Irmgard Kessing, 13 octobre 1943. Notons que pour des raisons d’organisation et étant donné que le dossier de Kessing est incomplet, le ''Kurator'' ne valide le recrutement que jusqu’au 31 décembre 1943. En fait, l’université limite la durée du contrat, car elle ne souhaite pas que d’autres candidats soient lésés si Irmgard ne fournit pas les pièces à temps (« ''Die Befristung des Beschäftigungsverhältnisses bis zum 31.12.1943 hat lediglich den Zweck, ein Wartenlassen der Beteiligten bis zum Abschluß der Begutachtung zu vermeiden'' »).</ref>. De plus, dans les semaines qui suivent, le dossier d’Irmgard continue d’être instruit par les instances de l’université pour prolonger son contrat comme prévu par le recteur. Elle passe notamment une visite médicale au ''Gesundheitsamt'' de Strasbourg le 25 octobre 1943 afin de vérifier qu’elle soit apte, médicalement, à occuper ce poste. L’''Amtsärztliches Zeugnis'', signé par le Dr. Rachel, permet d’en savoir davantage sur l’état de santé d’Irmgard. À l’auscultation, il note qu’elle souffre de « lésions myocardiques à la suite d’une amygdalite chronique » ('Myokardschaden nach chron[ischer] Tonsillitis''), qu’elle « souhaite à présent être opérée d’une amygdalectomie ». L’examen cardiaque met en avant que le cœur ne s’est pas élargi (''nicht verbreitet''), que les sons sont purs et réguliers (''Töne rein, regelrecht''), que le pouls est régulier et fort (''Puls regeläßig, kräftig'') et que de légers troubles de la conduction (''leichte Reizleitungsstörungen'') ont été observés à l’électrocardiogramme. Mais d’un point de vue général, le Dr. Rachel conclut que l’état de santé de sa consœur est « bon » et qu’elle est « apte […] à être employée comme Assistenzärztin à la clinique médicale »<ref name="126344b4f3ca6cd7e023645662ed8fe76c27ad19">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Amtsärztliches Zeugnis'', 25 octobre 1943.</ref>.
 
''Mariage avec un médecin-officier''
 
Près de cinq mois après avoir débuté son contrat à la ''Reichsuniversität Straβburg'', Irmgard Kessing, qui occupe un logement mis à disposition à l’hôpital civil, épouse à Strasbourg un médecin-militaire allemand. Le 30 décembre 1943, elle épouse le Dr. Wolfgang Stinner, né le 16 juillet 1910 à Arnsberg, une ville alors située dans la province de Westphalie du Royaume de Prusse<ref name="2f749145ab2e9f70c2227950e5ad422425ae8ff7">ADBR, 4E482/1282, État civil de Strasbourg, Table des mariages (1943-1952), Acte de mariage de I. Kessing et W. Stinner, 30 décembre 1943, Acte n°1521/1943.</ref>. Issu d’une famille allemande de condition modeste et de confession catholique, Wolfgang est plus précisément le fils d’un urbaniste municipal (''Stadtbaumeister''), mais aussi le petit-fils d’un entrepreneur en construction (''Bauunternehmer'') du côté paternel et d’un maître-boucher (''Metzgermeister'') du côté maternel<ref name="ebc802032f643951f1dc21f29d44e550078f6a4c">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Anzeige über Verheiratung'', 17 janvier 1944.</ref>. Si les sources le concernant sont rares, on sait qu’il avait accompli des études de médecine jusqu’à la soutenance d’une thèse de doctorat de médecine, lui conférant le titre « Dr. med. »<ref name="1be5686b6f43077ac90c8d9097496c52fbf31d7f">Il est possible qu’il s’agisse du Wolfgang Stinner, né en 1910, dont il est question dans l’ouvrage suivant : United States Army, Army Medical Library, ''Index-Catalogue of the Library of the Surgeon General’s Office, Autors and Subjects, Fifth Series, vol. I, Authors and Titles'', Washington, United States Government Printing Office, 1945, p. 616. Disponible sur Google Livres via https://books.google.fr/books?id{{=}}qXMiAQAAMAAJ&, [en ligne], consulté le 15 avril 2021. Si tel est le cas, cela signifierait que Stinner a soutenu en 1937 une thèse de doctorat de médecine intitulée ''Misserfolge der Tubenquetschung nach Madlener als Sterilisationsmethode?'' à l’université de Munich.</ref>. De plus, avec la Seconde Guerre mondiale, il était devenu officier dans l’armée allemande et avait servi comme médecin dans l’armée de l’air, où il possédait le grade de lieutenant du service de santé de la Luftwaffe (''Oberarzt''). Irmgard informe rapidement les services de l’université de son changement de statut marital, ce qui a évidemment une incidence directe sur sa rémunération<ref name="ebc802032f643951f1dc21f29d44e550078f6a4c">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , ''Anzeige über Verheiratung'', 17 janvier 1944.</ref>. Quelques jours plus tard, le directeur administratif de l’hôpital civil, Alphonse Barthelmé déclare prendre acte de cette nouvelle situation et indique porter en conséquence « le traitement de la susnommée de 323,68 RM à 423,63 RM avec effet rétroactif au 1er décembre 1943 »<ref name="c7e33676187c21659e69dee90bd47878c8d890a6">ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lettre du ''Verwaltungsdirektor'' Barthelmé au ''Kurator'' Scherberger, 24 janvier 1944 : « ''Dr. Kessing Irmgard […] teilte mir heute mir, dass sie sich am 30.12.43 mit dem Oberarzt der Luftwaffe Dr. Wolfgang Stinner verheiratet hat […]. Die Dienstbezüge der Genannten habe ich mit Wirkung v[om] 1.12.43 vom RM. 323,68 auf RM. 423,63 erhöht'' ».</ref>. Elle est dès lors présentée dans les documents administratifs sous le nom d’Irmgard Stinner-Kessing, conservant son nom de naissance à côté de son nom marital.
 
'''''Le service à'' l’Abteilung II ''de la clinique médicale'''''
   
   
L’équipe de l’Abteilung II
''L’équipe de l’Abteilung II''
 
Si Irmgard Kessing a pris ses fonctions à l’''Abteilung II'' de la clinique médicale le 1er août 1943, elle ne figure sur les listes officielles du personnel médical de la ''Reichsuniversität Straβburg'' que le mois suivant. Durant sa présence, entre début août 1943 à fin août 1944, elle possède le statut de médecin-assistante (''Assistenzärztin'') ou de faisant fonction d’assistante scientifique (''Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle''). À cette époque-là, l’ensemble de la clinique médicale, tous services confondus, compte entre 42 et 46 médecins par mois chaque mois, y compris ceux qui sont momentanément absents ou envoyés au front. Plus précisément, sur la même période, l’''Abteilung II'' de la clinique médicale où travaille Irmgard Kessing est composée d’une équipe de quinze médecins, parmi lesquels six femmes. Le service est officiellement placé sous la direction du professeur Werner Hangarter (1904-1982), mais ce dernier a été mobilisé dans la Wehrmacht et envoyé au front depuis le mois d’octobre 1942, si bien que la direction par intérim de la clinique médicale A (''Abteilung II'') est assurée par Wilhelm Dieker. Le tableau ci-dessous présente les quinze médecins qu’Irmgard a côtoyés durant son passage à Strasbourg entre 1943 et 1944. Il est particulièrement intéressant de noter que la proportion d’Alsaciens est assez importante, de même que celle des femmes qui représentent 40% du service<ref name="1c3dfbd18c2e11555b11dfcb24ff3f41fca212a7">Voir AVES, 7 AH 15 et ADBR, 126 AL 37, dossier n°4, Listes mensuelles du personnel médical de la Reichsuniversität Straβburg, 1943-1944.</ref>.
 
{{tra:Kessing-Ta-1}}
 
''État de la clinique médicale en 1944''
 
Afin de donner un aperçu plus précis des conditions de travail d’Irmgard Stinner-Kessing et de ses confrères à la clinique médicale, il est intéressant de considérer l’état de la clinique tel que le décrit son directeur, Johannes Stein, dans un rapport adressé au ''Kurator'' de la ''Reichsuniversität Straβburg'' au début de l’année 1944. Au 5 janvier 1944, sur les 765 lits disponibles dans tous les services de sa clinique, le taux d’occupation global atteint 85% avec précisément 651 lits occupés. De plus, ce sont en moyenne 734 patients qui sont quotidiennement examinés (''untersucht'') et soignés (''behandelt'') de manière ambulatoire (''ambulant'') à la clinique. À cette même date, même si la liste officielle du personnel médical de la clinique médicale compte quarante-quatre médecins (dont treize ont été appelés dans la ''Wehrmacht''), Stein déclare être à la tête d’une équipe de vingt-neuf médecins. Conformément à la réglementation du nombre de médecin dans les cliniques universitaires (ratio médecin-patients), ce nombre aurait été largement suffisant pour assurer le bon fonctionnement de la clinique. Toutefois, Stein ajoute que deux de ses collaborateurs sont des mutilés de guerre, que deux autres cumulent leurs activités hospitalières avec une pratique privée et qu’un autre est encore malade, si bien qu’il prétend ne pouvoir s’appuyer que sur vingt-trois médecins, c’est-à-dire qu’il compte certains de ses assistants pour une « moitié ». Par ailleurs, s’il estimait que le ratio médecin-patient était jusque-là convenable, il précise que la « situation a complètement changé ces dernières semaines », évoquant notamment le départ de quatre de ses collaborateurs<ref name="16fd743a2c9e6c0d7c75a5137ded55488f8cd6da">ADBR, 1558 W 677, dossier n°60991 (Raymond Koessler), , Lettre de du directeur de la clinique médicale de la ''Reichsuniversität Straβburg'' au ''Kurator'' de la ''Reichsuniversität Straβburg'' au sujet du détachement du Dr. Koessler du service armé, 4 février 1944. Les deux ''Schwerkriegsversehrte'' sont Günther Holzapfel (amputé du bras droit) et Valentin Becker (il a perdu un œil après avoir pris une balle dans le front et a été amputé de plusieurs doigts de pieds à cause de gelures). Les autres médecins auxquels Stein fait référence sont les Alsaciens Charles Gunsett et Frédéric-Auguste Schaaf, qui possèdent aussi une patientèle privée en dehors de l’hôpital, et le Dr. Werner Jordan, qui subissait encore les séquelles d’une grave tuberculose (''schwere Tuberkulose''). Les Drs. Wagner et Discher ont été affectés à la clinique chirurgicale, le Dr. Ernewein a été enrôlé dans l’armée allemande (''zum Wehrdienst verpflichtet'') et le Dr. Conradt a été soumis au service médical obligatoire en campagne (''für eine Landpraxis dienstverpflichtet'').</ref>. En d’autres termes, il ne peut dès lors compter que sur dix-neuf assistants :
 
« en comparaison avec toutes les grandes cliniques médicales allemandes, le nombre de médecins internistes parfaitement formés est très faible à la clinique [strasbourgeoise]. Hormis le directeur de la ''Röntgenabteilung'' [Wilhelm Dieker], qui est également directeur par intérim de l’''Abteilung II'', la clinique médicale ne compte aucun ''Dozent'' »<ref name="8baa584da582b1d13a9a95aa8e75c16daa342d43">ADBR, 1558 W 677, dossier n°60991 (Raymond Koessler), , Lettre de du directeur de la clinique médicale de la ''Reichsuniversität Straβburg'' au ''Kurator'' de la ''Reichsuniversität Straβburg'' au sujet du détachement du Dr. Koessler du service armé, 4 février 1944. Ajoutons qu’un deuxième Dozent en médecine interne a été institué, tardivement à la ''Reichsuniversität Straβburg'' : Hajo Wolbergs (1910-1975) est nommé le 24 juin 1944, après avoir obtenu le titre de Dr. med. habil. en soutenant sa thèse d’habilitation le 11 juin 1943 et avoir fait sa première ''offentliche Lehrprobe'' le 24 février 1944. Voir à ce propos la fiche biographique de Wolbergs sur ce Wikipédia ainsi que Rainer Möhler, ''Die Reichsuniversität Straβburg. 1940-1944. Eine nationalsozialistische Musteruniversität zwischen Wissenschaft, Volkstumspolitik und Verbrechen'', thèse d’habilitation, Sarrebruck, Université de la Sarre, 2019, p. 533.</ref>.
 
Dans cette situation, Stein conclut son rapport en écrivant : « à mon avis, on ne peut pas dire que la clinique médicale possède trop de médecins-assistants (''übersetzt'') »<ref name="7c746ccbc0f1add937a1ea9fcabb13a0f28a629b">ADBR, 1558 W 677, dossier n°60991 (Raymond Koessler), , Lettre de du directeur de la clinique médicale de la ''Reichsuniversität Straβburg'' au ''Kurator'' de la ''Reichsuniversität Straβburg'' au sujet du détachement du Dr. Koessler du service armé, 4 février 1944.</ref>. Ce manque de personnel est d’autant plus grave que les autorités nationales-socialistes, civiles et militaires cherchent à rééduquer les médecins alsaciens en les envoyant en formation outre-Rhin, mais également en organisant le remplacement des médecins de la ''Reichsuniversität Straβburg'' par des plus jeunes (ou par de médecins revenant du front), dans le cadre de la politique visant à assurer les soins aux populations civiles du ''Reich''. L’année 1944, marquée par une situation tendue et une certaine saturation de la clinique médicale, est la dernière année de service d’Irmgard Stinner-Kessing à l’hôpital, puisque ses problèmes de santé marquent un nouvel arrêt dans sa carrière médicale.
 
''La fin de service (avril – août 1944)''
 
Dans l’état actuel des recherches et en raison d’un manque de sources, il est difficile de reconstituer précisément le parcours d’Irmgard Stinner-Kessing au cours des derniers mois de l’existence de la ''Reichsuniversität Straβburg''. Sur les listes du personnel médical de la clinique, son nom figure jusqu’au mois d’août 1944 (inclus). Toutefois, ses problèmes de santé chroniques n’ayant pas disparu depuis son arrivée en Alsace, Irmgard est placée en congé de maladie à partir de la fin du mois d’avril 1944. Sa situation est même à l’origine d’un malentendu de la part des services de l’hôpital et de l’université. En effet, le 18 mai, le directeur administratif de l’hôpital civil, Alphonse Barthelmé, signale au ''Kurator'' qu’Irmgard avait « quitté son service » le 30 avril 1944 pour raisons de santé. Dans son courrier, les termes « ''Dienstaustritt'' » et « ''ausgeschieden'' » sont employés, ce qui signifie qu’elle ne fait plus partie de l’équipe et que son salaire ne devait plus être versé. Or, comme la caisse des établissements hospitalo-universitaire rémunère ses médecins le quinzième jour du mois, Barthelmé déclare qu’Irmgard allait devoir rembourser le trop-perçu de son salaire du mois de mai 1944. Ce n’est qu’environ un mois plus tard qu’il s’aperçoit de son erreur et qu’il rectifie cette méprise au Kurator. En fait, Irmgard n’a pas quitté la clinique comme il l’avait annoncé : elle avait « simplement cessé son service à la suite d’une maladie ». Pendant les quatre mois qui suivent, quand bien même elle n’est pas présente physiquement en clinique, Irmgard figure néanmoins sur les listes du personnel, avec la mention « momentanément absente » (''zur Zeit abwesend'') ajoutée à côté de son nom.
 
Enfin, il convient d’ajouter un dernier élément qui a pu avoir une incidence sur la suite du parcours d’Irmgard Stinner-Kessing dans la seconde moitié de l’année 1944. En fait, à partir de 1944, son nom circule dans le cadre d’échanges épistolaires entre différents services administratifs au sujet d’une politique de remplacement d’une partie du personnel médical (masculin et féminin) de la faculté de médecine de la ''Reichsuniversität Straβburg'' pour assurer les soins à la population civile en Allemagne (''Sicherstellung der ärztlichen Versorgung der Zivilbevölkerung''). Si plusieurs hommes – notamment des Alsaciens – sont concernés par l’envoi en Allemagne pour un service médical auprès de médecins allemands voire pour le service militaire<ref name="044b66227badc2bad3507f5a19132634111fa309">Voir à ce propos ADBR, 126 AL 37, dossier n°1.</ref>, Irmgard est aussi visée par les mesures présentées par la ''Gauleitung'' en avril 1944 :
 
« Avec le manque considérable de personnel médical, les difficultés liées à la mise à disposition de médecins suffisamment formés sur le plan clinique sont toujours plus grandes. Il n’est plus possible de continuer à envoyer des jeunes médecins au service médical obligatoire pour exercer la médecine seuls, alors qu’ils ont à peine reçu leur ''Approbation'' et qu’ils ne sont pas aptes, en termes d’expérience, à exercer seuls ni à assumer des responsabilités si rapidement après l’obtention de l’examen médical d’État […]. Le ''Reichsgesundheitsführer'' a ainsi ordonné que l’on commence immédiatement à transférer les médecins assistants qui ont déjà travaillé pendant une plus grande période en milieu hospitalier et en cliniques. Une exception pourra être accordée uniquement pour les médecins assistants qui ont été promus au rang de chef de clinique (Oberarzt) ou qui sont pressentis en raison de compétences particulières à présenter une habilitation, à occuper un poste de médecin-chef (''Chefarzt'') ou une tout autre position supérieure »<ref name="e34a2935c28a864e94ea7bd19695913768a901a6">ADBR, 126 AL 37, dossier n°1, Lettre de la ''Gauleitung'' (''Verwaltungs- und Polizeiabteilung'') aux ''Staatliche Gesundheitsämter'' en Alsace, 12 avril 1944 : « ''Bei dem erheblichen er Ärztemängel werden die Schwierigkeiten, klinisch genügend ausgebildete Ärzte zur Verfügung zu stellen, immer grösser. Es ist nicht möglich, weiterhin frisch approbierte Jungärzte, die erfahrungsgemäß sich nicht für die freie Praxis, wie überhaupt für verantwortliche Aufgaben, eignen, gleich nach dem Examen in die freie Praxis Notdienst zu verpflichten. [...] Der Reichsgesundheitsführer hat daher angeordnet, sofort mit der Überführung derjenigen Assistenten, die schon längere Zeit in Krankenhäusern und Kliniken sind, zu beginnen. Eine Ausnahme kann nur für solche Assistenten anerkannt werden, die zu Oberärzten aufgerückt sind, oder wegen besonderer Befähigung zur Habilitation, für Chefarztstellen oder sonstige Spitzenstellen vorgesehen sind'' ».</ref>.
 
À la suite de ce courrier, le ''Kurator'' Scherberger charge tous les directeurs de cliniques et d’instituts de l’université d’établir une liste de leurs assistants et d’indiquer les noms de ceux qui y travaillent depuis un an, depuis deux ans et depuis trois ans ou plus. Ces derniers tardent à répondre et le ''Kurator'' ne peut adresser son rapport à la ''Gauleitung'' que le 29 juillet 1944, fournissant tout de même une liste comprenant cinquante-sept noms de médecins dont la faculté de médecine aurait pu, en principe et en suivant les instructions, se séparer. Irmgard Stinner-Kessing et Günther Holzapfel (un blessé de guerre) sont les deux médecins qui sont présentés comme travaillant à la clinique depuis « deux ans » [''sic''.]<ref name="29f2e08fbcbcee6f655d101bd987ee4e133d3dd5">ADBR, 126 AL 37, dossier n°1, Lettre du ''Kurator'' de la ''Reichsuniversität Straβburg'' à la ''Gauleitung'' (''Verwaltungs- und Polizeiabteilung''), , 29 juillet 1944.</ref>. Les tractations se poursuivent entre l’université, les directeurs de cliniques et la Gauleitung pour savoir quels médecins pouvaient effectivement être soustraits à la clinique : un mois plus tard, le ''Kurator'' indique avoir à nouveau demandé aux directeurs « les noms des femmes médecins de leurs établissements qui pouvaient être remplacées par des femmes médecins plus jeunes », de même que les hommes dont un « échange pouvait être envisagé avec des médecins plus âgés qui se trouvent alors sur le front ». La réticence des directeurs de cliniques et d’instituts se traduit par une absence de réponse à la question posée, mais uniquement par l’envoi d’une liste de celles et ceux dont l’envoi en Allemagne était impossible, soit parce qu’ils étaient déjà en service outre-Rhin, ou qu’ils étaient malades voire en congés<ref name="070c39101cf6f5f16098bf28191ceb7fcd8a2ece">ADBR, 126 AL 37, dossier n°1, Lettre du ''Kurator'' de la ''Reichsuniversität Straβburg'' à la ''Gauleitung'' (''Verwaltungs- und Polizeiabteilung''), , 25 septembre 1944. Le ''Kurator'' écrit : « ''ich habe […] die Leiter der Universitätskliniken, bei denen Ärztinnen tätig sind, gebeten, mir solche Ärztinnen zu benennen, die gegen Jungärztinnen ausgetauscht werden können. […] Auf Ärzte, die zum Austausch mit älteren im Felde stehenden Assistenten in Frage kommen, sind mir nicht namhaft gemacht worden. Eine Überprüfung der in Kliniken beschäftigten Ärzte hat ergeben, daß die Anzahl der z. Zt. Vorübergehend abwesenden und seit 1.8.1944 ganz ausgeschieden sowie der demnächst ausscheidenden Ärzte weit höhe ist als die Zeit der seit diesem Zeitpunkt neu eingetretenen Ärzte'' ».</ref>. Étrangement, le nom d’Irmgard ne figure pas dans ce dernier échange, alors qu’elle avait quitté le service fin août 1944. Jusque-là, rien n’indique si elle avait été envoyée en Allemagne dans l’intervalle, si elle était restée en convalescence en Alsace ou si elle était retournée chez ses parents à Essen.
 
 
'''<u>Publication d’Irmgard Stinner-Kessing</u>'''
 
Irmgard Kessing, ''Zur Strahlenbehandlung der Kopfhautkarzinome'', thèse de doctorat de médecine, Université de Munich, Hansa-Druckerei, 1940, 20 p.
 
 
'''<u>Sources</u>'''
 
ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner).
 
ADBR, 1558 W 677, dossier n°60991 (Raymond Koessler).
 
ADBR, 4E482/1282, État civil de Strasbourg, Table des mariages (1943-1952), Acte de mariage de I. Kessing et W. Stinner, 30 décembre 1943, Acte n°1521/1943.
 
ADBR, 126 AL 37, dossier n°1.
 
ADBR, 126 AL 37, dossier n°4 (Listes du personnel médical de la Reichsuniversität Straβburg (1943).
 
AVES, 7 AH 15, Listes du personnel médical de la Reichsuniversität Straβburg (1943-1944).
 
« Erlass des Führers und des Reichskanzlers über die Dauer der Dienstzeit und die Stärke des Reichsarbeitsdienstes vom 27. Juni 1935 », Reichsgesetzblatt, Teil I, n°63, 1935, 27 juin 1935, p. 772.
 
« Fünfte Verordnung zur Durchführung und Ergänzung der Reichsärzteordnung (Bestallungsordnung für Ärzte) vom 17. Juli 1939 », Reichsgesetzblatt, Teil I, 1939, n°130, 22 juillet 1939, p. 1273-1303.
 
« Reichsarbeitsdienstgesetz », Reichsgesetzblatt, Teil I, n°63, 1935, 27 juin 1935, p. 769-771.
 
United States Department of Health, education and Welfare, Public Health Service, Index-Catalogue of the Library of the Surgeons General’s Office, fifth Series, vol. 1, Authors and Titles, Washington, United States Government Printing Office, 1959, p. 294.
 
 
'''<u>Bibliographie</u>'''
 
Jacques Héran (dir.), Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997
 
Rainer Möhler, Die Reichsuniversität Straβburg. 1940-1944. Eine nationalsozialistische Musteruniversität zwischen Wissenschaft, Volkstumspolitik und Verbrechen, thèse d’habilitation, Sarrebruck, Université de la Sarre, 2019.
 
Patrick Wechsler, La Faculté de médicine de la « Reichsuniversität Straβburg » (1941-1945) à l'heure nationale-socialiste, thèse de doctorat de médecine, Strasbourg, Université Louis Pasteur, 1991.
 
'''<u>Version “brut” du Lebenslauf d’Irmgard (3 août 1943)</u>'''
 
Ich bin am 10.05.1916 in Gelsenkirchen i[n] W[estfalen] geboren. Nach 4-jährigem Besuch der Volksschule absolvierte ich die realgymnasiale Studienanstalt in Gelsenkirchen und legte dort nach 9 Jahren am 15. März 1935 die Reifeprüfung ab. Nach dem Arbeitsdienst in Nettelstedt bei Minden begann ich im Wintersemester 1935/36 das Medizinstudium. Nach 2 Semestern bestand ich in Freiburg in Breisgau, das Vorphysikum und nach weiteren 3 Semestern in Würzburg das Physikum. Am 28. Juli 1940 machte ich in München das Staatsexamen und nachdem ich 4 Monate als Volontärassistentin an der Chirurgischen Klinik (Chef: Herr Professor Magnus) tätig war, promovierte ich am 9. Dezember 1940 und erhielt meine Approbation.
 
Vom 16.12.1940 bis 15.07.1941 war ich zuerst als Volontärassistentin, später als Assistentin an der Frauenklinik des Elisabethkrankenhauses in Essen. Am 15.10.1941 [sic. 15.09.1941] wurde ich vom Herrn Amtsarzt notdienstverpflichtet und vertrat bis zum 30.06.1942 [sic. 15.10.1941] einen praktischen Arzt in Essen. Anschließend war ich bis zum 30.06.1942 auf der chirurgischen Abteilung des Vincenz-Krankenhauses in Essen-Stoppenberg. Von dort wurde ich notdienstverpflichtet an die Huyssen’s Stiftung in Essen und war dort vom 10.07.1942 bis zum 07.06.1943 auf der inneren Abteilung. Am 07.06.1943 wurde ich wegen einer chronischen Nebelhöhlenerkrankung und einem leichten Myokardschaden zuerst beurlaubt. Da die Kieferhöhlenentzündung seit einem Jahre rezidiviert, wurde mir vom Facharzt einen Klimawechsel empfohlen, der von meinem dortigen Amtsarzt befürwortet wurde. Ich habe mich deshalb um eine Stelle hier in Straßburg beworben, da mir dieses Klima schon im vorigen Jahr bei einem Erholungsaufenthalt gut bekommen ist.
 
[Irmgard Kessing]


Si Irmgard Kessing a pris ses fonctions à l’Abteilung II de la clinique médicale le 1er août 1943, elle ne figure sur les listes officielles du personnel médical de la Reichsuniversität Strassburg que le mois suivant. Durant sa présence, entre début août 1943 à fin août 1944, elle possède le statut de médecin-assistante (Assistenzärztin) ou de faisant fonction d’assistante scientifique (Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle). À cette époque-là, l’ensemble de la clinique médicale, tous services confondus, compte entre 42 et 46 médecins par mois chaque mois, y compris ceux qui sont momentanément absents ou envoyés au front. Plus précisément, sur la même période, l’Abteilung II de la clinique médicale où travaille Irmgard Kessing est composée d’une équipe de quinze médecins, parmi lesquels six femmes. Le service est officiellement placé sous la direction du professeur Werner Hangarter (1904-1982), mais ce dernier a été mobilisé dans la Wehrmacht et envoyé au front depuis le mois d’octobre 1942, si bien que la direction par intérim de la clinique médicale A (Abteilung II) est assurée par Wilhelm Dieker. Le tableau ci-dessous présente les quinze médecins qu’Irmgard a côtoyés durant son passage à Strasbourg entre 1943 et 1944. Il est particulièrement intéressant de noter que la proportion d’Alsaciens est assez importante, de même que celle des femmes qui représentent 40% du service .
(Dr. Irgmard Kessing)
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Irmgard Kessing
Prénom Irmgard
Nom Kessing
Sexe feminin
Naissance 10 mai 1916 (Gelsenkirchen)
Profession du père Fonctionnaire du secteur commercial (kaufmännischer Beamter)

These Zur Strahlenbehandlung der Kopfhautkarzinome (Universität München, 9 décembre 1940)
Autorisation d'exercer la médecine 27 juillet 1940
Profession Arzt

Titre Dr. med.

Identités Irmgard Stinner-Kessing


Irmgard Kessing (1916-?) ou Stinner-Kessing depuis son mariage en 1943, est une femme médecin originaire de Westphalie en Allemagne. Fille d’un fonctionnaire et issue d’une famille catholique modeste, elle accomplit sous la République de Weimar la plus grande partie de sa scolarité, d’abord à l’école élémentaire (1922-1926) puis dans un établissement du secondaire (1926-1935) jusqu’à l’obtention de son baccalauréat. Les nazis s’étant emparés entre-temps du pouvoir en Allemagne en janvier 1933, Irmgard décide d’entrer au Bund Deutscher Mädel (BDM) dès le mois de mars 1934. Dès la sortie du lycée, elle se porte immédiatement volontaire pour accomplir un service du travail au Reichsarbeitsdienst (RAD), avant même qu’il ne devienne obligatoire.

À l’âge de dix-neuf ans, Irmgard Kessing débute des études de médecine et suit d’abord deux semestres à la faculté de médecine de Fribourg-en-Brisgau (1935-1936). Elle s’inscrit ensuite à l’université de Wurtzbourg (1936-1938), où elle termine sa deuxième année au bout de trois nouveaux semestres. Après avoir réussi le Physikum, l’examen intermédiaire de médecine, elle s’immatricule à l’université de Munich (1938-1940) pour suivre les trois années du cycle clinique de la formation médicale. À la fin du mois de juillet 1940, elle réussit le medizinisches Staatsexamen, l’examen médical d’État, et soutient sa thèse de doctorat de médecine en décembre 1940.

De l’été 1940 à l’été 1943, Irmgard débute sa carrière médicale et acquière de l’expérience dans plusieurs disciplines médicales (chirurgie, médecine interne, médecine générale et gynécologie), et pratique la médecine au sein de différents environnements médicaux, tant en milieu hospitalier qu’au sein d’un cabinet médical privé. Elle travaille ainsi successivement à la clinique gynécologique du Elisabethkrankenhaus d’Essen (décembre 1940 – juillet 1941), puis assure pendant un mois le remplacement d’un médecin généraliste (septembre – octobre 1941), avant d’entrer au service de chirurgie du Vincenz-Krankenhaus à Essen-Stoppenberg (octobre 1941 – juin 1942). Dans le cadre de la Notdienstverpflichtung, elle est ensuite affectée au service de médecine interne de la Huyssens Stiftung à Essen-Huttrop pendant près d’un an (juillet 1942- juin 1943), avant d’obtenir un congé de maladie.

Sur la suggestion de son médecin, qui lui conseille de « changer de climat », Irmgard candidate pour un poste à la faculté de médecine de la Reichsuniversität Straβburg en Alsace annexée et intègre l’équipe de la clinique médicale à compter du 1er août 1943. Recrutée comme faisant fonction d’assistante scientifique (Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle) et médecin-assistante (Assistenzärztin), elle est l’une des seize femmes qui ont été en poste dans cette clinique. Affectée à l’Abteilung II (Médicale A), elle dirige seule l’un des trente-et-une salles que compte la clinique et assure la gestion d’une Frauenstation jusqu’à ce qu’elle bénéficie d’un nouveau congé de maladie à la fin du mois d’avril 1944. Si Irmgard Stinner-Kessing figure toujours sur les listes du personnel médical jusqu’en août 1944, on perd ensuite sa trace au cours des dernières semaines de l’existence de la Reichsuniversität Straβburg en Alsace. Elle était mariée depuis décembre 1943 avec un officier de la Luftwaffe, le médecin-lieutenant (Oberarzt) Wolfgang Stinner.

Biographie

Devenir médecin : enfance, scolarité, études

Originaire de la région de la Ruhr dans une famille modeste, Irmgard Kessing passe toute son enfance dans sa Westphalie natale. Débutant sa scolarité sous la République de Weimar, elle obtient son baccalauréat deux ans après l’arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne. Après avoir été volontaire pour servir au Reichsarbeitsdienst à l’été 1935, elle effectue ses études de médecine à Fribourg-en-Brisgau, à Wurtzbourg et à Munich jusqu’en 1940. À la fin de son cursus, elle retourne chez ses parents à Essen et débute sa carrière médicale.

Famille et scolarité

Irmgard Bernhardine Wilhelmine Kessing, ou Stinner-Kessing de son nom marital, est née le 10 mai 1916 à Gelsenkirchen, une ville du bassin industriel de la Ruhr comptant alors plus de 160.000 habitants[1]. Située au cœur de la province de Westphalie du Royaume de Prusse, cette ville se trouve à proximité des villes d’Essen et de Duisbourg. C’est la région d’origine de la famille d’Irmgard, une famille modeste dont chaque membre est baptisé dans la foi catholique romaine. Lui-même fils d’un paysan et agriculteur, son père, Josef Kessing, né le 15 janvier 1870, était parvenu à s’extraire de sa condition sociale d’origine. Il était devenu fonctionnaire dans le secteur commercial (kaufmännischer Beamter)[2]. À l’âge de trente ans, Josef avait épousé Maria Hütte, la fille d’un commerçant de la ville d’Essen, née le 22 avril 1873[3]. Le mariage est célébré le 16 mai 1900 à Steele, une ville située à l’est d’Essen dans la Ruhr. Après leur mariage, le couple s’installe à une dizaine de kilomètres plus au nord, à Gelsenkirchen, et donne naissance à Irmgard seize ans plus tard. Il semble d’ailleurs que la famille Kessing soit restée relativement épargnée par la Première Guerre mondiale et les ravages qu’elle a causés dans les familles allemandes[4].

C’est dans sa ville natale et sous les auspices de l’instable République de Weimar qu’Irmgard Kessing grandit et évolue durant l’enfance et l’adolescence. Après avoir bénéficié de l’instruction de ses parents jusqu’à l’âge de six ans, Irmgard débute sa scolarité obligatoire en 1922. Elle est d’abord scolarisée pendant quatre ans dans l’une des écoles élémentaires (Volksschule) de la ville de Gelsenkirchen, entre 1922 et 1926, puis entre dans le secondaire. Pendant les neuf années qui suivent, de 1926 à 1935, elle fréquente un lycée (realgymnasiale Studienanstalt) de Gelsenkirchen jusqu’à la réussite de l’examen du baccalauréat (Reifeprüfung) le 15 mars 1935 à l’âge de dix-neuf ans[5]. De plus, ajoutons qu’elle effectue un premier ralliement au mouvement national socialiste durant sa jeunesse avec son entrée dans le Bund Deutscher Mädel en mars 1934. Créée environ un an plus tôt, la Ligue des jeunes filles allemandes était le pendant féminin de la Hitlerjugend, une ramification du parti (Gliederung der NSDAP) à destination des jeunes filles âgées de quatorze à dix-huit ans[6].

Le deuxième ralliement notoire qu’elle effectue en direction du national-socialiste est son inscription, de toute évidence volontaire, au Reichsarbeitsdienst à la sortie du lycée. Il s’agit d’une organisation du travail dépendant du mouvement et du parti nazis. Selon son curriculum vitae, elle aurait été envoyée une centaine de kilomètres au nord-est du foyer familial, à Nettelstedt bei Minden, jusqu’à la fin de l’été 1935[5]. La chronologie semble appuyer l’aspect volontaire de cet engagement. Si le RAD avait été créé dès 1933 à la suite de l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne, il n’avait été rendu obligatoire qu’à partir du 1er octobre 1935, date d’entrée en vigueur de la législation prise les 26 et 27 juin 1935[7].

Les études de médecine

Une fois dégagée de ses obligations civiques, Irmgard s’inscrit aussitôt à la faculté de médecine de l’université de Fribourg-en-Brisgau à partir du semestre d’hiver 1935-1936. Un troisième pas de l’entrée en nazisme est franchi dès son arrivée en Bade, avec son inscription le 1er novembre 1935 au NSD-Studentenbund. Fondée en 1926, l’Union des étudiants nationaux-socialistes allemands était une organisation affiliée au parti nazi (angeschlossener Verband der NSDAP) à destination des étudiants et était chargée de répandre l’idéologie nazie dans le milieu universitaire[6]. À Fribourg-en-Brisgau, Irmgard suit les deux premiers semestres précliniques, réussissant l’examen de fin de première année (Vorphysikum) en 1936. Elle poursuit son cursus à l’université de Wurtzbourg en Basse-Franconie (Bavière), où elle obtient l’examen intermédiaire de médecine (Physikum ou ärtzliche Vorprüfung) après trois nouveaux semestres précliniques. Normalement, l’organisation des études médicales en Allemagne prévoit que l’étudiant présente cet examen – qui marque la fin du cycle dit préclinique – à l’issue des quatre premiers semestres du cursus de médecine. Comme Irmgard en a suivi cinq, il y a tout lieu de penser qu’elle ait dû redoubler un semestre avant de pouvoir obtenir son examen à la fin du semestre d’hiver 1937-1938[5].

Pour la suite de ses études et plus précisément pour le cycle clinique de sa formation médicale, Irmgard se rend à l’université de Munich en Bavière, où elle suit les trois dernières années de son parcours académique, jusqu’à la fin de l’année 1940. Elle réussit l’examen médical d’État ([medizinisches] Staatsexamen) le 28 juillet 1940. L’admission à cet examen, clôturant les cinq années du cursus médical, est obligatoire et constitue en réalité un prérequis à la délivrance de l’Approbation (ou Bestellung als Arzt depuis 1939), c’est-à-dire de l’autorisation d’exercer la médecine, elle-même décernée après la validation d’une année de pratique médicale en clinique ou en cabinet privé. C’est dans ce cadre qu’elle reçoit, dès l’obtention du Staatsexamen, un contrat temporaire à la clinique chirurgicale de l’université de Munich, où elle commence à gagner de l’expérience en qualité de Volontärassistentin[5].

Pendant quatre mois, entre le 1er août et le 15 octobre 1940, elle travaille aux côtés du professeur Georg Magnus (1883-1942) en chirurgie, tout en parachevant sa formation académique par la préparation d’une thèse de doctorat de médecine[8]. Contrairement au cursus de médecine français, où la soutenance d’une thèse et le titre de docteur en médecine est obligatoire pour exercer, en Allemagne, seules l’obtention de l’examen final, puis celle de l’Approbation sont requises pour être médecin. Cela étant, quand bien même ils ne se destinent pas à une carrière dans la recherche ou dans l’enseignement, de nombreux étudiants décident, comme Irmgard, de rédiger une thèse. Intéressée par la radiothérapie et le traitement des cancers, elle prépare une thèse de vingt pages intitulée « Sur la thérapie par rayons des tumeurs du cuir chevelu » (Zur Strahlenbehandlung der Kopfhautkarzinome)[9]. Elle la soutient le 9 décembre 1940 devant un jury de la faculté de médecine de Munich[8].

Le début de la carrière médicale (décembre 1940 – juin 1943)

Entre la fin de l’année 1940 et l’été 1943, Irmgard Kessing débute sa carrière médicale, cumulant des expériences dans des disciplines médicales diverses (médecine interne, médecine générale, gynécologie), mais aussi au sein de différents environnements, à la fois en milieu hospitalier, mais également au sein d’un cabinet médical privé. Quelques jours après avoir soutenu sa thèse de doctorat, Irmgard quitte la Bavière pour retourner dans sa Westphalie natale. Elle retourne vivre chez ses parents à Essen et emménage dans leur appartement meublé situé au Bochumstraße 228[6]. Elle obtient alors un poste chez du professeur Ostendorf à la clinique gynécologique (Frauenklinik) du Elisabethkrankenhaus, le plus vieil hôpital de la ville d’Essen. Au départ, elle travaille d’abord comme Pflichtassistentin pendant sept mois, du 16 décembre 1940 au 15 juillet 1941, avant d’être qualifiée d’Assistentin dans les deux mois qui suivent, du 15 juillet 1941 au 15 septembre 1941[8]. En fait, au regard de la législation nationale-socialiste adoptée en 1939 sur l’organisation des études de médecine et la délivrance de l’autorisation d’exercer la médecine, il faut remarquer que l’« année pratique » (Praktisches Jahr) – pendant laquelle le jeune médecin travaillait en clinique ou dans un cabinet après avoir réussi l’examen médical d’État – avait été remplacée par une période dite Pflichtassistentenzeit. Les objectifs de ce temps de service étaient sensiblement les mêmes, mais comme son nom l’indique, le médecin occupait alors une fonction de Pflichtassistent dans une période obligatoire de service dont la durée légale était d’une année[10]. Si l’on compte les quatre mois passés à la clinique chirurgicale à Munich en 1940, Irmgard a de toute évidence effectué les douze mois de ce service entre début août 1940 et fin juillet 1941.

Ensuite, Irmgard obtient l’ordre des autorités civiles (Amtsarzt) de quitter l’hôpital pour accomplir une sorte de service médical obligatoire. Entre le 15 septembre et le 15 octobre 1941, elle est, selon l’expression officielle, « notdienstverpflichtet ». Mise à la disposition de l’État pour garantir les soins à la population civile, elle assure alors le remplacement (Vertreterin) d’un médecin généraliste dans son cabinet au Karpinskistraße 16 à Essen (Dr. Micke). Une fois le remplacement effectué, elle candidate à un poste d’Assistentin au service de chirurgie (chirurgische Abteilung) du Vincenz-Krankenhaus à Essen-Stoppenberg, où elle travaille pendant sept mois et demi, du 15 octobre 1941 au 30 juin 1942. Après cela, Irmgard est encore une fois notdienstverpflichtet et reçoit une affectation à la Huyssens Stiftung, un hôpital confessionnel (protestant) du quartier de Huttrop à Essen. Pendant près d’un an, du 10 juillet 1942 au 7 juin 1943, elle travaille comme Assistentin au service de médecine interne (innere Abteilung) sous la direction Dr. Helmut Bernsau. Son état de santé s’étant détérioré depuis plusieurs mois, Irmgard est contrainte de suspendre son activité médicale à partir du 7 juin 1943[11]. En raison d’une sinusite chronique (chronische Nebelhöhlenerkrankung) et d’un problème myocardique (leichter Myokardschaden), elle reçoit un congé de maladie (beurlaubt) pendant quelques semaines, jusqu’à ce qu’elle intègre l’équipe médicale de la Reichsuniversität Straβburg le 1er août 1943[5].


La carrière médicale à la Reichsuniversität Straβburg (1943-1944)

Ayant acquis environ trois ans d’expérience depuis la fin de ses études, Irmgard dépose une candidature pour obtenir un poste de médecin à la Reichsuniversität Straβburg. Elle intègre le service de la clinique médicale le 1er août 1943 et occupe un poste de faisant fonction d’assistante scientifique et de médecin assistante à l’Abteilung II (Médicale A) du professeur Werner Hangarter (1904-1982). Elle travaille dans cette équipe, composée d’une dizaine de médecins, pendant un an, étant officiellement rattachée la clinique jusqu’au 31 août 1944, mais en réalité, elle quitte le service à la fin du mois d’avril 1944 en raison de ses problèmes de santé.

Affectée à la Reichsuniversität Straβburg pour raisons de santé

L’arrivée à la clinique en août 1943

L’arrivée d’Irmgard Kessing au sein de l’équipe médicale de la Reichsuniversität Straβburg ne tient pas du hasard, mais intervient à la suite d’une décision personnelle motivée en réalité par des raisons de santé. Rappelons en effet que dans son curriculum vitae d’août 1943, Irmgard précise que la sinusite dont elle souffre était chronique et que cela faisait alors près d’un an qu’elle « récidivait » (rezidiviert), au point d’obtenir un congé de maladie en juin 1943. Elle avait même consulté un médecin spécialiste (Facharzt) qui lui avait notamment « conseillé un changement de climat » (ein Klimawechsel empfohlen). Irmgard avait averti les autorités sanitaires local de cet avis médical et l’Amtsarzt d’Essen avait validé le conseil de ce spécialiste, puis suspendu la Notdienstverpflichtung d’Irmgard. Elle ajoute : « j’ai donc candidaté à un poste, ici à Strasbourg, car le climat m’avait déjà fait du bien l’année passée, à l’occasion d’un séjour de repos »[5]. Ce serait donc visiblement le climat semi-continental de l’Alsace qui aurait séduit Irmgard lors d’un précédent séjour (peut-être en 1942) et qui l’aurait influencé dans sa décision de quitter la Westphalie et son climat océanique, peu adéquat pour sa guérison. En tous les cas, son entrée à l’Abteilung II de la clinique médicale de la Reichsuniversität Straβburg est datée précisément au 1er août 1943[12].

La procédure de recrutement comme faisant fonction d’assistante scientifique

Au départ, la situation d’Irmgard Kessing à un poste de médecin assistant n’est que temporaire et pour valider officiellement sa nomination, un dossier de recrutement en bonne et due forme doit être constitué afin d’être instruit par les instances de l’université. Deux jours après son arrivée à l’hôpital (3 août), le directeur de la clinique médicale, Johannes Stein (1896-1967), remplit un formulaire afin de la recruter comme faisant fonction d’assistante scientifique (Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle) à compter du 1er du mois et pour toute la durée de la guerre (Kriegsdauer)[13]. Normalement, c’est le chef du service en question qui doit être à l’origine de la démarche et non Stein, mais il faut préciser que le chef de l’Abteilung II, le professeur Werner Hangarter (1904-1982) avait été appelé dans la Wehrmacht et c’est visiblement Stein, en tant que directeur de la clinique, qui a été amené à assurer l’intérim. Environ un mois plus tard, le 2 septembre, Stein, cette fois-ci en sa qualité de doyen de la faculté de médecine, donne son accord à sa propre demande[14]. Dans l’intervalle, le Dr. Kessing a dû produire un certain nombre de pièces justificatives pour que Stein puisse transmettre le dossier de recrutement aux autorités supérieures. Elle rédige un Lebenslauf, c’est-à-dire un curriculum vitae ou récit de vie dans lequel elle présente son parcours scolaire, universitaire et médical en précisant les dates des examens présentés et des activités exercées[5]. Elle remplit plusieurs formulaires qui permettent de vérifier son ascendance germanique et aryenne[4], de préciser son parcours civil et politique (état civil, scolarité, situation militaire et politique, adhésion au parti, etc.)[15], mais également de détailler tous les postes précédemment occupés au cours de sa carrière médicale[16]. Comme l’exige la procédure, elle signe un document par lequel elle certifie sur l’honneur n’appartenir et n’avoir jamais appartenu à une quelconque loge[17] et complète enfin son dossier en fournissant la copie d’une attestation de sa possession de la « nationalité du Reich » (Reichsangehörigkeit)[18].

Après avoir pris connaissance de toutes ces pièces et avoir donné son accord, Stein transmet le dossier au NS-Dozentenführer Ferdinand Schlemmer (1898-1973), responsable du parti au sein de l’université et du corps enseignant, qui valide le « recrutement immédiat » pour mais estime que la durée préalable de son emploi à la Reichsuniversität Straβburg doit être restreinte à un trimestre avant de prendre sa « décision finale »[19]. Finalement, c’est le recteur Karl Schmidt (1899-1980) qui est amené à statuer sur la nomination officielle du Dr. Kessing à l’Abteilung II. Ne tenant pas compte de l’avis de Schlemmer, le recteur opte pour un recrutement pour la durée de la guerre et avertit l’administrateur en chef de l’université Richard Scherberger (1910-1979) de sa décision[20]. Avant d’entériner l’emploi du Dr. Kessing, le Kurator se renseigne auprès des services administratifs des établissements hospitalo-universitaires afin de s’assurer que le poste prévu pour Kessing soit bien vacant[21], ce qui est confirmé quelques semaines plus tard par le directeur administratif de l’hôpital civil, Alphonse Barthelmé[22]. Ainsi, le 13 octobre 1943, le Kurator Scherberger entérine l’emploi du Dr. Kessing comme faisant fonction d’assistante scientifique (Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle) à l’Abteilung II de la clinique médicale. Étant célibataire, sa rémunération mensuelle s’élevait alors à précisément 323,68 Reichsmarks bruts[23]. De plus, dans les semaines qui suivent, le dossier d’Irmgard continue d’être instruit par les instances de l’université pour prolonger son contrat comme prévu par le recteur. Elle passe notamment une visite médicale au Gesundheitsamt de Strasbourg le 25 octobre 1943 afin de vérifier qu’elle soit apte, médicalement, à occuper ce poste. L’Amtsärztliches Zeugnis, signé par le Dr. Rachel, permet d’en savoir davantage sur l’état de santé d’Irmgard. À l’auscultation, il note qu’elle souffre de « lésions myocardiques à la suite d’une amygdalite chronique » ('Myokardschaden nach chron[ischer] Tonsillitis), qu’elle « souhaite à présent être opérée d’une amygdalectomie ». L’examen cardiaque met en avant que le cœur ne s’est pas élargi (nicht verbreitet), que les sons sont purs et réguliers (Töne rein, regelrecht), que le pouls est régulier et fort (Puls regeläßig, kräftig) et que de légers troubles de la conduction (leichte Reizleitungsstörungen) ont été observés à l’électrocardiogramme. Mais d’un point de vue général, le Dr. Rachel conclut que l’état de santé de sa consœur est « bon » et qu’elle est « apte […] à être employée comme Assistenzärztin à la clinique médicale »[24].

Mariage avec un médecin-officier

Près de cinq mois après avoir débuté son contrat à la Reichsuniversität Straβburg, Irmgard Kessing, qui occupe un logement mis à disposition à l’hôpital civil, épouse à Strasbourg un médecin-militaire allemand. Le 30 décembre 1943, elle épouse le Dr. Wolfgang Stinner, né le 16 juillet 1910 à Arnsberg, une ville alors située dans la province de Westphalie du Royaume de Prusse[25]. Issu d’une famille allemande de condition modeste et de confession catholique, Wolfgang est plus précisément le fils d’un urbaniste municipal (Stadtbaumeister), mais aussi le petit-fils d’un entrepreneur en construction (Bauunternehmer) du côté paternel et d’un maître-boucher (Metzgermeister) du côté maternel[26]. Si les sources le concernant sont rares, on sait qu’il avait accompli des études de médecine jusqu’à la soutenance d’une thèse de doctorat de médecine, lui conférant le titre « Dr. med. »[27]. De plus, avec la Seconde Guerre mondiale, il était devenu officier dans l’armée allemande et avait servi comme médecin dans l’armée de l’air, où il possédait le grade de lieutenant du service de santé de la Luftwaffe (Oberarzt). Irmgard informe rapidement les services de l’université de son changement de statut marital, ce qui a évidemment une incidence directe sur sa rémunération[26]. Quelques jours plus tard, le directeur administratif de l’hôpital civil, Alphonse Barthelmé déclare prendre acte de cette nouvelle situation et indique porter en conséquence « le traitement de la susnommée de 323,68 RM à 423,63 RM avec effet rétroactif au 1er décembre 1943 »[28]. Elle est dès lors présentée dans les documents administratifs sous le nom d’Irmgard Stinner-Kessing, conservant son nom de naissance à côté de son nom marital.

Le service à l’Abteilung II de la clinique médicale

L’équipe de l’Abteilung II

Si Irmgard Kessing a pris ses fonctions à l’Abteilung II de la clinique médicale le 1er août 1943, elle ne figure sur les listes officielles du personnel médical de la Reichsuniversität Straβburg que le mois suivant. Durant sa présence, entre début août 1943 à fin août 1944, elle possède le statut de médecin-assistante (Assistenzärztin) ou de faisant fonction d’assistante scientifique (Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle). À cette époque-là, l’ensemble de la clinique médicale, tous services confondus, compte entre 42 et 46 médecins par mois chaque mois, y compris ceux qui sont momentanément absents ou envoyés au front. Plus précisément, sur la même période, l’Abteilung II de la clinique médicale où travaille Irmgard Kessing est composée d’une équipe de quinze médecins, parmi lesquels six femmes. Le service est officiellement placé sous la direction du professeur Werner Hangarter (1904-1982), mais ce dernier a été mobilisé dans la Wehrmacht et envoyé au front depuis le mois d’octobre 1942, si bien que la direction par intérim de la clinique médicale A (Abteilung II) est assurée par Wilhelm Dieker. Le tableau ci-dessous présente les quinze médecins qu’Irmgard a côtoyés durant son passage à Strasbourg entre 1943 et 1944. Il est particulièrement intéressant de noter que la proportion d’Alsaciens est assez importante, de même que celle des femmes qui représentent 40% du service[29].

Tableau 1 : L’équipe médicale de l’Abteilung II de la clinique médicale de la Reichsuniversität Straβburg entre août 1943 et août 1944[30]
Nationalité Titre Nom, Prénom Fonctions Remarques
Els. Prof. Hangarter, Werner Leiter Im Felde (10/42-11/44)
Els. Dr. Bostetter, August Assistenzarzt
RD Dr. Holzapfel, Günther Assistenzarzt
RD Dr. Petri, Charlotte Assistenzarzt
Els. Dr. Piffert, René Assistenzarzt
Els. Dr. Schaaf, Frédéric-Auguste Assistenzarzt Röntgenarzt
RD Dr. Babillotte, Josef Assistenzarzt Im Felde (04/42-11/44)
RD Dr. Stinner-Kessing, Irmgard Assistenzarzt Officiellement à partir du 01/09/43
RD Dr. Jordan, Werner Assistenzarzt À partir du 01/10/43
Els. Dr. Meschenmoser, Margrit Assistenzarzt À partir du 01/06/44
Els. Lasch, Ruth Volontärassistent Assistenzärztin 01/11/43
Dr. Seidel, Erwin Pflichtassistent Assistenzarzt 01/11/43
RD Dr. Kummer-Dahle, Hildegard Volontärassistent Abwesend (06/43-09/43)
RD Dr. Von Plehwe, Irmgard Volontärassistent Beurlaubt (06/43-09/43)
Dr. Conrath, Martin Pflichtassistent

État de la clinique médicale en 1944

Afin de donner un aperçu plus précis des conditions de travail d’Irmgard Stinner-Kessing et de ses confrères à la clinique médicale, il est intéressant de considérer l’état de la clinique tel que le décrit son directeur, Johannes Stein, dans un rapport adressé au Kurator de la Reichsuniversität Straβburg au début de l’année 1944. Au 5 janvier 1944, sur les 765 lits disponibles dans tous les services de sa clinique, le taux d’occupation global atteint 85% avec précisément 651 lits occupés. De plus, ce sont en moyenne 734 patients qui sont quotidiennement examinés (untersucht) et soignés (behandelt) de manière ambulatoire (ambulant) à la clinique. À cette même date, même si la liste officielle du personnel médical de la clinique médicale compte quarante-quatre médecins (dont treize ont été appelés dans la Wehrmacht), Stein déclare être à la tête d’une équipe de vingt-neuf médecins. Conformément à la réglementation du nombre de médecin dans les cliniques universitaires (ratio médecin-patients), ce nombre aurait été largement suffisant pour assurer le bon fonctionnement de la clinique. Toutefois, Stein ajoute que deux de ses collaborateurs sont des mutilés de guerre, que deux autres cumulent leurs activités hospitalières avec une pratique privée et qu’un autre est encore malade, si bien qu’il prétend ne pouvoir s’appuyer que sur vingt-trois médecins, c’est-à-dire qu’il compte certains de ses assistants pour une « moitié ». Par ailleurs, s’il estimait que le ratio médecin-patient était jusque-là convenable, il précise que la « situation a complètement changé ces dernières semaines », évoquant notamment le départ de quatre de ses collaborateurs[31]. En d’autres termes, il ne peut dès lors compter que sur dix-neuf assistants :

« en comparaison avec toutes les grandes cliniques médicales allemandes, le nombre de médecins internistes parfaitement formés est très faible à la clinique [strasbourgeoise]. Hormis le directeur de la Röntgenabteilung [Wilhelm Dieker], qui est également directeur par intérim de l’Abteilung II, la clinique médicale ne compte aucun Dozent »[32].

Dans cette situation, Stein conclut son rapport en écrivant : « à mon avis, on ne peut pas dire que la clinique médicale possède trop de médecins-assistants (übersetzt) »[33]. Ce manque de personnel est d’autant plus grave que les autorités nationales-socialistes, civiles et militaires cherchent à rééduquer les médecins alsaciens en les envoyant en formation outre-Rhin, mais également en organisant le remplacement des médecins de la Reichsuniversität Straβburg par des plus jeunes (ou par de médecins revenant du front), dans le cadre de la politique visant à assurer les soins aux populations civiles du Reich. L’année 1944, marquée par une situation tendue et une certaine saturation de la clinique médicale, est la dernière année de service d’Irmgard Stinner-Kessing à l’hôpital, puisque ses problèmes de santé marquent un nouvel arrêt dans sa carrière médicale.

La fin de service (avril – août 1944)

Dans l’état actuel des recherches et en raison d’un manque de sources, il est difficile de reconstituer précisément le parcours d’Irmgard Stinner-Kessing au cours des derniers mois de l’existence de la Reichsuniversität Straβburg. Sur les listes du personnel médical de la clinique, son nom figure jusqu’au mois d’août 1944 (inclus). Toutefois, ses problèmes de santé chroniques n’ayant pas disparu depuis son arrivée en Alsace, Irmgard est placée en congé de maladie à partir de la fin du mois d’avril 1944. Sa situation est même à l’origine d’un malentendu de la part des services de l’hôpital et de l’université. En effet, le 18 mai, le directeur administratif de l’hôpital civil, Alphonse Barthelmé, signale au Kurator qu’Irmgard avait « quitté son service » le 30 avril 1944 pour raisons de santé. Dans son courrier, les termes « Dienstaustritt » et « ausgeschieden » sont employés, ce qui signifie qu’elle ne fait plus partie de l’équipe et que son salaire ne devait plus être versé. Or, comme la caisse des établissements hospitalo-universitaire rémunère ses médecins le quinzième jour du mois, Barthelmé déclare qu’Irmgard allait devoir rembourser le trop-perçu de son salaire du mois de mai 1944. Ce n’est qu’environ un mois plus tard qu’il s’aperçoit de son erreur et qu’il rectifie cette méprise au Kurator. En fait, Irmgard n’a pas quitté la clinique comme il l’avait annoncé : elle avait « simplement cessé son service à la suite d’une maladie ». Pendant les quatre mois qui suivent, quand bien même elle n’est pas présente physiquement en clinique, Irmgard figure néanmoins sur les listes du personnel, avec la mention « momentanément absente » (zur Zeit abwesend) ajoutée à côté de son nom.

Enfin, il convient d’ajouter un dernier élément qui a pu avoir une incidence sur la suite du parcours d’Irmgard Stinner-Kessing dans la seconde moitié de l’année 1944. En fait, à partir de 1944, son nom circule dans le cadre d’échanges épistolaires entre différents services administratifs au sujet d’une politique de remplacement d’une partie du personnel médical (masculin et féminin) de la faculté de médecine de la Reichsuniversität Straβburg pour assurer les soins à la population civile en Allemagne (Sicherstellung der ärztlichen Versorgung der Zivilbevölkerung). Si plusieurs hommes – notamment des Alsaciens – sont concernés par l’envoi en Allemagne pour un service médical auprès de médecins allemands voire pour le service militaire[34], Irmgard est aussi visée par les mesures présentées par la Gauleitung en avril 1944 :

« Avec le manque considérable de personnel médical, les difficultés liées à la mise à disposition de médecins suffisamment formés sur le plan clinique sont toujours plus grandes. Il n’est plus possible de continuer à envoyer des jeunes médecins au service médical obligatoire pour exercer la médecine seuls, alors qu’ils ont à peine reçu leur Approbation et qu’ils ne sont pas aptes, en termes d’expérience, à exercer seuls ni à assumer des responsabilités si rapidement après l’obtention de l’examen médical d’État […]. Le Reichsgesundheitsführer a ainsi ordonné que l’on commence immédiatement à transférer les médecins assistants qui ont déjà travaillé pendant une plus grande période en milieu hospitalier et en cliniques. Une exception pourra être accordée uniquement pour les médecins assistants qui ont été promus au rang de chef de clinique (Oberarzt) ou qui sont pressentis en raison de compétences particulières à présenter une habilitation, à occuper un poste de médecin-chef (Chefarzt) ou une tout autre position supérieure »[35].

À la suite de ce courrier, le Kurator Scherberger charge tous les directeurs de cliniques et d’instituts de l’université d’établir une liste de leurs assistants et d’indiquer les noms de ceux qui y travaillent depuis un an, depuis deux ans et depuis trois ans ou plus. Ces derniers tardent à répondre et le Kurator ne peut adresser son rapport à la Gauleitung que le 29 juillet 1944, fournissant tout de même une liste comprenant cinquante-sept noms de médecins dont la faculté de médecine aurait pu, en principe et en suivant les instructions, se séparer. Irmgard Stinner-Kessing et Günther Holzapfel (un blessé de guerre) sont les deux médecins qui sont présentés comme travaillant à la clinique depuis « deux ans » [sic.][36]. Les tractations se poursuivent entre l’université, les directeurs de cliniques et la Gauleitung pour savoir quels médecins pouvaient effectivement être soustraits à la clinique : un mois plus tard, le Kurator indique avoir à nouveau demandé aux directeurs « les noms des femmes médecins de leurs établissements qui pouvaient être remplacées par des femmes médecins plus jeunes », de même que les hommes dont un « échange pouvait être envisagé avec des médecins plus âgés qui se trouvent alors sur le front ». La réticence des directeurs de cliniques et d’instituts se traduit par une absence de réponse à la question posée, mais uniquement par l’envoi d’une liste de celles et ceux dont l’envoi en Allemagne était impossible, soit parce qu’ils étaient déjà en service outre-Rhin, ou qu’ils étaient malades voire en congés[37]. Étrangement, le nom d’Irmgard ne figure pas dans ce dernier échange, alors qu’elle avait quitté le service fin août 1944. Jusque-là, rien n’indique si elle avait été envoyée en Allemagne dans l’intervalle, si elle était restée en convalescence en Alsace ou si elle était retournée chez ses parents à Essen.


Publication d’Irmgard Stinner-Kessing

Irmgard Kessing, Zur Strahlenbehandlung der Kopfhautkarzinome, thèse de doctorat de médecine, Université de Munich, Hansa-Druckerei, 1940, 20 p.


Sources

ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner).

ADBR, 1558 W 677, dossier n°60991 (Raymond Koessler).

ADBR, 4E482/1282, État civil de Strasbourg, Table des mariages (1943-1952), Acte de mariage de I. Kessing et W. Stinner, 30 décembre 1943, Acte n°1521/1943.

ADBR, 126 AL 37, dossier n°1.

ADBR, 126 AL 37, dossier n°4 (Listes du personnel médical de la Reichsuniversität Straβburg (1943).

AVES, 7 AH 15, Listes du personnel médical de la Reichsuniversität Straβburg (1943-1944).

« Erlass des Führers und des Reichskanzlers über die Dauer der Dienstzeit und die Stärke des Reichsarbeitsdienstes vom 27. Juni 1935 », Reichsgesetzblatt, Teil I, n°63, 1935, 27 juin 1935, p. 772.

« Fünfte Verordnung zur Durchführung und Ergänzung der Reichsärzteordnung (Bestallungsordnung für Ärzte) vom 17. Juli 1939 », Reichsgesetzblatt, Teil I, 1939, n°130, 22 juillet 1939, p. 1273-1303.

« Reichsarbeitsdienstgesetz », Reichsgesetzblatt, Teil I, n°63, 1935, 27 juin 1935, p. 769-771.

United States Department of Health, education and Welfare, Public Health Service, Index-Catalogue of the Library of the Surgeons General’s Office, fifth Series, vol. 1, Authors and Titles, Washington, United States Government Printing Office, 1959, p. 294.


Bibliographie

Jacques Héran (dir.), Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997

Rainer Möhler, Die Reichsuniversität Straβburg. 1940-1944. Eine nationalsozialistische Musteruniversität zwischen Wissenschaft, Volkstumspolitik und Verbrechen, thèse d’habilitation, Sarrebruck, Université de la Sarre, 2019.

Patrick Wechsler, La Faculté de médicine de la « Reichsuniversität Straβburg » (1941-1945) à l'heure nationale-socialiste, thèse de doctorat de médecine, Strasbourg, Université Louis Pasteur, 1991.

Version “brut” du Lebenslauf d’Irmgard (3 août 1943)

Ich bin am 10.05.1916 in Gelsenkirchen i[n] W[estfalen] geboren. Nach 4-jährigem Besuch der Volksschule absolvierte ich die realgymnasiale Studienanstalt in Gelsenkirchen und legte dort nach 9 Jahren am 15. März 1935 die Reifeprüfung ab. Nach dem Arbeitsdienst in Nettelstedt bei Minden begann ich im Wintersemester 1935/36 das Medizinstudium. Nach 2 Semestern bestand ich in Freiburg in Breisgau, das Vorphysikum und nach weiteren 3 Semestern in Würzburg das Physikum. Am 28. Juli 1940 machte ich in München das Staatsexamen und nachdem ich 4 Monate als Volontärassistentin an der Chirurgischen Klinik (Chef: Herr Professor Magnus) tätig war, promovierte ich am 9. Dezember 1940 und erhielt meine Approbation.

Vom 16.12.1940 bis 15.07.1941 war ich zuerst als Volontärassistentin, später als Assistentin an der Frauenklinik des Elisabethkrankenhauses in Essen. Am 15.10.1941 [sic. 15.09.1941] wurde ich vom Herrn Amtsarzt notdienstverpflichtet und vertrat bis zum 30.06.1942 [sic. 15.10.1941] einen praktischen Arzt in Essen. Anschließend war ich bis zum 30.06.1942 auf der chirurgischen Abteilung des Vincenz-Krankenhauses in Essen-Stoppenberg. Von dort wurde ich notdienstverpflichtet an die Huyssen’s Stiftung in Essen und war dort vom 10.07.1942 bis zum 07.06.1943 auf der inneren Abteilung. Am 07.06.1943 wurde ich wegen einer chronischen Nebelhöhlenerkrankung und einem leichten Myokardschaden zuerst beurlaubt. Da die Kieferhöhlenentzündung seit einem Jahre rezidiviert, wurde mir vom Facharzt einen Klimawechsel empfohlen, der von meinem dortigen Amtsarzt befürwortet wurde. Ich habe mich deshalb um eine Stelle hier in Straßburg beworben, da mir dieses Klima schon im vorigen Jahr bei einem Erholungsaufenthalt gut bekommen ist.

[Irmgard Kessing]

(Dr. Irgmard Kessing)


Repères

Localisations

Nationalités

  • Allemand (10 mai 1916 - )

Confessions

  • Catholique (10 mai 1916 - )

Publications

Relations

Famille de

Liens à institutions

Universität München

1916-05-10T00:00:00Z
Vie privée
Naissance
1940-07-27T00:00:00Z
Vie privée
Autorisation d'exercer la médecine
1940-12-09T00:00:00Z
Vie privée
Thèse
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Références



  1. Voir par exemple ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), Staatsangehörigkeitsausweis (copie d’un original de 1936), 1943.
  2. Concernant les grands-parents paternels d’Irmgard, on sait qu’ils étaient originaires de la même région géographique. Theodor Kessing (né le 30 janvier 1837 à Erwitte et décédé le 29 avril 1929 à Erwitte) était agriculteur (Landwirt) et avait épousé Franziska Schütte (née le 29 juillet 1939 à Geseke et décédée le 7 mars 1898 à Erwitte).
  3. Les grands-parents maternels d’Irmgard sont tous les deux originaires de la ville de Steele, à l’est de l’agglomération de Essen. Johann Hütte (né le 5 août 1840 à Steele et décédé le 12 septembre 1896 à Steele) était commerçant de profession (Kaufmann) et était marié avec Élisabeth Schempershofe (née le 8 juillet 1841 à Steele et décédée le 29 octobre 1914 à Steele).
  4. 4,0 et 4,1 ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Fragebogen über die Abstammung, 1er août 1943.
  5. 5,0 5,1 5,2 5,3 5,4 5,5 et 5,6 ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lebenslauf, 3 août 1943.
  6. 6,0 6,1 et 6,2 ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Personalfragebogen, 1er août 1943.
  7. Voir « Reichsarbeitsdienstgesetz », Reichsgesetzblatt, Teil I, n°63, 1935, 27 juin 1935, p. 769-771. Voir aussi « Erlass des Führers und des Reichskanzlers über die Dauer der Dienstzeit und die Stärke des Reichsarbeitsdienstes vom 27. Juni 1935 », Reichsgesetzblatt, Teil I, n°63, 1935, 27 juin 1935, p. 772.
  8. 8,0 8,1 et 8,2 ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lebenslauf, 3 août 1943 ; ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten, 1er août 1943.
  9. Irmgard Kessing, Zur Strahlenbehandlung der Kopfhautkarzinome, thèse de doctorat de médecine, Université de Munich, Hansa-Druckerei, 1940, 20 p. Voir aussi United States Department of Health, education and Welfare, Public Health Service, Index-Catalogue of the Library of the Surgeons General’s Office, fifth Series, vol. 1, Authors and Titles, Washington, United States Government Printing Office, 1959, p. 294.
  10. « Fünfte Verordnung zur Durchführung und Ergänzung der Reichsärzteordnung (Bestallungsordnung für Ärzte) vom 17. Juli 1939 », Reichsgesetzblatt, Teil I, 1939, n°130, 22 juillet 1939, p. 1273-1303.
  11. ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten, 1er août 1943.
  12. ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lettre du Verwaltungsdirektor Barthelmé au Kurator Scherberger, 12 novembre 1943.
  13. ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Antrag auf Einstellung eines Assistenten, 3 août 1943. Il s’agit d’un formulaire recto-verso composé de quatre parties, chacune destinée aux quatre personnes intervenant dans la chaîne décisionnelle du recrutement d’un médecin à la Reichsuniversität Straβburg : le directeur du service qui initie la demande (ici Stein dans son rôle de directeur par intérim de l’Abteilung II de la clinique médicale), le doyen de la faculté de médecine Johannes Stein, le NS-Dozentenführer Ernst Anrich et enfin le Rektor Karl Schmidt. Le dossier remonte ainsi la voie hiérarchique, chacun indiquant sa décision, soit directement sur le formulaire, soit sur une lettre séparée envoyée à la prochaine personne concernée.
  14. ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Antrag auf Einstellung eines Assistenten, 3 août 1943.
  15. ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Personalfragebogen, 1er août 1943 ; ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), Fragebogen. Ergänzung zum Formblatt 2, 1er août 1943.
  16. ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten, 1er août 1943.
  17. ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Erklärung über die Logenzugehörigkeit, 1er août 1943.
  18. ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Staatsangehörigkeitsausweis (copie d’un original de 1936), 1943 : « Die Studentin Irmgard, Bernhardine, Wilhelmine Keßing […], geboren am 10. Mai 1916 in Gelsenkirchen, besitzt die Reichsangehörigkeit. Münster (Westf.), den 27. Juni 1936. Der Preußische Regierungspräsident, im Auftrage ».
  19. ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lettre du NS-Dozentenführer Schlemmer au Rektor Schmidt, 9 septembre 1943.
  20. ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lettre du Rektor Schmidt au Kurator Scherberger, 11 septembre 1943.
  21. ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lettre du Kurator Scherberger à l’administration des établissements hospitalo-universitaires, 15 septembre 1943.
  22. ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lettre du directeur administratif de l’hôpital civil Barthelmé au Kurator Scherberger, 7 octobre 1943 : « Auf die dortige Anfrage vom 15.9.1943 Nr. 5188/43 teile ich mit, daß für die mit der Verwaltung einer wissenschaftlichen Assistentenstelle zu beauftragende Ärztin Dr. Irmgard Kessing die erforderliche freie Assistentenstelle vorhanden ist ».
  23. ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lettre du Kurator Scherberger à Irmgard Kessing, 13 octobre 1943. Notons que pour des raisons d’organisation et étant donné que le dossier de Kessing est incomplet, le Kurator ne valide le recrutement que jusqu’au 31 décembre 1943. En fait, l’université limite la durée du contrat, car elle ne souhaite pas que d’autres candidats soient lésés si Irmgard ne fournit pas les pièces à temps (« Die Befristung des Beschäftigungsverhältnisses bis zum 31.12.1943 hat lediglich den Zweck, ein Wartenlassen der Beteiligten bis zum Abschluß der Begutachtung zu vermeiden »).
  24. ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Amtsärztliches Zeugnis, 25 octobre 1943.
  25. ADBR, 4E482/1282, État civil de Strasbourg, Table des mariages (1943-1952), Acte de mariage de I. Kessing et W. Stinner, 30 décembre 1943, Acte n°1521/1943.
  26. 26,0 et 26,1 ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Anzeige über Verheiratung, 17 janvier 1944.
  27. Il est possible qu’il s’agisse du Wolfgang Stinner, né en 1910, dont il est question dans l’ouvrage suivant : United States Army, Army Medical Library, Index-Catalogue of the Library of the Surgeon General’s Office, Autors and Subjects, Fifth Series, vol. I, Authors and Titles, Washington, United States Government Printing Office, 1945, p. 616. Disponible sur Google Livres via https://books.google.fr/books?id=qXMiAQAAMAAJ&, [en ligne], consulté le 15 avril 2021. Si tel est le cas, cela signifierait que Stinner a soutenu en 1937 une thèse de doctorat de médecine intitulée Misserfolge der Tubenquetschung nach Madlener als Sterilisationsmethode? à l’université de Munich.
  28. ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), , Lettre du Verwaltungsdirektor Barthelmé au Kurator Scherberger, 24 janvier 1944 : « Dr. Kessing Irmgard […] teilte mir heute mir, dass sie sich am 30.12.43 mit dem Oberarzt der Luftwaffe Dr. Wolfgang Stinner verheiratet hat […]. Die Dienstbezüge der Genannten habe ich mit Wirkung v[om] 1.12.43 vom RM. 323,68 auf RM. 423,63 erhöht ».
  29. Voir AVES, 7 AH 15 et ADBR, 126 AL 37, dossier n°4, Listes mensuelles du personnel médical de la Reichsuniversität Straβburg, 1943-1944.
  30. D’après AVES, 7 AH 15 et ADBR, 126 AL 37, dossier n°4, Listes mensuelles du personnel médical de la Reichsuniversität Straβburg, 1943-1944.
  31. ADBR, 1558 W 677, dossier n°60991 (Raymond Koessler), , Lettre de du directeur de la clinique médicale de la Reichsuniversität Straβburg au Kurator de la Reichsuniversität Straβburg au sujet du détachement du Dr. Koessler du service armé, 4 février 1944. Les deux Schwerkriegsversehrte sont Günther Holzapfel (amputé du bras droit) et Valentin Becker (il a perdu un œil après avoir pris une balle dans le front et a été amputé de plusieurs doigts de pieds à cause de gelures). Les autres médecins auxquels Stein fait référence sont les Alsaciens Charles Gunsett et Frédéric-Auguste Schaaf, qui possèdent aussi une patientèle privée en dehors de l’hôpital, et le Dr. Werner Jordan, qui subissait encore les séquelles d’une grave tuberculose (schwere Tuberkulose). Les Drs. Wagner et Discher ont été affectés à la clinique chirurgicale, le Dr. Ernewein a été enrôlé dans l’armée allemande (zum Wehrdienst verpflichtet) et le Dr. Conradt a été soumis au service médical obligatoire en campagne (für eine Landpraxis dienstverpflichtet).
  32. ADBR, 1558 W 677, dossier n°60991 (Raymond Koessler), , Lettre de du directeur de la clinique médicale de la Reichsuniversität Straβburg au Kurator de la Reichsuniversität Straβburg au sujet du détachement du Dr. Koessler du service armé, 4 février 1944. Ajoutons qu’un deuxième Dozent en médecine interne a été institué, tardivement à la Reichsuniversität Straβburg : Hajo Wolbergs (1910-1975) est nommé le 24 juin 1944, après avoir obtenu le titre de Dr. med. habil. en soutenant sa thèse d’habilitation le 11 juin 1943 et avoir fait sa première offentliche Lehrprobe le 24 février 1944. Voir à ce propos la fiche biographique de Wolbergs sur ce Wikipédia ainsi que Rainer Möhler, Die Reichsuniversität Straβburg. 1940-1944. Eine nationalsozialistische Musteruniversität zwischen Wissenschaft, Volkstumspolitik und Verbrechen, thèse d’habilitation, Sarrebruck, Université de la Sarre, 2019, p. 533.
  33. ADBR, 1558 W 677, dossier n°60991 (Raymond Koessler), , Lettre de du directeur de la clinique médicale de la Reichsuniversität Straβburg au Kurator de la Reichsuniversität Straβburg au sujet du détachement du Dr. Koessler du service armé, 4 février 1944.
  34. Voir à ce propos ADBR, 126 AL 37, dossier n°1.
  35. ADBR, 126 AL 37, dossier n°1, Lettre de la Gauleitung (Verwaltungs- und Polizeiabteilung) aux Staatliche Gesundheitsämter en Alsace, 12 avril 1944 : « Bei dem erheblichen er Ärztemängel werden die Schwierigkeiten, klinisch genügend ausgebildete Ärzte zur Verfügung zu stellen, immer grösser. Es ist nicht möglich, weiterhin frisch approbierte Jungärzte, die erfahrungsgemäß sich nicht für die freie Praxis, wie überhaupt für verantwortliche Aufgaben, eignen, gleich nach dem Examen in die freie Praxis Notdienst zu verpflichten. [...] Der Reichsgesundheitsführer hat daher angeordnet, sofort mit der Überführung derjenigen Assistenten, die schon längere Zeit in Krankenhäusern und Kliniken sind, zu beginnen. Eine Ausnahme kann nur für solche Assistenten anerkannt werden, die zu Oberärzten aufgerückt sind, oder wegen besonderer Befähigung zur Habilitation, für Chefarztstellen oder sonstige Spitzenstellen vorgesehen sind ».
  36. ADBR, 126 AL 37, dossier n°1, Lettre du Kurator de la Reichsuniversität Straβburg à la Gauleitung (Verwaltungs- und Polizeiabteilung), , 29 juillet 1944.
  37. ADBR, 126 AL 37, dossier n°1, Lettre du Kurator de la Reichsuniversität Straβburg à la Gauleitung (Verwaltungs- und Polizeiabteilung), , 25 septembre 1944. Le Kurator écrit : « ich habe […] die Leiter der Universitätskliniken, bei denen Ärztinnen tätig sind, gebeten, mir solche Ärztinnen zu benennen, die gegen Jungärztinnen ausgetauscht werden können. […] Auf Ärzte, die zum Austausch mit älteren im Felde stehenden Assistenten in Frage kommen, sind mir nicht namhaft gemacht worden. Eine Überprüfung der in Kliniken beschäftigten Ärzte hat ergeben, daß die Anzahl der z. Zt. Vorübergehend abwesenden und seit 1.8.1944 ganz ausgeschieden sowie der demnächst ausscheidenden Ärzte weit höhe ist als die Zeit der seit diesem Zeitpunkt neu eingetretenen Ärzte ».