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Différences entre les versions de « Auguste Lieber »

De Commission Historique
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Réponse : Je suis convaincu d'une seule chose, c'est que Bickenbach était parfaitement capable de tenter, sans aucun scrupule, des expériences de gaz asphyxiants sur les personnes internées au Struthof. C'était un nazi fanatique, le parti national-socialiste était pour lui et l'intérêt de ce parti devait primer toute question d'humanité. Je dois reconnaître pourtant qu'il était humain à l'égard des malades qu'il soignait » .
Réponse : Je suis convaincu d'une seule chose, c'est que Bickenbach était parfaitement capable de tenter, sans aucun scrupule, des expériences de gaz asphyxiants sur les personnes internées au Struthof. C'était un nazi fanatique, le parti national-socialiste était pour lui et l'intérêt de ce parti devait primer toute question d'humanité. Je dois reconnaître pourtant qu'il était humain à l'égard des malades qu'il soignait » .


Si Lieber jure n’avoir jamais eu connaissance de la nature exacte des expérimentations réalisées par Bickenbach et ses adjoints, il précise toutefois qu’« une certaine fois, le professeur Bickenbach, qui était de nature très froid et réservé, m’a déclaré au cours d’une conversation que le Ministère de l’Air lui avait confié des recherches dans l’intérêt de la défense du Reich ». En réalité, Lieber indique à Jadin qu’il était parvenu lui-même à la conclusion que Bickenbach s’adonnait à des « expériences sur les gaz asphyxiants », une matière sur laquelle Lieber affirme n’avoir « aucune compétence » et précisant ne s’être rendu au camp de concentration de Natzweiler « à aucun moment ». Évoquant brièvement « une certaine rumeur » qui « courait, selon laquelle dans ce camp il se déroulait des choses mystérieuses », il déclare au juge qu’il avait entendu que des « expériences pratiquées sur les détenus, sans précisions sur ces expériences », ajoutant enfin que Bickenbach se rendait « souvent » au fort Ney et que « dans les derniers temps, il y couchait, toujours accompagné par Rühl », sans toutefois pouvoir avancer précisément ce qu’il y faisait .
Si Lieber jure n’avoir jamais eu connaissance de la nature exacte des expérimentations réalisées par Bickenbach et ses adjoints, il précise toutefois qu’« une certaine fois, le professeur Bickenbach, qui était de nature très froid et réservé, m’a déclaré au cours d’une conversation que le Ministère de l’Air lui avait confié des recherches dans l’intérêt de la défense du ''Reich'' ». En réalité, Lieber indique à Jadin qu’il était parvenu lui-même à la conclusion que Bickenbach s’adonnait à des « expériences sur les gaz asphyxiants », une matière sur laquelle Lieber affirme n’avoir « aucune compétence » et précisant ne s’être rendu au camp de concentration de Natzweiler « à aucun moment ». Évoquant brièvement « une certaine rumeur » qui « courait, selon laquelle dans ce camp il se déroulait des choses mystérieuses », il déclare au juge qu’il avait entendu que des « expériences pratiquées sur les détenus, sans précisions sur ces expériences », ajoutant enfin que Bickenbach se rendait « souvent » au fort Ney et que « dans les derniers temps, il y couchait, toujours accompagné par Rühl », sans toutefois pouvoir avancer précisément ce qu’il y faisait .


Sur cette affaire, précisons enfin que le 20 décembre 1949, la chambre des mises en accusation de la Cour d’appel de Colmar, sise à Metz, renvoie les professeurs Haagen et Bickenbach devant le tribunal militaire permanent des forces armées de Metz afin d’être jugés pour leurs actes commis au camp de concentration de Natzweiler. Cela donne lui au « procès des médecins du Struthof », une procédure inédite, la première qui se tient en France sur ce camp de concentration. Malgré l’appel interjeté de la décision de la chambre des mises en accusation, le procès a lieu et se déroule du 16 au 24 décembre 1952. L’historien allemand Rainer Möhler souligne également qu’Auguste Lieber aurait été l’un des témoins de l’accusation au procès de Metz en 1952. Lieber aurait expliqué à la cour que Bickenbach faisait pression sur ses assistants alsaciens pour que ceux-ci adhèrent au parti nazi et se portent volontaires pour servir dans la Wehrmacht (comme lui d’ailleurs). Lieber aurait également décrit Otto Bickenbach comme un homme « arrogant et très froid » (hochfahrend und sehr kalt) . Finalement, la cour condamne Haagen et Bickenbach aux travaux forcés à perpétuité, mais après un pourvoi en cassation, l’affaire est portée devant le tribunal militaire de Lyon du 11 au 14 mai 1954, qui condamne Bickenbach a été condamné à vingt ans de travaux forcés (la peine est commuée en dix ans en 1955 et Bickenbach est libéré le 18 septembre de la même année) .
Sur cette affaire, précisons enfin que le 20 décembre 1949, la chambre des mises en accusation de la Cour d’appel de Colmar, sise à Metz, renvoie les professeurs Haagen et Bickenbach devant le tribunal militaire permanent des forces armées de Metz afin d’être jugés pour leurs actes commis au camp de concentration de Natzweiler. Cela donne lui au « procès des médecins du Struthof », une procédure inédite, la première qui se tient en France sur ce camp de concentration. Malgré l’appel interjeté de la décision de la chambre des mises en accusation, le procès a lieu et se déroule du 16 au 24 décembre 1952. L’historien allemand Rainer Möhler souligne également qu’Auguste Lieber aurait été l’un des témoins de l’accusation au procès de Metz en 1952. Lieber aurait expliqué à la cour que Bickenbach faisait pression sur ses assistants alsaciens pour que ceux-ci adhèrent au parti nazi et se portent volontaires pour servir dans la ''Wehrmacht'' (comme lui d’ailleurs). Lieber aurait également décrit Otto Bickenbach comme un homme « arrogant et très froid » (hochfahrend und sehr kalt) . Finalement, la cour condamne Haagen et Bickenbach aux travaux forcés à perpétuité, mais après un pourvoi en cassation, l’affaire est portée devant le tribunal militaire de Lyon du 11 au 14 mai 1954, qui condamne Bickenbach a été condamné à vingt ans de travaux forcés (la peine est commuée en dix ans en 1955 et Bickenbach est libéré le 18 septembre de la même année) .




====La reprise des activités médicales en Alsace française====
====La reprise des activités médicales en Alsace française====
Les sources concernant le parcours d’Auguste Lieber après la guerre sont très rares et éparses. Il ne fait en revanche aucun doute qu’il ait pu poursuivre ses activités au sein de la clinique médicale de l’hôpital civil de Strasbourg dès les lendemains de la Libération. Au moment de l’enregistrement de son premier procès-verbal d’interrogatoire dans l’affaire concernant Bickenbach le 10 mars 1945, Lieber, qui est domicilié au 26, avenue du Maréchal Foch, se présente comme étant médecin de « policlinique médicale à l’hôpital civil de Strasbourg », un poste qu’il occupait toujours quelques semaines plus tard, le 2 mai 1945, lorsqu’il était domicilié au 3, place Arnold à Strasbourg . Si l’on perd ensuite sa trace au sein de la faculté de médecine de Strasbourg, une courte notice biographique dans l’ouvrage Who’s who in France, Qui est qui en France de Jacques Lafitte de 1977 révèle de précieux renseignements. Resté en Alsace au sortir de la guerre, Auguste Lieber est présenté comme un « spécialiste des maladies internes » et étant reconnu comme tel depuis 1947, ce qui est sans doute un héritage de sa carrière effectuée quelques années plus tôt à la Reichsuniversität Strassburg et de son étroite collaboration avec le professeur et interniste allemand Otto Bickenbach. Par ailleurs, depuis les années 1960, après plus de vingt ans de carrière, Auguste Lieber cumule ses activités médicales et hospitalières avec des fonctions représentatives au sein de l’Ordre des médecins, garant de la déontologie, du respect de l’éthique et instance disciplinaire en cas de non-respect des codes médicaux, mais aussi institution indépendante qui accompagne les médecins, qui veille à la qualité des soins et qui conseille les pouvoirs publics. À partir de 1966, il devient conseiller départemental de l’Ordre des médecins du Bas-Rhin, avant d’être élu président du conseil de l’ordre des médecins du Bas-Rhin en 1970. Finalement, en 1973, il devient à la fois membre du conseil régional d’Alsace de discipline de l’ordre des médecins, mais également assesseur titulaire de la section des assurances sociales du conseil régional d’Alsace de l’ordre des médecins .  
Les sources concernant le parcours d’Auguste Lieber après la guerre sont très rares et éparses. Il ne fait en revanche aucun doute qu’il ait pu poursuivre ses activités au sein de la clinique médicale de l’hôpital civil de Strasbourg dès les lendemains de la Libération. Au moment de l’enregistrement de son premier procès-verbal d’interrogatoire dans l’affaire concernant Bickenbach le 10 mars 1945, Lieber, qui est domicilié au 26, avenue du Maréchal Foch, se présente comme étant médecin de « policlinique médicale à l’hôpital civil de Strasbourg », un poste qu’il occupait toujours quelques semaines plus tard, le 2 mai 1945, lorsqu’il était domicilié au 3, place Arnold à Strasbourg . Si l’on perd ensuite sa trace au sein de la faculté de médecine de Strasbourg, une courte notice biographique dans l’ouvrage ''Who’s who in France, Qui est qui en France'' de Jacques Lafitte de 1977 révèle de précieux renseignements. Resté en Alsace au sortir de la guerre, Auguste Lieber est présenté comme un « spécialiste des maladies internes » et étant reconnu comme tel depuis 1947, ce qui est sans doute un héritage de sa carrière effectuée quelques années plus tôt à la Reichsuniversität Strassburg et de son étroite collaboration avec le professeur et interniste allemand Otto Bickenbach. Par ailleurs, depuis les années 1960, après plus de vingt ans de carrière, Auguste Lieber cumule ses activités médicales et hospitalières avec des fonctions représentatives au sein de l’Ordre des médecins, garant de la déontologie, du respect de l’éthique et instance disciplinaire en cas de non-respect des codes médicaux, mais aussi institution indépendante qui accompagne les médecins, qui veille à la qualité des soins et qui conseille les pouvoirs publics. À partir de 1966, il devient conseiller départemental de l’Ordre des médecins du Bas-Rhin, avant d’être élu président du conseil de l’ordre des médecins du Bas-Rhin en 1970. Finalement, en 1973, il devient à la fois membre du conseil régional d’Alsace de discipline de l’ordre des médecins, mais également assesseur titulaire de la section des assurances sociales du conseil régional d’Alsace de l’ordre des médecins .  




====Vie de famille et décès====
====Vie de famille et décès====


À l’âge de vingt-trois ans, trois jours à peine avant d’être mobilisé dans l’armée et de débuter son service militaire dans le corps médical, Auguste Lieber, qui demeure toujours dans sa ville natale, épouse une jeune fille de quatre ans son aînée, Berthe Élisabeth Dietrich. Née le 23 octobre 1910 à Strasbourg, Berthe est issue d’une famille catholique modeste. Son père, Josef Leo Dietrich était assistant-télégraphiste (Telegraphen-Assistent) au service postal impérial allemand (Reichspost), et sa mère, Barbara Goor, dite Berta, était mère au foyer. Le 16 octobre 1937, Auguste Lieber et Berthe Dietrich se marient à Strasbourg . Quelques années plus tard, le 27 juillet 1941, le couple donne naissance à un garçon, prénommé Robert Heinrich . La famille Lieber s’installe d’abord au Fritsche Closenerstraße 4 (jusqu’en 1942), puis emménage au Simonisstraße 16 (1942-1944) – qui porte en 1942 le nom de Zimmerlingstraße –, avant de déménager au 26, avenue du maréchal Foch (1944-1945) et finalement au 3, place Arnold à Strasbourg (à partir de 1945).
À l’âge de vingt-trois ans, trois jours à peine avant d’être mobilisé dans l’armée et de débuter son service militaire dans le corps médical, Auguste Lieber, qui demeure toujours dans sa ville natale, épouse une jeune fille de quatre ans son aînée, Berthe Élisabeth Dietrich. Née le 23 octobre 1910 à Strasbourg, Berthe est issue d’une famille catholique modeste. Son père, Josef Leo Dietrich était assistant-télégraphiste (''Telegraphen-Assistent'') au service postal impérial allemand (''Reichspost''), et sa mère, Barbara Goor, dite Berta, était mère au foyer. Le 16 octobre 1937, Auguste Lieber et Berthe Dietrich se marient à Strasbourg . Quelques années plus tard, le 27 juillet 1941, le couple donne naissance à un garçon, prénommé Robert Heinrich . La famille Lieber s’installe d’abord au ''Fritsche Closenerstraße 4'' (jusqu’en 1942), puis emménage au ''Simonisstraße 16'' (1942-1944) – qui porte en 1942 le nom de ''Zimmerlingstraße'' –, avant de déménager au 26, avenue du maréchal Foch (1944-1945) et finalement au 3, place Arnold à Strasbourg (à partir de 1945).


Pendant la guerre, Berthe Lieber, la femme d’Auguste, suit les traces de son père et obtient un poste d’« assistante postière » (Postassistentin) à la Reichspost réintroduite en Alsace avec l’annexion. Affectée au central téléphonique de Strasbourg (Fernsprechamt), elle avait fait l’objet, comme son mari, d’une procédure d’évaluation politique pour vérifier son aptitude à intégrer la fonction publique allemande et obtenir le statut de fonctionnaire des postes comme « dame téléphoniste ». Le rapport d’évaluation politique, complété le 12 novembre 1940, donc antérieur à celui d’Auguste, s’avère extrêmement positif et favorable. Le Kreisleiter Bickler, le Kreispersonalamtsleiter Peter et le Kreisamtsleiter Amt für Beamte Ganz mettent en effet en avant le fait qu’aucun service national-socialiste « n’avait émis d’objections à son emploi dans le service de la Reichspost allemande ». Concernant ses qualités humaines et ses traits de caractère, Berthe avait été décrite comme étant sûre d’elle (selbstbewusst), serviable (hilfsbereit) et habile (gewandt). Pour son attitude politique (weltanschauliche Haltung), elle était perçue comme étant prête à servir la cause nazie (einsatzbereit) et d’un point de vue intellectuel, elle possédait une compétence « pratique » dans son domaine (praktisch). Sur sa position vis-à-vis de la germanité, le rapport précise qu’elle était considérée jusque-là comme « irréprochable » (einwandfrei), ce qui laissait à penser qu’« après un certain temps, ce[tte] fonctionnaire se reconnaîtrait dans la germanité et le national-socialisme », d’autant que « sa sympathie et celle de sa famille » étaient désormais tournées vers l’Allemagne. Enfin, on remarquera que son « apparence générale (allgemeines Ansehen) auprès de la population et des fonctionnaires de son administration » était « bonne », quand bien même elle s’était montrée quelque peu indifférente (gleichgültig) face à la situation politique . Si Berthe a de toute évidence été intégrée dans la fonction publique allemande et qu’elle a pu continuer de travailler comme téléphoniste, elle fait une demande au printemps 1941 pour cesser momentanément son activité professionnelle. En effet, certainement dans le cadre de sa grossesse et de la naissance prochaine de son fils (qui naît fin juillet 1941), Berthe demande un congé sans solde le 1er mai 1941 pour une durée indéterminée (auf eigenen Antrag ohne Bezüge beurlaubt) .
Pendant la guerre, Berthe Lieber, la femme d’Auguste, suit les traces de son père et obtient un poste d’« assistante postière » (''Postassistentin'') à la Reichspost réintroduite en Alsace avec l’annexion. Affectée au central téléphonique de Strasbourg (''Fernsprechamt''), elle avait fait l’objet, comme son mari, d’une procédure d’évaluation politique pour vérifier son aptitude à intégrer la fonction publique allemande et obtenir le statut de fonctionnaire des postes comme « dame téléphoniste ». Le rapport d’évaluation politique, complété le 12 novembre 1940, donc antérieur à celui d’Auguste, s’avère extrêmement positif et favorable. Le ''Kreisleiter'' Bickler, le ''Kreispersonalamtsleiter'' Peter et le ''Kreisamtsleiter Amt für Beamte'' Ganz mettent en effet en avant le fait qu’aucun service national-socialiste « n’avait émis d’objections à son emploi dans le service de la Reichspost allemande ». Concernant ses qualités humaines et ses traits de caractère, Berthe avait été décrite comme étant sûre d’elle (''selbstbewusst''), serviable (''hilfsbereit'') et habile (''gewandt''). Pour son attitude politique (''weltanschauliche Haltung''), elle était perçue comme étant prête à servir la cause nazie (''einsatzbereit'') et d’un point de vue intellectuel, elle possédait une compétence « pratique » dans son domaine (''praktisch''). Sur sa position vis-à-vis de la germanité, le rapport précise qu’elle était considérée jusque-là comme « irréprochable » (''einwandfrei''), ce qui laissait à penser qu’« après un certain temps, ce[tte] fonctionnaire se reconnaîtrait dans la germanité et le national-socialisme », d’autant que « sa sympathie et celle de sa famille » étaient désormais tournées vers l’Allemagne. Enfin, on remarquera que son « apparence générale (''allgemeines Ansehen'') auprès de la population et des fonctionnaires de son administration » était « bonne », quand bien même elle s’était montrée quelque peu indifférente (''gleichgültig'') face à la situation politique . Si Berthe a de toute évidence été intégrée dans la fonction publique allemande et qu’elle a pu continuer de travailler comme téléphoniste, elle fait une demande au printemps 1941 pour cesser momentanément son activité professionnelle. En effet, certainement dans le cadre de sa grossesse et de la naissance prochaine de son fils (qui naît fin juillet 1941), Berthe demande un congé sans solde le 1er mai 1941 pour une durée indéterminée (''auf eigenen Antrag ohne Bezüge beurlaubt'') .


Auguste Lieber, qui s’était visiblement installé dans le Haut-Rhin au moment de sa retraite, s’éteint à Colmar le 25 mars 1987 à près de soixante-treize ans .
Auguste Lieber, qui s’était visiblement installé dans le Haut-Rhin au moment de sa retraite, s’éteint à Colmar le 25 mars 1987 à près de soixante-treize ans .

Version du 12 avril 2024 à 13:16


Auguste Lieber
Prénom Auguste
Nom Lieber
Sexe masculin
Naissance 24 mai 1914 (Strasbourg)
Décès 23 mars 1987 (Colmar)
Profession du père Fonctionnaire

These États paranoïdes après commotion cérébrale (Université de Strasbourg, UdS, 1918-1939, 1939)
Directeur de thèse Charles Pfersdorff
Profession Médecin

Titre Dr. med.

Identités Lieber, August
Spécialités Médecine interne


Auguste Lieber (1914-1987) est un médecin alsacien, interniste et spécialiste des maladies internes qui a fait carrière à l’hôpital civil de Strasbourg, tant durant la période française qu’au cours de l’annexion allemande. Né allemand sous le Reich de Guillaume II d’un père fonctionnaire, Lieber est issu d’une famille catholique modeste. Grandissant à Strasbourg, il fréquente deux lycées réputés du centre-ville, puis effectue ses études de médecine à l’université française de Strasbourg dans les années 1930. Après son service militaire débuté en 1937, il est versé dans le corps médical de la réserve militaire, ce qui lui permet de mener à terme son cursus universitaire. En 1939, il soutient sa thèse de doctorat de médecine qu’il avait rédigée sous la direction du professeur alsacien Charles Pfersdorff (1875-1953), qui était déjà enseignant à la Kaiser-Wilhelms-Universität de Strasbourg et qui était depuis 1919 le titulaire de la chaire de psychiatrie à la faculté de médecine française de Strasbourg.

Participant à la guerre de 1939-1940 comme médecin sous-lieutenant de réserve, Auguste Lieber est fait prisonnier de guerre par les troupes allemandes au moment de l’armistice de Compiègne de juin 1940. Moins de deux mois plus tard, à la mi-août 1940, il est rapidement libéré du camp de prisonniers de guerre et se voit proposer un poste à l’hôpital civil par les autorités allemandes alors en place en Alsace. Dès lors, il se réoriente, quitte la psychiatrie et commence à servir à la clinique médicale. Obtenant toutes les autorisations nécessaires, il parvient à conserver son poste durant toute la période de l’annexion. Il devient notamment l’un des collaborateurs directs du professeur Otto Bickenbach (1901-1971) à la clinique médicale et plus précisément à la polyclinique médicale de la Reichsuniversität Strassburg.

De toute évidence épargné par les mesures d’épuration qui frappent le milieu médical après la Libération, Auguste Lieber – qui n’a jamais rejoint la moindre formation du parti national-socialiste durant l’Occupation –, réussit à reprendre ses activités médicales aux lendemains de la guerre. Restant en Alsace, il devient un spécialiste des maladies internes, sans nul doute un héritage de sa formation strasbourgeoise à la Reichsuniversität Strassburg aux côtés de de Bickenbach et consorts. Ajoutons qu’au début du mois de mai 1945, alors que la procédure d’instruction judiciaire vient d’être ouverte dans le cadre de ce qui est devenu le « procès des médecins du Struthof », le Dr. Auguste Lieber est amené à témoigner sur les activités du professeur Bickenbach au camp de concentration de Natzweiler-Struthof. Il est donc l’un des médecins de l’équipe alsacienne à témoigner contre son ancien directeur, dévoilant des éléments assez intéressants sur les liens entre le camp et l’hôpital, mais aussi sur ses liens avec Bickenbach. Enfin, à partir des années 1960, il cumule ses activités médicales avec diverses fonctions représentatives au sein de l’Ordre des médecins en Alsace. Il meurt à Colmar dans le Haut-Rhin en 1987.

Biographie

De l’enfance aux études de médecine

Né à Strasbourg en 1914 à la veille de la Première Guerre mondiale dans une Alsace annexée au Reich wilhelmien depuis 1871, Auguste Lieber passe toute son enfance et grandit à Strasbourg, obtenant la nationalité française par réintégration. Après l’obtention de son baccalauréat, il entame dans les années 1930 des études de médecine à l’université de Strasbourg, jusqu’à la soutenance de sa thèse de doctorat de médecine en 1939. Médecin auxiliaire durant son service militaire en 1937, puis versé dans la réserve pour terminer son cursus universitaire, Lieber est rappelé en 1939-1940 dans l’armée française comme médecin officier et participe à la guerre jusqu’à sa capture par les Allemands.


Contexte, origines et scolarité

Auguste Henri Lieber est né le 24 mai 1914 à Strasbourg . À sa naissance, l’Alsace et la Moselle faisaient partie intégrante du Reich allemand de Guillaume II et formaient le Reichsland Elsaß-Lothringen. L’Alsace était allemande à la suite de la signature du traité de Francfort du 10 mai 1871 qui avait mis fin à la guerre franco-prussienne de 1870-1871. Auguste est issu d’une famille alsacienne de confession catholique ; son père, également prénommé Auguste Henri, était fonctionnaire et sa mère, Marie Élisabeth née Uhlmann, était mère au foyer . Le couple s’était marié à Strasbourg le 2 août 1913 . Il grandit dans sa ville natale, obtenant la nationalité française par réintégration avec le retour de l’Alsace à la France à l’issue de la Première Guerre mondiale. Auguste Lieber débute ensuite sa scolarité obligatoire à l’école de la République, fréquentant notamment deux lycées réputés du centre-ville de Strasbourg dans l’entre-deux-guerres, les lycées Kléber et Fustel-de-Coulanges . Au début des années 1930, il réussit les deux parties de l’examen du baccalauréat et se destine aussitôt vers une carrière médicale.


Les études de médecine (années 1930)

Comme le prévoit la législation alors en vigueur en France, Auguste Lieber doit commencer par s’inscrire à la faculté des sciences pour préparer le certificat d’études physiques, chimiques et naturelles (PCN), un diplôme délivré à l’issue d’une année préparatoire aux études de médecine. Il s’agit en d’autres termes d’un prérequis aux formations médicales instauré sous la Troisième République par un décret adopté le 31 juillet 1893. En réalité, l’intégralité du cursus universitaire avait été réorganisée et l’obtention de ce diplôme – en plus de l’admission préalable à l’examen du baccalauréat – était rendue obligatoire pour que le futur médecin puisse prétendre à la première inscription en médecine . Une fois le PCN obtenu, Auguste Lieber s’inscrit aussitôt à la faculté de médecine de l’Université de Strasbourg pour débuter son cursus médical à proprement parler. Depuis 1909, la durée des études avait été allongée d’une année supplémentaire, portant désormais la durée totale du cursus à cinq années au cours desquelles l’étudiant cumulait à la fois des enseignements théoriques, pratiques mais aussi des activités hospitalières. Ainsi, année du PCN comprise, le cursus complet durait six ans, puis sept à la suite d’une mesure adoptée par décret le 6 mars 1934 .

Auguste Lieber accomplit ainsi l’intégralité de son parcours universitaire à Strasbourg, avec une courte interruption en 1937 où il effectue son service militaire avant d’être versé dans le corps médical de la réserve militaire jusqu’en 1939 (cf. infra) . Les sources sur son parcours sont assez rares et éparses, mais il faut souligner qu’en plus de fréquenter les bancs de l’université, Auguste Lieber est confronté très tôt à l’exercice (pratique) de la médecine, notamment en clinique. De l’externat à l’internat des hôpitaux, Lieber a dû se former progressivement dans les années 1930 auprès des enseignants strasbourgeois. Finalement, il s’oriente vers la psychiatrie et entreprend, à la fin des années 1930, de parachever sa formation médicale par la préparation une thèse de doctorat de médecine sous la présidence du professeur Charles Pfersdorff (1875-1953). Cet Alsacien, qui était déjà Privatdozent à la clinique psychiatrique allemande de la Kaiser-Wilhelms-Universität, était resté à Strasbourg à la fin de la Première Guerre mondiale et avait alors reçu la chaire de psychiatrie en 1919. Au même moment, une chaire de neurologie a été créée et confiée au professeur Jean-Alexandre Barré (1880-1967), venu de Paris. Dès lors, la faculté de médecine de Strasbourg avait marqué une nette séparation, assez inédite en soi, entre les deux disciplines (neurologie et psychiatrie), qui étaient, ailleurs, toujours unies, tant dans le reste de la France (sauf à Paris), qu’en Allemagne . En 1939, il soutient à Strasbourg les quarante-trois pages de sa thèse intitulée « États paranoïdes après commotion cérébrale » .


Le service militaire et la guerre : médecin sous-lieutenant de réserve

Dans l’entre-deux-guerres, Auguste Lieber ne rejoint aucun parti politique, aucune loge, aucune association religieuse, ni aucune association qui soutient la politique française voire, à l’opposé, l’autonomisme alsacien. Poursuivant ses études à l’université française de Strasbourg, le seul lien qui le relie véritablement à une attitude « francophile » serait le fait qu’il ait été mobilisé dans l’armée française pour accomplir son service militaire. En effet, même si Lieber était de la classe de mobilisation de 1934, il n’a été mobilisé que vers la fin de son cursus universitaire, le 19 octobre 1937 . Remarquons que trois jours plus tôt, le 16 octobre 1937, Auguste Lieber s’était marié à Strasbourg avec la fille d’un assistant-télégraphe (Telegraphen-Assistent) de la Reichspost, Berta Elisabeth Dietrich, née le 23 octobre 1910 à Strasbourg . Bien que marié, Lieber n’échappe pas à la conscription et sert officiellement pendant près de trois ans dans l’armée française. Il sert dans un premier temps comme médecin militaire au « 309e [régiment] d’artillerie » à Strasbourg, puis au « 5e [régiment du] génie », étant par ailleurs versé dans le corps sanitaire de la réserve militaire, ce qui lui permet de reprendre de toute évidence ses activités cliniques et de terminer ses études . Après la soutenance de sa thèse de doctorat en 1939, Auguste Lieber participe à la guerre de 1939-1940. En réalité, si son maître, Pfersdorff, avait quitté l’Alsace lors de l’évacuation de 1939 et du repli de l’hôpital civil strasbourgeois vers Clairvivre en Dordogne – où il assure la gestion du service de neuro-psychiatrie –, Auguste Lieber, lié par son engagement militaire, reste à Strasbourg . Enfin, on trouve aussi un indice de sa participation au conflit en tant que médecin dans l’édition du 16 mai 1940 du Journal officiel de la République française, où il figure parmi les membres du service de santé de la réserve. On apprend qu’il était plus précisément affecté à la vingtième région militaire, ce qui correspond à l’est de la France et que s’il avait servi jusque-là en qualité de « médecin auxiliaire », Auguste Lieber est alors promu officier de réserve du service de santé, obtenant le grade de médecin sous-lieutenant, en vertu d’un décret émis le 15 mai 1940 . Finalement, avec l’armistice de Compiègne du 22 juin 1940, marquant la défaite française face à l’Allemagne, Auguste Lieber est fait prisonnier de guerre par les troupes allemandes.


La réhabilitation d’un médecin français par le régime national-socialiste (1940-1941)

Quelques semaines seulement après avoir été fait prisonnier de guerre, Auguste Lieber, en tant qu’Alsacien, est libéré par les autorités allemandes et se voit offrir un poste à l’hôpital civil de Strasbourg devenu allemand avec l’annexion de facto de l’Alsace. Réhabilité en tant que médecin, il fait partie des tout premiers docteurs alsaciens à être réemployés par les Allemands. Investi dans la fonction de médecin assistant à la clinique médicale encore en cours de constitution et d’aménagement, Lieber débute véritablement sa carrière médicale à ce moment-là, se faisant un nom et gagnant la confiance des autorités civiles, mais également de ses pairs et de ses supérieurs au cours de cette année préparatoire à l’instauration de la Reichsuniversität Strassburg.


Retrouver son poste de médecin à l’hôpital civil de Strasbourg (1940)

Réhabilité par les nazis à l’été 1940

Comme tous les Alsaciens qui avaient été faits prisonniers avec l’uniforme français durant la guerre de 1939-1940, Auguste Lieber ne reste que très peu de temps interné dans le camp de prisonniers de guerre. Si les sources ne mentionnent pas cette partie de sa vie, on remarque que la date officielle de sa démobilisation de l’armée française indiquée sur les documents est le 13 août 1940, ce qui doit probablement correspondre à la date de sa libération . En réalité, la libération des Alsaciens et des Mosellans constitue l’une des premières mesures appliquées par les Allemands après l’annexion de ces territoires. Son confrère chirurgien Paul Buck (1915-1998), qui avait été dans la même situation que Lieber, avait d’ailleurs précisé que s’il avait été libéré, c’est bien parce qu’il était Alsacien . Rappelons que dans le contexte d’annexion de fait de l’Alsace et de la Moselle au Reich allemand à l’été 1940, le régime nazi engage une politique de germanisation, de nazification et plus généralement de mise au pas de la population alsacienne et du territoire reconquis. Dans la volonté pangermaniste et la politique de rassemblement des Allemands, le régime prend des mesures pour les soldats alsaciens internés par la Wehrmacht. En fait, comme le rappelle l’historien Jean-Noël Grandhomme, d’un point de vue national-socialiste, ces soldats « d’origine allemande » avaient été enrôlés dans une armée considérée comme « étrangère » (l’armée française), donc leur extraction des Stalag et des Oflag avait été planifiée et exécutée par les Allemands dès l’été 1940 .

De plus, il convient de préciser qu’à cette époque – notamment en raison de l’évacuation de l’Alsace et du repli du personnel soignant, des malades et du matériel vers Clermont-Ferrand et Clairvivre –, il y avait un besoin « urgent » (drigend) de personnel médical pour assurer les soins de la population civile en Alsace. En conséquence, dès la mi-juillet 1940, le département médical (Gesundheitswesen) de la nouvelle administration civile en Alsace – ou Gauleitung –, dirigée par le Gauleiter Robert Wagner, s’affaire à obtenir des autorités militaires au sujet de la libération des médecins militaires alsaciens et mosellans retenus dans les camps . Grâce aux tractations engagées par le régime nazi en Alsace avec les autorités militaires, Auguste Lieber est rapidement rendu à la vie civile et se rapproche aussitôt de la nouvelle puissance occupante pour exercer à nouveau la médecine. Car s’il a pu obtenir un poste si vite, c’est bien parce qu’il avait reçu l’autorisation de la Gauleitung et que la nouvelle administration nationale-socialiste l’avait bien voulu. En effet, le département médical de Gauleitung avait promulgué une ordonnance dès le 13 juillet 1940 qui réglementait la pratique et l’exercice de de la médecine en Alsace. Tous les médecins et autres personnels médicaux – notamment ceux qui rentraient à Strasbourg et qui étaient désireux d’ouvrir un cabinet – qui souhaitaient pratiquer la médecine en Alsace devaient désormais recevoir au préalable une autorisation en bonne et due forme par les services du Gauleiter . Une première sélection était faite parmi le personnel habilité à exercer dans ce nouveau territoire germanique et Auguste Lieber parvient ainsi à devenir médecin à la clinique médicale B de l’hôpital civil de Strasbourg .

Assistenzarzt à la clinique médicale

Grâce à cette première étape de sélection, Auguste Lieber obtient un emploi de médecin à l’hôpital civil de Strasbourg dès la deuxième quinzaine du mois d’août 1940. Son nom figure en effet sur la liste du personnel médical en poste dès le 28 août 1940. S’il s’était spécialisé en psychiatrie avec sa thèse de doctorat, Auguste Lieber rejoint dès lors l’équipe de la clinique médicale (Medizinische Abteilung), encore en cours de constitution et de développement. Placée sous la direction du Chefarzt Dolde, elle ne compte au départ que six médecins, parmi lesquels Lieber est l’un des cinq Assistenzärzte. De plus, dans ce contexte de réorganisation des établissements hospitalo-universitaires par les Allemands, on remarque qu’en quinze jours, neuf nouveaux médecins sont recrutés jusqu’à la fin du mois d’août, ce qui porte leur nombre total à trente-trois, dont plus du tiers sont alors employés en chirurgie (39%) . Auguste Lieber poursuit progressivement sa carrière à l’hôpital civil allemand qui se développe et se spécialise considérablement jusqu’à la fin de l’année, avec un doublement du personnel en trois mois. Dès le moins d’octobre 1940, Auguste Lieber intègre le nouveau service des maladies chroniques (chronische Abteilung), situé à une vingtaine de kilomètres de l’hôpital civil. Ce petit service est alors placé sous la direction de l’Alsacien Édouard Nonnenmacher, qui y officie comme kommissarischer Chefarzt, et ne compte que deux médecins assistants, les Drs. Auguste Lieber et Ernest Aufschlager . Ajoutons qu’au 1er décembre 1940, il fait partie des 64 médecins en poste aux hospices civils (parmi lesquels quatre femmes), dont la moitié d’entre eux est affectée aux cliniques chirurgicale (19 hommes, 30%) et médicale (13 hommes, 20%) .

Au même moment, des préparatifs sont engagés afin de créer une « université du Reich » (Reichsuniversität) à Strasbourg en lieu et place de l’université française repliée à Clermont-Ferrand. Auguste Lieber continue d’exercer la médecine à la clinique médicale et plus précisément au service des maladies chroniques (Abteilung für chronische Kranke). Si le Dr. Aufschlager quitte le service fin novembre 1940, Lieber travaille seul avec Nonnenmacher pendant quelques semaines, avant que l’équipe soit complétée par l’arrivée du Volontärarzt Peter Baumeister en mars 1941 . Dans cette phase d’établissement de la Reichsuniversität Strassburg, le statut de Lieber est alors requalifié en « faisant fonction d’assistant scientifique » (Verwalter einer wissenschaftlichen Assistentenstelle), ayant une rémunération qui s’élève précisément à 423,63 RM . Dans l’immédiat, cela signifie que Lieber, comme nombre de ses collègues alsaciens, conserve son poste par intérim, sans être véritablement titularisé. Toutefois, il reste sur la voie d’une intégration dans les établissements hospitalo-universitaires (klinische Universitätsanstalten) de la Reichsuniversität Strassburg en cours de création.

En fait, une ordonnance du Gauleiter Robert Wagner, émise le 31 mars et entrant en vigueur le lendemain, prévoit le rattachement de l’ensemble des établissements de l’université de Strasbourg utilisés « pour soigner de la population » dans le giron de la Gauleitung pour en assurer l’administration provisoire à compter du 1er avril 1941. Plus précisément, c’est le département « Éducation, enseignement et instruction du peuple » (Abteilung Erziehung, Unterricht und Volksbildung) de la Gauleitung qui est chargé de la gestion de ces établissements de santé alors réunis sous le terme générique de « cliniques hospitalo-universitaires de l’université de Strasbourg » (klinische Anstalten der Universität Strassburg), dans l’attente de la création de la Reichsuniversität Strassburg . De plus, à la suite d’une décision d’Adolf Hitler (Führerentscheid) datée du 9 avril 1941, les affaires concernant la Reichsuniversität Strassburg passent sous la responsabilité du ministère de l’éducation à Berlin (Reichserziehungsministerium). Aussi, la Gauleitung cède de manière rétroactive (en date du 31 mars 1941) la gestion des salaires des employés de l’hôpital civil à l’administration des établissements hospitalo-universitaires. La situation et la carrière d’Auguste Lieber reflète alors les efforts d’intégration des professionnels de santé alsaciens déployés par l’administration allemande et les professeurs allemands déjà en poste. Ainsi, si Lieber reste en poste, c’est sans aucun doute parce que le nouveau directeur de la clinique médicale, Johannes Stein (1896-1967) – qui occupe également la fonction de doyen de la faculté de médecine de la future Reichsuniversität Strassburg –, accepte de le maintenir en fonctions. Mais dans le même temps, Stein initie une procédure d’évaluation politique (politische Beurteilung) visant à vérifier que Lieber soit effectivement apte, politiquement parlant et d’un point de vue national-socialiste, à exercer au sein d’une université conçue, pensée et voulue comme une université modèle.


L’évaluation politique (1941)

Le déclenchement de la procédure : du doyen Stein aux autorités locales du parti nazi

Afin de pouvoir obtenir un emploi à la Reichsuniversität Strassburg, le Dr. Auguste Lieber subit une deuxième mesure officielle de sélection des médecins alsaciens. En effet, il n’échappe pas à l’évaluation politique (politische Beurteilung) entreprise par les services administratifs de la direction du parti nazi (Kreisleitung) et du SD (Sicherheitsdienst). Concrètement, l’appareil bureaucratique national-socialiste est chargé d’enquêter sur le caractère général du postulant, sur ses compétences professionnelles, mais surtout sur ses éventuels engagements politiques d’avant 1940 (afin de vérifier qu’il n’y ait pas de traces rédhibitoires de sentiments francophiles ou antiallemands) et son attitude actuelle vis-à-vis de la germanité et de l’Allemagne nazie. Dans le cas de Lieber, l’enquête est officiellement ouverte le 9 août 1941 sur la demande du doyen de la faculté de médecine, Johannes Stein (1896-1967), qui contacte à cet effet le bureau du service du personnel (Personalamt) au sein de l’administration civile en Alsace (Gauleitung). Trois jours plus tard, le 12 août, la Gauleitung transmet l’enquête à tous les services compétents, adressant une demande au bureau du personnel de la direction locale du parti nazi de Strasbourg (NSDAP-Kreisleitung) et au Sipo-SD. Il est dès lors clairement indiqué qu’il s’agit de vérifier si Lieber est effectivement apte à être « employé comme faisant fonction d’assistant scientifique au service des maladies chroniques » . De plus, s’il est relativement rare de trouver les sources des informations employées par les services nazis, le dossier allemand versé dans le fonds des Renseignements Généraux contient ici des renseignements précieux sur l’enquête de voisinage, effectuée au plus près de la personne de Lieber.

Les rapports et les prises de note du Blockleiter, du Zellenleiter et de l’Ortsgruppenleiter du lieu de résidence d’Auguste Lieber ont été conservés et ce sont ces pièces officielles qui ont, en remontant à chaque fois le cadre et la voie hiérarchiques, servi de base aux décisions officielles prises par les hautes autorités. Ici, le Blockleiter Albert Jung dresse un constat positif : plusieurs qualités et traits de caractères sont mis en avant comme son honnêteté (ehrlich), sa bonté (gutmütig), son esprit de camaraderie (kameradschaftlich), sa serviabilité (hilfsbereit) ou encore le fait qu’il est aimé (beliebt). Il semble également qu’il « donne avec joie à toute les collectes [des œuvres de bienfaisance] » (spendet freudig bei jeder Sammlung). Concernant son ralliement et ses efforts de rapprochement au national-socialiste, le Blockleiter Jung note qu’il lit le quotidien local nazi Strassburger Neueste Nachrichten et qu’il « fréquente assez régulièrement les manifestations du NSDAP » (besucht die Kundgebungen der NSDAP ziemlich regelmäßig). De plus, Auguste Lieber est présenté comme un homme ayant été fidèle à sa terre alsacienne (Heimattreu), un Alsacien qui ne s’est jamais investi politiquement dans l’entre-deux-guerres, ni en faveur de la France, ni en faveur de l’Allemagne. Enfin, le Blockleiter Jung remarque que Lieber « adhère à la germanité et au national-socialisme », mais qu’en raison de ses fonctions hospitalières, il « n’a que très peu de temps libre, si bien que jusque-là, il ne s’est engagé dans aucune organisation [du parti nazi] » (bekennt sich zum Deutschtum und zum Nationalsozialismus. Da er als Assistenzarzt sehr wenig freie Zeit hat, betätigt sich bis jetzt noch in keiner Gliederung) .

Quelques jours plus tard, le 21 août 1941, c’est l’Ortsgruppenleiter qui prend position favorablement pour Auguste Lieber. Bien plus complet que celui de son subalterne, son rapport prend en compte la nationalité, l’état-civil, la formation scolaire, mais aussi l’origine raciale (arische Abstammung) et l’origine populaire (völkische Abstammung) de Lieber et de son épouse, tous deux considérés comme des aryens et des Alsaciens et Auguste est caractérisé comme un Volksgenosse (Vg.), c’est-à-dire un membre par le sang de la communauté populaire allemande. D’un point de vue politique, on apprend qu’« il se comporte de manière passive vis-à-vis des conditions politiques actuelles », mais ajoute que « la Ortsgruppe locale ne lui connaît aucune attitude germanophobe (deutschfeindliche Haltung) ». Questionné sur son absence de ralliement apparent aux organismes nazis, Auguste Lieber s’en « excuse » en disant qu’elle est « due à une très forte sollicitation dans sa profession de médecin » (er entschuldigt diese mangelnde Einsatzbereitschaft durch zu starke Beanspruchung in seinem Berufe als Arzt). D’ailleurs, sur le plan professionnel, Lieber est connu comme étant un médecin qui « jouit d’une grande popularité » (erfreut sich als Arzt großer Beliebtheit), si bien que tout considéré, l’Ortsgruppenleiter ne voit aucune objection à son emploi à l’hôpital civil .

Les autorités supérieures nazies : la Kreisleitung du NSDAP et le SD

Grâce à ces informations de première main obtenues très rapidement par les échelons les plus bas de la structure administrative et du maillage territoriale du parti nazi à Strasbourg, le chef du district du parti nazi est les premiers à répondre à la Gauleitung, afin d’avaliser le maintien de Lieber en poste au sein de la nouvelle université du Reich. L’évaluation politique, signée le 27 août 1941 par le Kreisleiter de Strasbourg, Hermann Bicker (1904-1984) et son chef du service du personnel, précise les points suivants :



Quelques jours plus tard, le 1er septembre 1941, c’est le Dr. Ludwig Benmann du Sicherheitsdienst (SD) qui adresse un très court rapport sur Lieber. Il écrit à son sujet : « le Dr. L[ieber] est en ordre dans tous les domaines » . Ensuite, le 27 novembre 1941, le SS-Obersturmbannführer Paul Hirschberg (1901-1999), un Alsacien, SS et membre du parti de longue date, qui est également le chef du SD-Einsatzkommando III/1 de Strasbourg signe de sa propre main son rapport dactylographié :

« Durant la période française, Lieber ne s’est pas fait remarquer sur le plan politique, mais il a une attitude plutôt attentiste vis-à-vis des événements politiques actuels. Il n’a encore rejoint aucune organisation du parti. D’un point de vue caractériel, son comportement est bon. Il est considéré comme un homme honnête et qui témoigne un esprit de camaraderie. Il n’y a aucune objection à l’emploi prévu pour lui, mais un détachement (Abordnung) dans l’Altreich pendant quelques temps devrait être mis en place » .

Finalement, après avoir réceptionné les différents rapports détaillés et plutôt favorables des autorités nazies consultées, la Gauleitung est en mesure de communiquer au doyen Stein son avis final concernant le recrutement d’Auguste Lieber à la clinique médicale de la Reichsuniversität Strassburg. Dans un courrier rédigé le 4 décembre 1941, le bureau du personnel de la Gauleitung, avalise son maintien en poste comme « faisant fonction d’assistant scientifique au service des maladies chroniques » sans la moindre objection . Ainsi, si l’image générale de Lieber est celle d’un médecin alsacien très apprécié et très actif dans sa profession, qui ne laisse – peut-être délibérément – que peu de place à l’engagement politique ou à l’idéologie. Bien qu’il soit de nationalité française et qu’il ait servi comme médecin-officier dans l’armée française en 1939, les pouvoirs nazis le considèrent comme un « Alsacien », un aryen et un membre par le sang de la communauté populaire allemande (Volksgenosse). Il est donc l’un des médecins Alsaciens et Mosellans jugés aptes à exercer la médecine à la Reichsuniversität Strassburg et à poursuivre leur carrière dans cette institution modèle du IIIe Reich jusqu’en 1944.


La carrière à la Reichsuniversität Strassburg (1941-1944)

Médecin à la clinique médicale de la Reichsuniversität Strassburg

Avec son intégration parmi le personnel médical de la Reichsuniversität Strassburg, le Dr. Lieber reste affecté au service des maladies chroniques (Abteilung für chronische Kranke) jusqu’à la fin de l’année 1941. Ensuite, à compter du 1er janvier 1942, les Alsaciens Auguste Lieber et Édouard Nonnenmacher servent à l’« Abteilung III » de la clinique médicale et Nonnenmacher cède sa place de chef de service au professeur allemand Otto Bickenbach (1901-1971), venu de l’université d’Heidelberg . Spécialisé en médecine interne, Bickenbach avait été nommé professeur extraordinaire à la Reichsuniversität Strassburg le 24 novembre 1941 et avait fini par cumuler les fonctions de direction au sein de la clinique médicale universitaire (Medizinische Universitäts-Klinik) dirigée par Johannes Stein. Outre sa fonction de directeur de l’institut de recherche de la faculté de médecine (département « biologie »), il dirigeait l’Abteilung III de la clinique médicale entre 1941 et 1943 puis, à la dissolution de celle-ci, la polyclinique médicale dès 1943 . Au cours de sa carrière à la Reichsuniversität Strassburg, Auguste Lieber devient l’un des collaborateurs directs de Bickenbach à l’Abteilung III et à la polyclinique médicale, d’autant que pendant toute la durée de la guerre, ces services ne sont constitués que d’une poignée de médecins, formant une équipe médicale très restreinte et organisée autour de Bickenbach .

En effet, du mois de janvier au mois d’août 1942, Lieber et Nonnenmacher sont les deux seuls médecins titulaires du service, jusqu’à ce que ce noyau dur soit complété la venue d’un auxiliaire scientifique (Wissenschaftlische Hilfskraft) en la personne de Paul Schneider (dès septembre 1942) et celle, éphémère, d’une femme, Else Heyl, en qualité d’Assistenzarzt jusqu’au printemps 1943. De plus, on note la venue, au début de l’année 1943, du Dr. Luzian Wiederstroem comme Pflichtassistent, un titre que reçoit également Paul Schneider. En juin 1943, lorsque l’Abteilung III est dissoute au profit de la polyclinique médicale, ce sont les médecins Auguste Lieber, Paul Schneider et Luzian Wiederstroem qui assurent la gestion de la polyclinique, puisque Bickenbach est appelé pour le service dans l’armée jusqu’en février 1944, comme l’avait d’ailleurs été Paul Schneider entre juillet 1942 et novembre 1944. Enfin, à partir du mois d’avril 1944, une nouvelle femme complète les rangs de la polyclinique médicale, l’Assistenzärztin Annemarie Buresch . Toutefois, cette dernière obtient un congé maladie en septembre 1944 à cause d’une maladie persistante (beurlaubt zur Durchführung eines längeren Heilverfahrens) . Son absence accroît fortement le manque de personnel à la polyclinique médicale au cours du deuxième semestre de l’année 1944, d’autant que le Dr. Luzian Wiederstroem aurait été affecté à un service de travail civil comme confrère le Dr. Renatus Piffert de l’Abteilung II – probablement à la suite d’une mesure punitive . Auguste Lieber est donc quasiment le seul médecin en poste aux côtés de Bickenbach, assurant son remplacement lorsque celui-ci se livre aux expérimentations au camp de concentration de Natzweiler-Struthof et au fort Fransecky (fort Ney dans la ceinture fortifiée de Strasbourg) entre 1943 et 1944 (cf. infra) .

Ajoutons enfin que dans ses fonctions à la polyclinique médicale, le Dr. Auguste Lieber est amené à transférer certains de ses patients au service de médecine interne de la même clinique. Grâce au travail de recherches effectué par Lea Münch et Christian Bonah sur la base des dossiers médicaux de la médecine interne (Innere Medizin) de la Reichsuniversität Strassburg, on voit que le nom du Dr. Lieber apparaît à au moins dix-huit occurrences. Sur les dossiers rassemblés, collationnés et étudiés, son nom figure sous l’appellation de « Dr. Lieber », « Dr. Lieber polikkl », « Dr. Lieber : polik », « Dr. Lieber Klinik », « Dr. Lieber Med Kl » ou des variantes similaires, dès le 9 décembre 1941 et jusqu’au 15 février 1944. Ce fonds documentaire inédit permet de donner un aperçu (certes limité, mais révélateur) des pathologies traitées, affichant une prédominance remarquable des affections pulmonaires . Finalement, à l’automne 1944, alors que les autorités allemandes prennent la décision de replier outre-Rhin, à Tübingen, la Reichsuniversität Strassburg, ses cliniques et son personnel, Auguste Lieber fait partie des médecins alsaciens qui continuent d’exercer à Strasbourg jusqu’à la Libération .


État de la clinique médicale

Dans un courrier adressé chaque mois à la Gauleitung, le service administratif de l’université joint à sa liste du personnel un état de l’occupation des lits de chaque clinique. S’agissant de la clinique médicale, les données retrouvées sont incomplètes et ne concernent que la période allant de mars à décembre 1942. Une autre difficulté d’interprétation réside dans le fait que certains mois, les trois cliniques et l’hôpital-sanatorium de la Robertsau (Lungenheilstätte Ruprechtsau) sont clairement distinguées, tandis que parfois, toutes les données émanant de ces services sont fusionnées. Néanmoins, la clinique médicale III semble compter sur toute l’année 1942 seulement 153 lits médicaux, pour un taux de saturation dépassant en moyenne les 75%, alors que l’ensemble de la clinique affiche un taux d’occupation des lits d’environ 80%. Sur les 31 Stationen que compte la clinique médicale, dix se trouvent en Médecine III, dix en Médecine I, sept en Médecine II (ainsi que la radiologie du Dr. Frédéric-Auguste Schaaf) et quatre au sanatorium de la Robertsau .

Un autre document inédit témoigne de l’état de la clinique au début de l’année 1944, à une époque où beaucoup de médecins de la Reichsuniversität Strassburg risquent d’être transférés en Allemagne pour travailler dans une clinique ou un cabinet, voire d’être enrôlés dans l’armée allemande. Il s’agit d’un rapport rédigé par, le directeur de la clinique médicale, Johannes Stein et adressé au Kurator de la Reichsuniversität Strassburg. Stein commence par écrire qu’au 5 janvier 1944, sur les 765 lits disponibles dans tous les services de sa clinique, 651 d’entre eux étaient occupés, ce qui porte le taux d’occupation global à environ 85%. De plus, le nombre de patients examinés (untersucht) et soignés (behandelt) de manière ambulatoire (ambulant) atteint un total de 734 patients par jour. À cette même date, Stein est à la tête d’une équipe comptant vingt-neuf médecins. Conformément à la réglementation du nombre de médecin dans les cliniques universitaires (ratio médecin-patients), ce nombre aurait été largement suffisant pour assurer le bon fonctionnement de la clinique. Toutefois, Stein ajoute que deux de ses collaborateurs sont des mutilés de guerre (Schwerkriegsversehrte : il s’agit de Günther Holzapfel, amputé du bras droit, et de Valentin Becker qui a perdu un œil après avoir pris une balle dans le front et qui a été amputé de plusieurs doigts de pieds à cause de gelures). De plus, comme d’autres médecins cumulent leurs activités hospitalières à une pratique privée (comme les Alsaciens Charles Gunsett et Frédéric-Auguste Schaaf) et comme le Dr. Jordan subissait encore les séquelles d’une grave tuberculose (schwere Tuberkulose), Stein ne pouvait s’appuyer en réalité que sur vingt-trois médecins. Autrement dit, il compte certains de ses assistants pour une « moitié » .

Par ailleurs, s’il estimait que le ratio médecin-patient était jusque-là convenable, il précise que la « situation a complètement changé ces dernières semaines », évoquant notamment le départ de quatre de ses collaborateurs : deux Assistenten, les Drs. Wagner et Discher, ont été affectés à la clinique chirurgicale, le Dr. Ernewein a été enrôlé dans l’armée allemande (zum Wehrdienst verpflichtet) et le Dr. Conradt a été soumis au service médical obligatoire en campagne (für eine Landpraxis dienstverpflichtet). En d’autres termes, il ne peut dès lors compter que sur dix-neuf assistants, ce qui est insuffisant à ses yeux, d’autant qu’

« en comparaison avec toutes les grandes cliniques médicales allemandes, le nombre de médecins internistes parfaitement formés est très faible à la clinique [strasbourgeoise]. Hormis le directeur de la Röntgenabteilung [Wilhelm Dieker], qui est également directeur par intérim de l’Abteilung II, la clinique médicale ne compte aucun Dozent » .

Enfin, Stein termine son rapport en rappelant au Kurator que différents services dépendent de sa clinique et que certains d’entre eux sont assez éloignés du cœur névralgique de l’hôpital civil : le service des maladies chroniques (Station für chronische Kranke) où travaillait précédemment Lieber est situé à une distance de vingt-trois kilomètres de l’hôpital, la nouvelle Infektionsabteilung à dix kilomètres et l’hôpital-sanatorium de la Robertsau (Station für Lungenkranke) à six kilomètres de l’hôpital. Il précise que ces différentes stations médicales sont gérées par ses assistants, « à qui on ne met même pas un véhicule à disposition ». En conclusion, Stein, qui devait s’exprimer sur l’éventuelle possibilité de se séparer de certains de ses collaborateurs, explique :

« En raison de cette répartition des services et de la distance qui les sépare les uns des autres, on perd beaucoup de temps (großer Zeitverlust im ärztlichen Dienst) dans le service médical. À mon avis, on ne peut pas dire que la clinique médicale possède trop de médecins-assistants (übersetzt) » .

Ce manque de personnel est d’autant plus grave que les autorités nationales-socialistes, civiles et militaires, cherchent à rééduquer les médecins alsaciens, ce qui signifie que ces derniers sont amenés à quitter l’hôpital déjà en mal de personnel pour apprendre l’idéologie aux côtés de médecins nationaux-socialistes et pratiquer la médecine outre-Rhin. En tant qu’Alsacien, le Dr. Lieber n’échappe pas aux tractations et décisions officielles visant à lui imposer l’adaptation à politique et à conception du monde nazie.


L’adaptation politique d’un médecin alsacien au nazisme

La formation dans l’« Ancien Reich »

Durant sa carrière à la Reichsuniversität Strassburg, à une date jusque-là inconnue, le Dr. Auguste Lieber a été contraint d’effectuer une formation dans l’Ancien Reich (Altreich), afin d’y suivre certains cours d’idéologie. Certains médecins alsaciens, qui se trouvaient dans la même situation que Lieber, avaient été envoyés outre-Rhin, afin de subir la Notdienstverpflichtung. Il s’agissait d’une mesure de soumission obligatoire et de germanisation nationale-socialiste, correspondant peu ou prou à un service médical obligatoire dans le Reich et prévoyant le transfert du médecin alsacien dans un établissement de santé situé à l’intérieur des frontières de l’Ancien Reich. Dans le cas de Lieber, il ne fait aucun doute qu’il ait échappé à cette mesure, puisqu’il fait toute sa carrière à Strasbourg entre 1940 et 1944, sans la moindre interruption. Il convient tout de même de préciser le contexte d’une telle mesure, trahissant la méfiance des autorités nationales-socialistes vis-à-vis des populations locales et plus particulièrement du personnel recruté dans une institution conçue et voulue comme une vitrine du Reich. Afin de mieux cerner les enjeux, il faut rappeler que les Allemands étaient par principe d’accord pour que le personnel employé avant 1940 à l’hôpital civil strasbourgeois puisse être réemployé dans la nouvelle institution allemande (sous certaines conditions), permettant ainsi une certaine continuité. Toutefois, les conditions en question traduisent également toute la valeur idéologique et politique des mesures adoptées par le régime nazi. Par exemple, dès le 14 novembre 1940, le Reichsdozentenführer Walter Schultze écrit à Max de Crinis du Ministère de l’éducation à Berlin, qui occupe le poste de Ministerialdirektor im Reichserziehungsministerium, afin régler au plus vite la question de la rémunération des médecins alsaciens. Dans son courrier, il évoque la politique prévue par le Reich : « dans les cliniques strasbourgeoises, il y a un certain nombre de bons médecins assistants [alsaciens] qui doivent absolument se rendre au moins une fois dans le Reich pour un an ou deux ». En réalité, cette mesure est envisagée pour que les Alsaciens et les Mosellans « baignent dans la pure atmosphère nationale-socialiste » et qu’ils sentent le bien-fondé de cette politique et qu’ils « réintègrent » par là même « leur peuple, le peuple germanique » .

L’idée d’envoyer les Alsaciens et les Mosellans dans le Reich suit son cours, non sans réticences de la part de l’institution strasbourgeoise : en janvier 1941, le Hochschulreferent berlinois Scheer réprimande le Gauleiter Wagner, et le charge d’effectuer au plus vite le nécessaire afin que tous les assistants d’origine alsacienne (et par extension mosellane) pressentis à des postes au sein de l’université allemande, travaillent auparavant – pour une période transitoire (Übergangszeit) –, au sein d’une clinique universitaire allemande . Le nouveau recteur de l’université, Karl Schmidt, s’insurge de cette décision et déclare que, dans l’état actuel, il est impossible d’envisager de se séparer des quelque cinquante médecins alsaciens qui servent aux hospices civils :

« Après une vérification minutieuse de la situation de l’infrastructure médicale dans le cadre de l’hôpital civil, je me permets de vous faire savoir que nous employons encore pour l’heure cinquante médecins-assistants alsaciens, pour une occupation moyenne de 1700-1800 lits. Devant un nombre aussi important de malades, il n’est pas possible d’envoyer les médecins dans le Reich, car nous n’employons presque aucun médecin-assistant allemand. Les soins médicaux de la population civile de Strasbourg deviendraient impossibles s’il fallait évacuer les médecins alsaciens rapidement. Nous n’assisterons à un échange conséquent de médecins-assistants qu’après la nomination de professeurs de médecine qui amèneront avec eux au moins un certain nombre de collaborateurs » .

Si cette remarque du recteur Schmidt témoigne de sa réticence à se séparer d’autant de médecins alsaciens à la fois – au risque que toute l’offre de soin disponible à Strasbourg en pâtisse –, elle donne également un élément de réponse concernant le fait que Lieber n’ait jamais été envoyé outre-Rhin. Ceci est d’autant plus vrai qu’au départ, la clinique médicale n’affichait pas un excédent de personnel, bien au contraire. De plus, avec l’arrivée de Bickenbach à la clinique médicale III et à la polyclinique, Auguste Lieber est devenu l’un des plus proches collaborateurs du professeur allemand. Ces services ne comptant qu’une poignée de médecins et Bickenbach ayant été appelé pour l’armée pendant plusieurs mois, il semble que Lieber que ce soient des raisons d’organisations et de ressources humaines qui soient à l’origine du non-envoi de Lieber outre-Rhin pour une aussi longue période de Notdienstverpflichtung.

Néanmoins, il ne fait aucun doute que le Dr. Lieber ait été envoyé en formation à l’école médicale d’Alt-Rehse avec plusieurs de ses confrères alsaciens. Les raisons de l’envoi des Alsaciens et des Mosellans dans ce centre de formation et de rééducation sont les mêmes que l’envoi dans un établissement de santé situé dans le territoire de l’« Ancien Reich » (Altreich) évoquées ci-dessus. Dans son ouvrage pionnier sur l’histoire de la médecine à Strasbourg, Jacques Héran aborde cet aspect des mesures de rééducation qui ont frappé le corps médical alsacien et mosellan afin d’instiller aux médecins autochtones l’esprit, la pensée et l’idéologie nationaux-socialistes. Il précise qu’« aux yeux des autorités hitlériennes, la rééducation (Umschulung) des Alsaciens s’imposait ». Pour cela, les nazis ont utilisé une école de cadres du corps médical allemand, la Führerschule der deutschen Ärzteschaft, qui avait été créée en 1935 et installée à Alt-Rehse (près de Neubrandenburg) dans la campagne du du Mecklembourg . Là encore, s’il n’a pas été possible de dater précisément la présence d’Auguste Lieber à Alt-Rehse, on sait toutefois que les sessions de formation étaient assez courtes (deux semaines). On sait également que les premiers cours (Schulungskurse), dispensés par la Reichsärzteführung pour les Alsaciens, ont débuté le 9 février 1941 . La photographie ci-dessous est l’unique preuve directe qui atteste de la présence d’Auguste Lieber à Alt-Rehse aux côtés deux autres internistes, de trois chirurgiens, d’un pédiatre, d’un gynécologue et d’un dermatologue issus des cliniques strasbourgeoises .



Vers un enrôlement dans l’armée allemande ou l’envoi en Allemagne ?

Même si les pouvoirs nazis ont permis au Dr. Lieber de conserver son poste à l’hôpital civil allemand de Strasbourg et d’être intégré dans l’équipe soignante de la faculté de médecine de la Reichsuniversität Strassburg – sans avoir servi pendant une longue durée aux côtés de médecins allemands outre-Rhin–, il semble qu’il poursuive sa carrière sans avoir totalement la confiance des autorités. Restant malgré tout considéré comme un « Alsacien », certes membre par le sang de la communauté populaire allemande (Volksgenosse) mais n’ayant pas la nationalité allemande, Auguste Lieber est incité dès le début à intensifier ses efforts pour adhérer au nazisme. Dans ce cadre, Auguste Lieber adopte une attitude neutre, si ce n’est hostile à la politique nazie : hormis l’envoi (obligatoire et forcé) à Alt-Rehse, il ne prend aucune initiative pour rallier le mouvement national-socialiste. Il n’adhère ni au NSDAP, ni à aucune organisation du parti nazi, qu’elle soit politique (comme l’Opferring), paramilitaire (comme la SS), médicale (comme le NSD-Ärztebund) ou caritative (comme le NSV). Le seul rapprochement sensible – et somme toute minime – est sa lecture régulière d’un quotidien nazi, les Strassburger Neueste Nachrichten et sa fréquentation de certaines réunions du parti quand son emploi du temps le permet. Enfin, Auguste Lieber ne cède pas aux pressions de ses supérieurs allemands, notamment Bickenbach, lui intimant de rejoindre volontairement le NSDAP et l’armée .

Néanmoins, à la suite de l’ordonnance du Gauleiter Wagner du 25 août 1942 imposant la conscription aux jeunes Alsaciens des classes de naissance 1920-1924 et aux autres ordonnances réglementant les soins médicaux de la population civile en Alsace, le Dr. Lieber devient rapidement l’un des médecins alsaciens concernés par un éventuel enrôlement dans l’armée allemande. L’élargissement progressif aux classes d’âges plus anciennes suit son cours jusqu’à concerner, par ordonnance du 16 février, ceux de 1914-1919 qui avaient servi dans l’armée française et finalement les classes 1908-1913. Auguste Lieber était alors directement concerné par une incorporation de force dans la Wehrmacht. Le 23 novembre 1943, un courrier interne des autorités médicales strasbourgeoises de l’armée allemande (Wehrersatzbezirksarzt) indique qu’« avec l’élargissement du service militaire aux classes d’âge 1908-1913, un certain nombre de médecins de la zone d’affectation de Strasbourg (Wehrersatzbezirk) deviennent astreints au service militaire (wehrpflichtig) ». Il précise que leur nombre s’élevait alors à 101 médecins, ajoutant que la « majorité d’entre eux ne seront pas concernés par l’enrôlement » – invoquant les décisions politiques de la Gauleitung et de l’armée, mais aussi parce que la plupart de ces médecins ont servi comme officiers dans l’armée française –, et qu’en réalité, il « resterait approximativement un substrat de 10 à 20% qui pourraient être incorporés après la Musterung » . En fait, dès le mois de mars 1943, Auguste Lieber avait sélectionné pour être recruté. En fait, son nom figure sur une liste de trente médecins alsaciens, mosellans et même allemands au sujet desquels l’Ordre des médecins du Gau de Bade (Ärztekammer) avait approuvé leur mobilisation en mars 1943 . Malgré tout, jusqu’à ce jour, tout semble indiquer que le Dr. Lieber n’ait jamais été enrôlé dans l’armée allemande mais qu’au contraire, il ait réussi à poursuivre sa carrière civile à la clinique médicale de la Reichsuniversität Strassburg jusqu’à la Libération .

Enfin, il convient d’ajouter qu’en 1944, les autorités civiles et militaires poursuivent leurs échanges afin de remplacer un certain nombre de médecins de la Reichsuniversität Strassburg – qu’ils soient alsaciens ou non – par des plus jeunes (Jungärzte). Le 12 avril 1944, la Gauleitung adresse à tous les Staatliche Gesundheitsämter d’Alsace une requête en ce sens. Il écrit :

« Avec le manque considérable de personnel médical, les difficultés liées à la mise à disposition de médecins suffisamment formés sur le plan clinique sont toujours plus grandes. Il n’est plus possible de continuer à envoyer des jeunes médecins au service médical obligatoire pour exercer la médecine seuls, alors qu’ils ont ont à peine reçu leur Approbation et qu’ils ne sont pas aptes, en termes d’expérience, à exercer seuls ni à assumer des responsabilités si rapidement après l’obtention de l’examen médical d’État […]. Le Reichsgesundheitsführer a ainsi ordonné que l’on commence immédiatement à transférer les médecins assistants qui ont déjà travaillé pendant une plus grande période en milieu hospitalier et en cliniques. Une exception pourra être accordée uniquement pour les médecins assistants qui ont été promus au rang de chef de clinique (Oberarzt) ou qui sont pressentis en raison de compétences particulières à présenter une habilitation, à occuper un poste de médecin-chef (Chefarzt) ou une tout autre position supérieure » .

L’administrateur en chef de la Reichsuniversität Strassburg, qui avait été mis en copie de ce courrier, charge ainsi tous les directeurs de cliniques et d’instituts de l’université d’établir une liste de leurs assistants et d’indiquer les noms de ceux qui y travaillent depuis un an, depuis deux ans et depuis trois ans et plus. Les directeurs ayant tardé à répondre, le Kurator n’adresse son rapport à la Gauleitung que le 29 juillet 1944, fournissant tout de même une liste comprenant cinquante-sept noms de médecins dont la faculté de médecine pourrait, en principe, se séparer s’il fallait appliquer les mesures officielles. Auguste Lieber est l’un d’entre eux et le Kurator indique que cela fait plus de trois ans qu’il travaille à l’hôpital, tout comme ses collègues de la polyclinique médicale, les Drs. Annemarie Buresch (plus de trois ans en comptant son expérience antérieure avant son arrivée à la polyclinique) et Luzian Widerstroem (plus d’un an) . Les tractations se poursuivent entre l’université, les directeurs de cliniques et les autorités de la Gauleitung pour savoir quels médecins pouvaient effectivement être soustraits à la clinique : un mois plus tard, le Kurator indique avoir à nouveau redemandé aux directeurs « les noms des femmes médecins de leurs établissements qui pouvaient être remplacées par des femmes médecins plus jeunes », de même que les hommes dont un « échange pouvait être envisagé avec des médecins plus âgés qui se trouvent alors sur le front ». La réticence des directeurs de cliniques et d’instituts se traduit par une absence de réponse à la question posée, mais uniquement par l’envoi d’une liste de celles et ceux dont l’envoi en Allemagne était impossible, soit parce qu’ils étaient déjà en service outre-Rhin, ou qu’ils étaient malades voire en congés . Grâce à la lenteur (probablement volontaire de la part de la direction des cliniques) dans la gestion de cette affaire – visant à envoyer un certain nombre de médecins strasbourgeois en Allemagne pour assurer les soins à la population civile (Sicherstellung der ärztlichen Versorgung der Zivilbevölkerung) et à les remplacer par des plus jeunes –, le Dr. Lieber parvient à échapper à l’envoi en Allemagne et à rester en Alsace jusqu’à la Libération .


L’après-guerre : de témoin dans l’affaire judiciaire visant Otto Bickenbach à représentant de l’Ordre des médecins en Alsace

Aux lendemains de la guerre, Auguste Lieber reste en fonctions à l’hôpital civil. Cet Alsacien, qui a su conserver son poste à travers les changements de pouvoirs en Alsace, échappe aux mesures d’épuration du corps médical et poursuit sa carrière en polyclinique et en médecine interne. Premier témoin interrogé par le juge d’instruction dans l’enquête préliminaire visant les professeurs allemands de la Reichsuniversität Strassburg s’étant livrés à des expérimentations sur l’homme au camp de concentration de Natzweiler, Auguste Lieber enregistre à deux reprises une déposition, qui marque le départ de la procédure aboutissant, en 1952, à l’audience principale devant le tribunal militaire de Metz, pour juger les professeurs Otto Bickenbach et Eugen Haagen. Dans le même temps, Lieber multiplie les engagements professionnels, occupant diverses fonctions – de conseiller notamment – au sein du conseil de l’ordre des médecins et de ses diverses ramifications.


Un témoin au procès de Bickenbach : témoignages inédits

Après la Libération, la Reichsuniversität Strassburg et plus particulièrement sa faculté de médecine acquière une notoriété internationale par la découverte de ses liens avec des expérimentations humaines pratiquées par certains de ses professeurs, notamment au camp de concentration de Natzweiler sous le couvert du SS-Ahnenerbe. Très rapidement une enquête préliminaire est ouverte par la 16e brigade régionale de police judiciaire de Strasbourg sur des « crimes de guerre » commis par les professeurs August Hirt, Eugen Haagen, Otto Bickenbach et certains de leurs collaborateurs. Dans ce contexte, le Dr. Auguste Lieber est le tout premier témoin interrogé par le commissaire Charles Chavonnet, alors en charge de cette enquête préliminaire au début de l’année 1945. Lieber est auditionné le 10 mars 1945 et révèle déjà de précieux renseignements sur les activités de son ancien supérieur, mais aussi sur les relations entre la faculté de médecine nazie et les expérimentations humaines sur les déportés. En tant qu’assistant de Bickenbach à la polyclinique, la justice souhaite l’interroger sur les expériences et les empoisonnements au gaz phosgène dont Bickenbach s’est rendu coupable durant l’Occupation sur des déportés . Nous proposons ici de dévoiler certaines de ses déclarations :

« Il est exact que le Professeur, qui avait le grade de capitaine, se rendait très souvent au Struthof pour s'y livrer à des expériences. J'ignore cependant si celles-ci avaient lieu sur des détenus ; ce qui est certain, c'est que le Professeur était fréquemment appelé au téléphone de la polyclinique par des SS de ce camp et même du camp de Schirmeck. Ceci je peux l'affirmer, ayant plus d'une fois pris l'appareil en son absence lorsqu'il était ainsi demandé.

Enfin, le Professeur Bickenbach, qui ne faisait que de rares apparitions à la polyclinique – et encore pour ne s'occuper que de sa clientèle privée – a reçu à plusieurs reprises la visite du médecin général Brandt, médecin personnel du Führer. Tous deux partaient alors partez alors en automobile, mais je n'ai jamais pu savoir où ils se rendaient […].

Le Professeur Bickenbach, lorsqu'il se rendait au Struthof, était le plus souvent accompagné de [Helmut] Ruhl ; j'ai remarqué aussi que l'arrière de sa voiture (qu'il conduisait lui-même) était chaque fois chargé d'une bouteille peinte en rouge, d'environ 1m50 de longueur et 0m40 de diamètre. J'ai toujours pensé que cette bouteille devait renfermer un gaz. Bickenbach et ses assistants travaillaient aussi à des expériences au Fort Ney à la Robertsau [sic. Wantzenau].

[…] Je ne sais rien de précis quant à la nature exacte des travaux du Professeur. J'ignore également tout de son activité aux camps du Struthof et le Schirmeck […]. Le Professeur Bickenbach avait encore pour secrétaire Madame [Juliette] Heeger, toujours en activité à la polyclinique, et pour assistante de laboratoire (laborantine), une sœur de la Croix-Rouge allemande (D.R.K.), Schwester Erika Clotowsky » .

Quelques jours plus tard, le 16 mars, le commissaire Chavonnet adresse son rapport à son directeur, après avoir entendu trois premiers témoins, dont il reprend la substance des témoignages. Il est notamment précisé qu’Anne-Marie Buresch, née le 20 juin 1898, était la belle-sœur de Bickenbach et qu’elle « logeait chez lui, 13 rue Lamey » . Dans ses conclusions, Chavonnet indique que le témoignage de Lieber a été déterminant dans cette première phase d’enquête pour crimes de guerre : « d’après les témoignages, surtout celui du Dr. Lieber et [des] renseignements recueillis], il semble ne faire aucun doute que le professeur allemand Bickenbach […], s’est livré à des expériences sur des détenus politiques internés aux camps de Struthof et de Schirmeck » durant la guerre. Il apparaît alors que son « activité douteuse » puisse être « assimil[ée] à celle de son confrère et compatriote, le professeur Hirt […] qu’une précédente affaire de découverte de 86 cadavres de détenus a mis en cause et classé comme criminel de guerre (affaire traitée par notre service) ». Au sujet des visites du Dr. Brandt, le commissaire estime qu’il « venait très certainement apporter au professeur Bickenbach, dans le secret le plus absolu, les instructions de son maître [comprendre ici : Hitler], instructions dont on devine aisément la teneur quand on sait de quoi sont capables les Allemands en fait de monstruosités de toutes sortes », d’autant que pour les témoignages s’accordent à dire que « Bickenbach était un nazi à cent pour cent ». Enfin, quand bien même l’enquête n’avait pu permettre de déterminer, à ce stade, « comment ce professeur agissait avec les malheureux détenus qui lui étaient fournis par les SS », il conclut que « quoi qu’il en soit, il n’y a certes pas à hésiter, dès maintenant, à classer le professeur Bickenbach, et peut-être aussi Ruhl Helmut et Letz Fritz, dans la catégorie des criminels de guerre » .

Grâce au travail fourni par le commissaire Chavonnet et son équipe, l’affaire est transmise à la justice militaire. La procédure d’instruction militaire est officiellement ouverte le 19 avril 1945 et dure au total près de quatre ans, jusqu’au 1er avril 1949. Trois principaux juges d’instructions militaires prennent en charge le dossier : le commandant Raymond Jadin (1945-1947), le capitaine Margraff (1947) et le capitaine Josef Lorich (1947-1949) . Les premiers témoins auditionnés ayant révélé des éléments déterminants, Bickenbach est dès lors considéré comme un criminel de guerre. Là encore, le Dr. Auguste Lieber est l’un des premiers témoins convoqués par le juge d’instruction, Raymond Jadin (qui était encore capitaine), le 2 mai 1945, deux jours après que son confrère René Piffert ait été entendu. Le contenu de sa déposition est sensiblement la même que celle qu’il a faite trois mois plus tôt, mais il détaille certains points, comme les différentes activités de direction exercées par Bickenbach à la faculté de médecine de la Reichsuniversität Strassburg (clinique médicale C, polyclinique médicale, section biologie de l’institut de recherche). Auguste Lieber déclare « ignore[r] à quelles recherches il se livrait » à l’institut de recherche, d’autant que, selon lui, « ce service était tenu très secret » et que « médecins et assistants avaient prêté serment de ne rien dévoiler » .

Invité à dévoiler les noms de collaborateurs de Bickenbach, Auguste Lieber cite les noms de Heintz, Letz et Rühl et signale également qu’en sa qualité de doyen, le professeur Johannes Stein, « a dirigé tous les services de recherches » et qu’ainsi, Stein « ne doit pas ignorer l’activité à laquelle se livrait Bickenbach ». S’exprimant sur ses relations avec Bickenbach, les activités du professeur et son (éventuelle) connaissance des expérimentations réalisées au camp de concentration de Natzweiler-Struthof, Lieber dévoile des informations inédites :

« J’ai eu des rapports journaliers avec Bickenbach en tant que directeur de la clinique médicale [C]. Il ne m’a jamais dit qu’il se rendait au Struthof. Cependant, Letz et Rühl m’avaient déclaré qu’il y faisait de fréquents voyages. D'autre part, j'ai eu l’occasion de remplacer fréquemment Bickenbach pendant ses absences et j’ai reçu ainsi plusieurs communications téléphoniques émanant du camp du Struthof. J’ignore quelle a été la personne qui téléphonait du Struthof ; elle se contentait de dire lors de l’appel : "Sicherungslager Struthof" [sic.] (Camp de prévention du Struthof [sic.]). Lorsque je répondais que le professeur n’était pas là, on raccrochait l’appareil sans me charger de faire une communication quelconque au professeur » .

Il poursuit son témoignage en indiquant une grande certitude que « vers la fin 1944 », Bickenbach « se rendait tous les 8 à 15 jours au Struthof », rappelant au capitaine Jadin avoir vu une « bouteille en métal, de couleur rouge, genre bouteille à gaz carbonique, [qui] était accrochée sur [le] porte-bagage arrière » de sa voiture. À ce sujet, il ajoute qu’il « soupçonne, sans toutefois en avoir la preuve, que cette bouteille devait contenir des gaz asphyxiants, qui devaient service à faire des expériences dans le camp ». Il dévoile un élément nouveau en évoquant la demande faite – en sa présence – par Bickenbach à « une sœur allemande de son service avant son départ au Struthof, de lui procurer un masque Nicloux », précisant que ce genre de masque « sert d’habitude à faire inhaler de l’oxygène aux personnes à moitié asphyxiées » . De plus, un point culminant est atteint lors de l’interrogatoire lorsque le capitaine Jadin pose une question fondamentale à Lieber :

« Demande : En votre âme et conscience, êtes-vous convaincu que le professeur Bickenbach aurait tenté des expériences de gaz asphyxiants sur les internés du Struthof ?

Réponse : Je suis convaincu d'une seule chose, c'est que Bickenbach était parfaitement capable de tenter, sans aucun scrupule, des expériences de gaz asphyxiants sur les personnes internées au Struthof. C'était un nazi fanatique, le parti national-socialiste était pour lui et l'intérêt de ce parti devait primer toute question d'humanité. Je dois reconnaître pourtant qu'il était humain à l'égard des malades qu'il soignait » .

Si Lieber jure n’avoir jamais eu connaissance de la nature exacte des expérimentations réalisées par Bickenbach et ses adjoints, il précise toutefois qu’« une certaine fois, le professeur Bickenbach, qui était de nature très froid et réservé, m’a déclaré au cours d’une conversation que le Ministère de l’Air lui avait confié des recherches dans l’intérêt de la défense du Reich ». En réalité, Lieber indique à Jadin qu’il était parvenu lui-même à la conclusion que Bickenbach s’adonnait à des « expériences sur les gaz asphyxiants », une matière sur laquelle Lieber affirme n’avoir « aucune compétence » et précisant ne s’être rendu au camp de concentration de Natzweiler « à aucun moment ». Évoquant brièvement « une certaine rumeur » qui « courait, selon laquelle dans ce camp il se déroulait des choses mystérieuses », il déclare au juge qu’il avait entendu que des « expériences pratiquées sur les détenus, sans précisions sur ces expériences », ajoutant enfin que Bickenbach se rendait « souvent » au fort Ney et que « dans les derniers temps, il y couchait, toujours accompagné par Rühl », sans toutefois pouvoir avancer précisément ce qu’il y faisait .

Sur cette affaire, précisons enfin que le 20 décembre 1949, la chambre des mises en accusation de la Cour d’appel de Colmar, sise à Metz, renvoie les professeurs Haagen et Bickenbach devant le tribunal militaire permanent des forces armées de Metz afin d’être jugés pour leurs actes commis au camp de concentration de Natzweiler. Cela donne lui au « procès des médecins du Struthof », une procédure inédite, la première qui se tient en France sur ce camp de concentration. Malgré l’appel interjeté de la décision de la chambre des mises en accusation, le procès a lieu et se déroule du 16 au 24 décembre 1952. L’historien allemand Rainer Möhler souligne également qu’Auguste Lieber aurait été l’un des témoins de l’accusation au procès de Metz en 1952. Lieber aurait expliqué à la cour que Bickenbach faisait pression sur ses assistants alsaciens pour que ceux-ci adhèrent au parti nazi et se portent volontaires pour servir dans la Wehrmacht (comme lui d’ailleurs). Lieber aurait également décrit Otto Bickenbach comme un homme « arrogant et très froid » (hochfahrend und sehr kalt) . Finalement, la cour condamne Haagen et Bickenbach aux travaux forcés à perpétuité, mais après un pourvoi en cassation, l’affaire est portée devant le tribunal militaire de Lyon du 11 au 14 mai 1954, qui condamne Bickenbach a été condamné à vingt ans de travaux forcés (la peine est commuée en dix ans en 1955 et Bickenbach est libéré le 18 septembre de la même année) .


La reprise des activités médicales en Alsace française

Les sources concernant le parcours d’Auguste Lieber après la guerre sont très rares et éparses. Il ne fait en revanche aucun doute qu’il ait pu poursuivre ses activités au sein de la clinique médicale de l’hôpital civil de Strasbourg dès les lendemains de la Libération. Au moment de l’enregistrement de son premier procès-verbal d’interrogatoire dans l’affaire concernant Bickenbach le 10 mars 1945, Lieber, qui est domicilié au 26, avenue du Maréchal Foch, se présente comme étant médecin de « policlinique médicale à l’hôpital civil de Strasbourg », un poste qu’il occupait toujours quelques semaines plus tard, le 2 mai 1945, lorsqu’il était domicilié au 3, place Arnold à Strasbourg . Si l’on perd ensuite sa trace au sein de la faculté de médecine de Strasbourg, une courte notice biographique dans l’ouvrage Who’s who in France, Qui est qui en France de Jacques Lafitte de 1977 révèle de précieux renseignements. Resté en Alsace au sortir de la guerre, Auguste Lieber est présenté comme un « spécialiste des maladies internes » et étant reconnu comme tel depuis 1947, ce qui est sans doute un héritage de sa carrière effectuée quelques années plus tôt à la Reichsuniversität Strassburg et de son étroite collaboration avec le professeur et interniste allemand Otto Bickenbach. Par ailleurs, depuis les années 1960, après plus de vingt ans de carrière, Auguste Lieber cumule ses activités médicales et hospitalières avec des fonctions représentatives au sein de l’Ordre des médecins, garant de la déontologie, du respect de l’éthique et instance disciplinaire en cas de non-respect des codes médicaux, mais aussi institution indépendante qui accompagne les médecins, qui veille à la qualité des soins et qui conseille les pouvoirs publics. À partir de 1966, il devient conseiller départemental de l’Ordre des médecins du Bas-Rhin, avant d’être élu président du conseil de l’ordre des médecins du Bas-Rhin en 1970. Finalement, en 1973, il devient à la fois membre du conseil régional d’Alsace de discipline de l’ordre des médecins, mais également assesseur titulaire de la section des assurances sociales du conseil régional d’Alsace de l’ordre des médecins .


Vie de famille et décès

À l’âge de vingt-trois ans, trois jours à peine avant d’être mobilisé dans l’armée et de débuter son service militaire dans le corps médical, Auguste Lieber, qui demeure toujours dans sa ville natale, épouse une jeune fille de quatre ans son aînée, Berthe Élisabeth Dietrich. Née le 23 octobre 1910 à Strasbourg, Berthe est issue d’une famille catholique modeste. Son père, Josef Leo Dietrich était assistant-télégraphiste (Telegraphen-Assistent) au service postal impérial allemand (Reichspost), et sa mère, Barbara Goor, dite Berta, était mère au foyer. Le 16 octobre 1937, Auguste Lieber et Berthe Dietrich se marient à Strasbourg . Quelques années plus tard, le 27 juillet 1941, le couple donne naissance à un garçon, prénommé Robert Heinrich . La famille Lieber s’installe d’abord au Fritsche Closenerstraße 4 (jusqu’en 1942), puis emménage au Simonisstraße 16 (1942-1944) – qui porte en 1942 le nom de Zimmerlingstraße –, avant de déménager au 26, avenue du maréchal Foch (1944-1945) et finalement au 3, place Arnold à Strasbourg (à partir de 1945).

Pendant la guerre, Berthe Lieber, la femme d’Auguste, suit les traces de son père et obtient un poste d’« assistante postière » (Postassistentin) à la Reichspost réintroduite en Alsace avec l’annexion. Affectée au central téléphonique de Strasbourg (Fernsprechamt), elle avait fait l’objet, comme son mari, d’une procédure d’évaluation politique pour vérifier son aptitude à intégrer la fonction publique allemande et obtenir le statut de fonctionnaire des postes comme « dame téléphoniste ». Le rapport d’évaluation politique, complété le 12 novembre 1940, donc antérieur à celui d’Auguste, s’avère extrêmement positif et favorable. Le Kreisleiter Bickler, le Kreispersonalamtsleiter Peter et le Kreisamtsleiter Amt für Beamte Ganz mettent en effet en avant le fait qu’aucun service national-socialiste « n’avait émis d’objections à son emploi dans le service de la Reichspost allemande ». Concernant ses qualités humaines et ses traits de caractère, Berthe avait été décrite comme étant sûre d’elle (selbstbewusst), serviable (hilfsbereit) et habile (gewandt). Pour son attitude politique (weltanschauliche Haltung), elle était perçue comme étant prête à servir la cause nazie (einsatzbereit) et d’un point de vue intellectuel, elle possédait une compétence « pratique » dans son domaine (praktisch). Sur sa position vis-à-vis de la germanité, le rapport précise qu’elle était considérée jusque-là comme « irréprochable » (einwandfrei), ce qui laissait à penser qu’« après un certain temps, ce[tte] fonctionnaire se reconnaîtrait dans la germanité et le national-socialisme », d’autant que « sa sympathie et celle de sa famille » étaient désormais tournées vers l’Allemagne. Enfin, on remarquera que son « apparence générale (allgemeines Ansehen) auprès de la population et des fonctionnaires de son administration » était « bonne », quand bien même elle s’était montrée quelque peu indifférente (gleichgültig) face à la situation politique . Si Berthe a de toute évidence été intégrée dans la fonction publique allemande et qu’elle a pu continuer de travailler comme téléphoniste, elle fait une demande au printemps 1941 pour cesser momentanément son activité professionnelle. En effet, certainement dans le cadre de sa grossesse et de la naissance prochaine de son fils (qui naît fin juillet 1941), Berthe demande un congé sans solde le 1er mai 1941 pour une durée indéterminée (auf eigenen Antrag ohne Bezüge beurlaubt) .

Auguste Lieber, qui s’était visiblement installé dans le Haut-Rhin au moment de sa retraite, s’éteint à Colmar le 25 mars 1987 à près de soixante-treize ans .


Repères

Localisations

Nationalités

Confessions

Publications

  • LIEBER Auguste-Henri, États paranoïdes après commotion cérébrale, thèse de doctorat de médecine, Université de Strasbourg, n°5, 1939.

Relations

Collègue de

Liens à institutions

Université de Strasbourg, UdS, 1918-1939

1914-05-24T00:00:00Z
Vie privée
Naissance
1987-03-23T00:00:00Z
Vie privée
Décès
1939-01-01T00:00:00Z
Vie privée
Thèse
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Références

  • ADBR, 1558 W 563, dossier n°43289 (Auguste et Berthe Lieber).
  • ADBR, 1558 W 677, dossier n°60991 (Raymond Koessler).
  • ADBR, 4E482/579, État civil de Strasbourg, Acte de naissance de B. Dietrich, Acte n°3514/1910.
  • ADBR, 4E482/860, État civil de Strasbourg, Table des naissances (1913-1922), Acte n°1708/1914.
  • ADBR, 4E482/861, État civil de Strasbourg, Table des mariages (1913-1922), Acte n°1836/1913.
  • ADBR, 4E482/1123, État civil de Strasbourg, Table de naissances (1933-1942), Acte n°2136/1941.
  • ADBR, 126 AL 37, dossier n°1, documents administratifs.
  • ADBR, 126 AL 37, dossier n°4, Liste du personnel médical de l’hôpital civil (1941-1943).
  • ADBR, 126 AL 114, dossier n°10, Liste du personnel médical de l’hôpital civil (1940-1941).
  • AHUS (Association des hôpitaux universitaires de Strasbourg), Dossiers médicaux de la clinique médicale.
  • AVES, 7 AH 14, Liste du personnel médical de l’hôpital civil (1940-1941).
  • AVES, 7 AH 15 Liste du personnel médical de l’hôpital civil (1941-1944).
  • BArch, R 76/IV 27, Annuaire du personnel de la Reichsuniversität Strassburg repliée à Tübingen, 26 mars 1945 DCAJMB, Affaire « Struthof Médical », Dossier n°1.
  • Journal officiel de la République française. Lois et décrets. Arrêtés, circulaires, avis, communications, informations et annonces, 72e année, n°122, 16 mai 1940, p. 3622-3624. Disponible sur Gallica via https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96140973/f12.item, [en ligne], consulté le 30 mars 2021.
  • Généafrance.fr, Fiche « Généafrance » d’Auguste Lieber.
  • New York Academy of Medicine Collection of International Medical Theses, Box 17:19:11, Strasbourg, France (H00514658T), Thèse de doctorat d’Auguste Lieber. Disponible via http://archives.hsl.unc.edu/nyamtheses/nyamcovers/H00514658T.pdf, [en ligne], consulté le 30 mars 2021.
  • « Verordnung über die klinischen Anstalten der Universität Straßburg vom 31. März 1941 », in Verordnungsblatt des Chefs der Zivilverwaltung im Elsass, n°12, 4 avril 1941, p. 242
  • Reichsuniversität Strassburg, Personal- und Vorlesungsverzeichnis, Winter-Semester 1941-1942, Strasbourg, P. Heitz & Co., 1941.
  • Reichsuniversität Strassburg, Personal- und Vorlesungsverzeichnis, Sommer-Semester 1942, Strasbourg, P. Heitz & Co., 1942.
  • Reichsuniversität Strassburg, Personal- und Vorlesungsverzeichnis, Sommer-Semester 1943, Strasbourg, P. Heitz & Co., 1943.
  • Reichsuniversität Strassburg, Personal- und Vorlesungsverzeichnis, Winter-Semester 1943-1944, Strasbourg, P. Heitz & Co., 1943.
  • Reichsuniversität Strassburg, Personal- und Vorlesungsverzeichnis, Sommer-Semester 1944, Strasbourg, P. Heitz & Co., 1944.
  • Reichsuniversität Strassburg, Personal- und Vorlesungsverzeichnis, Winter-Semester 1944-1945, Strasbourg, P. Heitz & Co., 1944.
  • BONAH Christian, SCHMALTZ Florian, « Eugen Haagen and his court hearings from the Nuremberg Medical Trial (1946-47) to the Struthof Medical Trials (1952-54) », in Paul Weindling (éd.), From Clinic to Concentration Camp. Reassessing Nazi Medical and Racial Research, 1933-1945, Londres, New-York, Routledge, 2017 (coll. « The History of Medicine in Context », Andrew Cunningham, Ole Peter Grell (éds.)), p. 290-315.
  • CHATELUS Didier, Certificats d’aptitudes aux grades universitaires (1810-1905), Professions de santé (médecins, officiers de santé, chirurgiens-dentistes, pharmaciens), Répertoire numérique des articles F/17/6084 à F/17/6570, Archives nationales, dossier réalisé sous la direction d’Anne Lejeune, 1993, p. 2-3 . Disponible via : http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/pdf/sm/F17%206084-6570.pdf, [en ligne], consulté le 26 janvier 2021.
  • DELANEAU Jean, Avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi adopté par l’Assemblée Nationale après déclaration d’urgence, portant diverses mesures d’ordre social, présenté par M. Jean Delaneau, Sénateur, Sénat, Seconde session ordinaire de 1986-1987, Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juin 1987, n°298, p. 5-8. On renvoie ici à la première partie (les dispositions relatives aux études médicales) et plus précisément à la section I (rappel historique) et au titre I (l’organisation des études médicales avant la réforme de 1958). Disponible en ligne sur le site du Sénat via : https://www.senat.fr/rap/1986-1987/i1986_1987_0298.pdf, [en ligne], consulté le 26 janvier 2021.
  • GRANDHOMME Jean-Noël, « La "mise au pas" (Gleichschaltung) de l’Alsace-Moselle en 1940-1942 », Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, n°46-2, 2014, p. 443-465.
  • KAMMERER Théophile, SINGER Léonard, « La clinique psychiatrique de Pfersdorff », in Jacques Héran (dir.), Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 537.
  • KAMMERER Théophile, SINGER Léonard, « Charles Pfersdorff (1875-1953) ou la double culture d’un universitaire alsacien », in Jacques Héran (dir.), Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 538.
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  • MÖHLER Rainer, Die Reichsuniversität Strassburg. 1940-1944. Eine nationalsozialistische Musteruniversität zwischen Wissenschaft, Volkstumspolitik und Verbrechen, thèse d’habilitation, Sarrebruck, Université de la Sarre, 2019.
  • ROHMER Francis, « La Faculté se replie à Clermont-Ferrand, l’Hôpital à Clairvivre », in Jacques Héran (dir.), Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 572-582.
  • SCHMALTZ Florian, « Otto Bickenbach et la recherche biomédicale sur les gaz de combat à la Reichsuniversität Strassburg et au camp de concentration du Struthof-Natzweiler », in Christian Bonah, Anne Danion-Grilliat, Josiane Olff-Nathan, Norbert Schappacher (dir.), Nazisme, science et médecine, Paris, Glyphee, 2006, p. 141-165.
  • STEEGMANN Robert, Struthof. Le KL-Natzweiler et ses kommandos : une nébuleuse concentrationnaire des deux côtés du Rhin, 1941-1945, Strasbourg, La Nuée Bleue, 2005.
  • United States Army, Army Medical Library, Index-Catalogue of the Library of the Surgeon General’s Office, Autors and Subjects, Fourth Series, vol. IX (K-Lyxose), Washinghton, United States Government Printing Office, 1945, p. 875. Disponible sur Google Livres via https://books.google.fr/books?id=PDoiAQAAMAAJ&pg, [en ligne], consulté le 5 avril 2021.
  • WECHSLER Patrick, La Faculté de médicine de la « Reichsuniversität Strassburg » (1941-1945) à l'heure nationale-socialiste, thèse de doctorat de médecine, Strasbourg, Université Louis Pasteur, 1991, p. 62-63 et 101-102.