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Différences entre les versions de « René Casagrande »

De Commission Historique
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|Deces=05101944
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|Contexte_fr===Origines==
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René Dominique Casagrande est né le 29 mars 1924 à Schiltigheim dans le Bas-Rhin. Il est issu d’une famille catholique. Son père, Dominique Casagrande, est un maçon italien originaire de Belluno dans la province de Vénétie<ref name="f95248cabc7ea6aa90ac685a52a9d22ad4b44515">État civil de Schiltigheim, Acte de naissance de René Dominique Casagrande, n°44/1924. Merci à Recai SAHIN, officier d’état civil, pour son aide et la communication de l’acte. Concernant la graphie exacte du patronyme de Casagrande, nous privilégions ici celle présente sur son acte de naissance. Par la suite, on trouve plusieurs façons d’écrire ce nom, comme Cassagranda, Kassagranda (par les nazis), Kasagranna et Casagrama (après-guerre). De même, le prénom est germanisé ou francisé selon les périodes : René, Renatus et Renaud sont les graphies utilisées respectivement avant, pendant et après la guerre..</ref>. Le 17 décembre 1921, il épouse à Strasbourg la fille d’un journalier strasbourgeois, Marie Anne Kampeiz, née le 14 juin 1892 et décédée le 18 juin 1956 dans la capitale alsacienne<ref name="b0acdba9823d15518a15def6ccb3fbe006a9167f">ADBR, État civil de Strasbourg, 4E482/233, Acte de naissance de Marie Anne Kampeiz, n°1779/1892. Voir également, ADBR, État civil de Strasbourg, 4E482/861, Table des mariages, 1913-1922, p. 88 et 294 (acte n°1901/1921)..</ref>. Après leur mariage, Dominique et Marie Anne s’installent à Schiltigheim, au 9 rue du barrage, et donnent naissance à plusieurs enfants<ref name="a703281bd615d02ab3abce6a108114f84b968a76">État civil de Schiltigheim, Acte de naissance de René Dominique Casagrande, n°44/1924. Voir également ADBR, État civil de Schiltigheim, 4E900/50 et 4E900/68, Tables des naissances..</ref>. René Casagrande grandit dans la région strasbourgeoise dans l’entre-deux-guerres et n’a que seize ans lorsque l’Alsace est annexée au territoire de l’Allemagne nazie.
René Dominique Casagrande est né le 29 mars 1924 à Schiltigheim dans le Bas-Rhin. Il est issu d’une famille catholique. Son père, Dominique Casagrande, est un maçon italien originaire de Belluno dans la province de Vénétie<ref name="f95248cabc7ea6aa90ac685a52a9d22ad4b44515">État civil de Schiltigheim, Acte de naissance de René Dominique Casagrande, n°44/1924. Merci à Recai SAHIN, officier d’état civil, pour son aide et la communication de l’acte. Concernant la graphie exacte du patronyme de Casagrande, nous privilégions ici celle présente sur son acte de naissance. Par la suite, on trouve plusieurs façons d’écrire ce nom, comme Cassagranda, Kassagranda (par les nazis), Kasagranna et Casagrama (après-guerre). De même, le prénom est germanisé ou francisé selon les périodes : René, Renatus et Renaud sont les graphies utilisées respectivement avant, pendant et après la guerre.</ref>. Le 17 décembre 1921, il épouse à Strasbourg la fille d’un journalier strasbourgeois, Marie Anne Kampeiz, née le 14 juin 1892 et décédée le 18 juin 1956 dans la capitale alsacienne<ref name="b0acdba9823d15518a15def6ccb3fbe006a9167f">ADBR, État civil de Strasbourg, 4E482/233, Acte de naissance de Marie Anne Kampeiz, n°1779/1892. Voir également, ADBR, État civil de Strasbourg, 4E482/861, Table des mariages, 1913-1922, p. 88 et 294 (acte n°1901/1921).</ref>. Après leur mariage, Dominique et Marie Anne s’installent à Schiltigheim, au 9 rue du barrage, et donnent naissance à plusieurs enfants<ref name="a703281bd615d02ab3abce6a108114f84b968a76">État civil de Schiltigheim, Acte de naissance de René Dominique Casagrande, n°44/1924. Voir également ADBR, État civil de Schiltigheim, 4E900/50 et 4E900/68, Tables des naissances.</ref>. René Casagrande grandit dans la région strasbourgeoise dans l’entre-deux-guerres et n’a que seize ans lorsque l’Alsace est annexée au territoire de l’Allemagne nazie.


==De l’arrestation aux camps de concentration==
==De l’arrestation aux camps de concentration==
Au début de l’année 1941, alors qu’il vit au 24 rue principale à Schiltigheim, René Casagrande est arrêté par deux Allemands, l’un en civil, l’autre en uniforme, vraisemblablement pour raisons politiques. Dans un premier temps, il est incarcéré pendant trois semaines dans les locaux de la Gestapo, situés dans la rue Sellenick à Strasbourg, avant d’être envoyé au Sicherungslager de Schirmeck-Vorbruck jusqu’en mars 1942. René est ensuite libéré pour être affecté au Reichsarbeitsdienst et envoyé en Allemagne. Mais quelques jours plus tard, après avoir refusé de servir l’Allemagne nazie, René est à nouveau envoyé au camp de Vorbruck<ref name="0549735881f06e93212a2156f9a75fedc5d242dc">ADBR, 150 AL 37, dossier 2399, Procès-verbal d’audition de Marie Anne Casagrande, 4 juin 1946..</ref>. Le 3 février 1943, il est déporté avec un autre détenu au camp de concentration de Natzweiler, situé à quelques kilomètres de distance dans les hauteurs de la vallée de la Bruche<ref name="7a96dc9724b8d8f1db152fe84cd07ba8f6fc1e99">ITS Digital Archive, Arolsen Archives, 1.1.40.1/8159901, Verschubungsliste, 3 février 1943, doc. 4396403..</ref>. Lors de son admission au camp, il reçoit le triangle rouge des prisonniers politiques et le numéro de matricule 2652<ref name="3c09a22dce6f7bd173397d8545bf9fd5d24e7b25">ITS Digital Archive, Arolsen Archives, 1.1.29.1/8123400, Nummernbuch I, doc. 3128914..</ref>.
 
Au début de l’année 1941, alors qu’il vit au 24 rue principale à Schiltigheim, René Casagrande est arrêté par deux Allemands, l’un en civil, l’autre en uniforme, vraisemblablement pour raisons politiques. Dans un premier temps, il est incarcéré pendant trois semaines dans les locaux de la Gestapo, situés dans la rue Sellenick à Strasbourg, avant d’être envoyé au Sicherungslager de Schirmeck-Vorbruck jusqu’en mars 1942. René est ensuite libéré pour être affecté au Reichsarbeitsdienst et envoyé en Allemagne. Mais quelques jours plus tard, après avoir refusé de servir l’Allemagne nazie, René est à nouveau envoyé au camp de Vorbruck<ref name="0549735881f06e93212a2156f9a75fedc5d242dc">ADBR, 150 AL 37, dossier 2399, Procès-verbal d’audition de Marie Anne Casagrande, 4 juin 1946.</ref>. Le 3 février 1943, il est déporté avec un autre détenu au camp de concentration de Natzweiler, situé à quelques kilomètres de distance dans les hauteurs de la vallée de la Bruche<ref name="7a96dc9724b8d8f1db152fe84cd07ba8f6fc1e99">ITS Digital Archive, Arolsen Archives, 1.1.40.1/8159901, Verschubungsliste, 3 février 1943, doc. 4396403.</ref>. Lors de son admission au camp, il reçoit le triangle rouge des prisonniers politiques et le numéro de matricule 2652<ref name="3c09a22dce6f7bd173397d8545bf9fd5d24e7b25">ITS Digital Archive, Arolsen Archives, 1.1.29.1/8123400, Nummernbuch I, doc. 3128914.</ref>.
 
==Le traitement à la clinique ophtalmologique==
 
Plus de sept mois après son arrivée à Natzweiler, René Casagrande bénéficie d’un traitement particulièrement rare et inhabituel dans les camps. En effet, le 20 octobre 1943, le médecin-chef SS, le Dr Richard Krieger, sollicite auprès du commandant du camp, Josef Kramer, l’autorisation de transférer trois détenus du camp à la clinique ophtalmologique de la Reichsuniversität Straßburg, pour un traitement en ambulatoire. Pour chacun de ces trois déportés – en l’occurrence R. Casagrande, H. Debortoli et M. Mahler –, il s’agit très précisément d’adapter une prothèse oculaire (Anpassung eines Glasauges). Le Dr Krieger demande également qu’une date soit fixée pour le transfert à la clinique et que le service automobile du camp soit averti en conséquence<ref name="c3a8ffbc5c10aa07a49027a725beaf9b5a73c457">ITS Digital Archive, Arolsen Archives, 1.1.29.1/01012901, Lettre du Dr Krieger au commandant Kramer au sujet de l’hospitalisation en ambulatoire de trois détenus à la clinique ophtalmologique de Strasbourg, 20 octobre 1943, doc. 3132617.</ref>.
 
Sur ce même courrier que lui avait adressé le Dr Krieger, le commandant Kramer, donne son accord le jour même et ajoute, au crayon à papier de couleur rouge, les mots suivants : « à discuter avec la clinique. Réalisable à partir de vendredi 22 octobre 1943 à 11 heures »<ref name="c3a8ffbc5c10aa07a49027a725beaf9b5a73c457">ITS Digital Archive, Arolsen Archives, 1.1.29.1/01012901, Lettre du Dr Krieger au commandant Kramer au sujet de l’hospitalisation en ambulatoire de trois détenus à la clinique ophtalmologique de Strasbourg, 20 octobre 1943, doc. 3132617.</ref>. Deux jours plus tard, le Dr Krieger rédige un courrier à l’attention de ses confrères de l’hôpital afin de les prévenir de l’arrivée ce jour-là des trois détenus en question : il s’agit en réalité de l’ordonnance d’hospitalisation<ref name="3cd3c358c1361c3a2b7575e154a97ac3656eb340">ITS Digital Archive, Arolsen Archives, 1.1.29.1/01012901, Ordonnance d’hospitalisation de R. Casagrande, H. Debortoli et M. Mahler, 22 octobre 1943, doc. 3132618.</ref>. René Casagrande et ses codétenus sont alors admis à la clinique ophtalmologique en ambulatoire, comme le précise le rapport trimestriel sur la situation sanitaire au camp<ref name="333694cff89ab4b799555409aafb5c24623471a8">DCAJMB, Procédure « Struthof Camp », Annexe G, Vierteljahresbericht über den San-Dienst im KL Natzweiler, 16 décembre 1943.</ref>.
 
==Des camps annexes du KL-Natzweiler à la mort==
 
Reconnu à nouveau apte au travail par le médecin du camp, René Casagrande est par la suite affecté dans plusieurs camps annexes de la nébuleuse du KL-Natzweiler. Il transite notamment par plusieurs camps et kommandos appartenant à l’« Unternehmen Wüste » (Entreprise « Désert »)<ref name="ddce5f0e9b0c062f181a4daf72251502d5da2134">Au sujet de l’« Unternehmen Wüste », voir en particulier : Robert STEEGMANN, Struthof. Le KL-Natzweiler et ses kommandos: une nébuleuse concentrationnaire des deux côtés du Rhin (1941-1945), Strasbourg, La Nuée Bleue, 2005 ; Christine GLAUNING, Entgrenzung und KZ-System. Das Unternehmen „Wüste“ und das Konzentrations- lager Bisingen 1944/45, Berlin, Metropol, 2006; Michael GRANDT, Unternehmen « Wüste ». Hitlers letzte Hoffnung. Das NS-Ölschieferprogramm auf der Schwäbischen Alb, Tübingen : Silberburg, 2002; INITIATIVE GEDENKSTÄTTE ECKERWALD, Gedenkpfad Eckerwald. Das südwürttembergische Schieferöl- projekt und seine sieben Konzentrationslager. Das Lager Schörzingen und sein Aussenkommando Zepfen- han, Rottweil, Initiative Gedenkstätte Eckerwald, 2011 et Andreas ZEKORN, « Das Unternehmen "Wüste" », in Zollernalbkreis Jugendring e.V (éd.), Verblendung, Mord und Widerstand, Hechingen, 1995.</ref>. Il s’agit un complexe de sept camps, situés le long de la voie ferrée de Rottweil à Tübingen, depuis lesquels les détenus servaient de main-d’œuvre pour l’exploiter des gisements de schistes bitumineux dans les sous-sols du Jura souabe afin de produire de carburant pour l’armée allemande.
 
René Casagrande passe tout d’abord par le camp de Frommern, puis transite par celui Dautmergen avant d’être affecté au camp de Schörzingen. C’est précisément dans ce dernier camp qu’il est abattu au cours d’une « tentative d’évasion » (auf der Flucht erschossen) le 5 octobre 1944. Il avait vingt ans<ref name="f84d8098662dba9815bfe681b230c4f48765da76">Voir ITS Digital Archive, Arolsen Archives, 2.3.3.3, doc. 78107179. L’information concernant son décès au cours d’une prétendue tentative d’évasion à Schörzingen est également confirmée dans le registre matriculaire du KL Natzweiler : voir ITS Digital Archive, Arolsen Archives, Arolsen, 1.1.29.1/8123400, Nummernbuch I, doc. 3128914. La date inscrite est ici le 6 octobre, mais correspond vraisemblablement à la date de l’enregistrement officiel du décès. Voir enfin Initiative Gedenkstätte Eckerwald e.V. et Landratsamt Zollernalbkreis (dir.), Totengedenkbuch des Konzentrationslagers Schörzingen, Rottweil, Balingen, 2017.</ref>. D’après une enquête réalisée après-guerre par le service de recherches français des crimes de guerre ennemis, les policiers concluent « qu’il semble bien », dans le cas de la mort de René Casagrande, qu’il « s’agi[sse] d’une exécution sommaire […] » <ref name="eb3d0e72148bd89b67b4ea9f72b9b281371a7b19">ADBR, 150 AL 37, dossier 2399, Rapport du délégué régional du service de recherche des crimes de guerre ennemis à Monsieur le directeur du service de recherche des crimes de guerre ennemis à Paris, 24 juillet 1946.</ref>. Pour l’enquête, la mère de René avait été appelée à témoigner, précisant qu’elle n’avait « jamais eu connaissance des motifs de [l’]arrestation » de son fils et que ce n’est que le 18 novembre 1944 qu’elle a été « avisé[e] par le commandant du camp de Dachau par lettre en date du 7 novembre 1944 que [s]on fils était décédé à la suite d’une hémorragie occasionnée par une blessure par balle »<ref name="3ed1c6f71b31af6ac2870b0e857dd37bec92980b">ADBR, 150 AL 37, dossier 2399, Procès-verbal d’audition de Marie Anne Casagrande, 4 juin 1946.</ref>.
 
Le corps de René Casagrande est vraisemblablement incinéré dans un crématorium municipal situé à proximité du camp de Schörzingen<ref name="ef5c25a18517a8ae90b4421d60ee9c6b585975d8">Voir Robert STEEGMANN, Struthof. Le KL-Natzweiler et ses kommandos: une nébuleuse concentrationnaire des deux côtés du Rhin, 1941-1945, Strasbourg, La Nuée Bleue, 2005, p. 186.</ref> et l’urne contenant ses cendres est probablement est inhumée au cimetière de Schwenningen dans le Wurtemberg. Le 30 avril 1949, elle est exhumée et apparemment transférée au cimetière de Hagenau en Alsace<ref name="0ced5563f15d1fa7c6836e181dc01fa9c53e3d2d">ITS Digital Archive, Arolsen Archives, 2.3.3.3, doc. 78107179. Malgré les recherches de Céline ERTZ-BONELLI de l’état civil de Hagenau, on ne trouve aucune trace de René Casagrande dans les fiches d’inhumation au cimetière d’Haguenau. Nous supposons que les actes n’étaient pas forcément bien répertoriés.</ref>.
 
Loïc Lutz, avril 2022.
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Version du 15 avril 2022 à 16:10


René Casagrande
Prénom René
Nom Casagrande
Sexe masculin
Naissance 29 mars 1924 (Schiltigheim)
Décès 5 octobre 1944 (KL-Natzweiler (Schörzingen))
Profession du père Maçon


René Casagrande (1924-1944) est un détenu alsacien du camp de concentration de Natzweiler. Arrêté pour des raisons politiques en 1941, il passe par la prison de la Gestapo de Strasbourg avant d’être interné au camp de rééducation de Schirmeck-Vorbruck à deux reprises, notamment pour avoir refusé de servir au RAD. Il est finalement déporté au camp de concentration Natzweiler en février 1943, étant d’abord détenu au camp-souche.

Sur ordre du médecin SS, René Casagrande est envoyé à la clinique ophtalmologique de la Reichsuniversität Straßburg avec deux autres codétenus en octobre 1943. Le motif du transfert : « Ajustement d’une prothèse oculaire ». Il est l’un des exemples illustrant les liens inhabituels entre le camp et les cliniques universitaires de Strasbourg pendant la guerre ; mais ce « traitement de faveur » n’a été que de courte durée, puisqu’il est à nouveau reconnu apte au travail, puis affecté dans les camps annexes de Natzweiler en 1944. Finalement, il est abattu « en tentative d’évasion » en octobre 1944 au camp de Schörzingen dans le Jura souabe. Il avait vingt ans.

Biographie

Origines

René Dominique Casagrande est né le 29 mars 1924 à Schiltigheim dans le Bas-Rhin. Il est issu d’une famille catholique. Son père, Dominique Casagrande, est un maçon italien originaire de Belluno dans la province de Vénétie[1]. Le 17 décembre 1921, il épouse à Strasbourg la fille d’un journalier strasbourgeois, Marie Anne Kampeiz, née le 14 juin 1892 et décédée le 18 juin 1956 dans la capitale alsacienne[2]. Après leur mariage, Dominique et Marie Anne s’installent à Schiltigheim, au 9 rue du barrage, et donnent naissance à plusieurs enfants[3]. René Casagrande grandit dans la région strasbourgeoise dans l’entre-deux-guerres et n’a que seize ans lorsque l’Alsace est annexée au territoire de l’Allemagne nazie.

De l’arrestation aux camps de concentration

Au début de l’année 1941, alors qu’il vit au 24 rue principale à Schiltigheim, René Casagrande est arrêté par deux Allemands, l’un en civil, l’autre en uniforme, vraisemblablement pour raisons politiques. Dans un premier temps, il est incarcéré pendant trois semaines dans les locaux de la Gestapo, situés dans la rue Sellenick à Strasbourg, avant d’être envoyé au Sicherungslager de Schirmeck-Vorbruck jusqu’en mars 1942. René est ensuite libéré pour être affecté au Reichsarbeitsdienst et envoyé en Allemagne. Mais quelques jours plus tard, après avoir refusé de servir l’Allemagne nazie, René est à nouveau envoyé au camp de Vorbruck[4]. Le 3 février 1943, il est déporté avec un autre détenu au camp de concentration de Natzweiler, situé à quelques kilomètres de distance dans les hauteurs de la vallée de la Bruche[5]. Lors de son admission au camp, il reçoit le triangle rouge des prisonniers politiques et le numéro de matricule 2652[6].

Le traitement à la clinique ophtalmologique

Plus de sept mois après son arrivée à Natzweiler, René Casagrande bénéficie d’un traitement particulièrement rare et inhabituel dans les camps. En effet, le 20 octobre 1943, le médecin-chef SS, le Dr Richard Krieger, sollicite auprès du commandant du camp, Josef Kramer, l’autorisation de transférer trois détenus du camp à la clinique ophtalmologique de la Reichsuniversität Straßburg, pour un traitement en ambulatoire. Pour chacun de ces trois déportés – en l’occurrence R. Casagrande, H. Debortoli et M. Mahler –, il s’agit très précisément d’adapter une prothèse oculaire (Anpassung eines Glasauges). Le Dr Krieger demande également qu’une date soit fixée pour le transfert à la clinique et que le service automobile du camp soit averti en conséquence[7].

Sur ce même courrier que lui avait adressé le Dr Krieger, le commandant Kramer, donne son accord le jour même et ajoute, au crayon à papier de couleur rouge, les mots suivants : « à discuter avec la clinique. Réalisable à partir de vendredi 22 octobre 1943 à 11 heures »[7]. Deux jours plus tard, le Dr Krieger rédige un courrier à l’attention de ses confrères de l’hôpital afin de les prévenir de l’arrivée ce jour-là des trois détenus en question : il s’agit en réalité de l’ordonnance d’hospitalisation[8]. René Casagrande et ses codétenus sont alors admis à la clinique ophtalmologique en ambulatoire, comme le précise le rapport trimestriel sur la situation sanitaire au camp[9].

Des camps annexes du KL-Natzweiler à la mort

Reconnu à nouveau apte au travail par le médecin du camp, René Casagrande est par la suite affecté dans plusieurs camps annexes de la nébuleuse du KL-Natzweiler. Il transite notamment par plusieurs camps et kommandos appartenant à l’« Unternehmen Wüste » (Entreprise « Désert »)[10]. Il s’agit un complexe de sept camps, situés le long de la voie ferrée de Rottweil à Tübingen, depuis lesquels les détenus servaient de main-d’œuvre pour l’exploiter des gisements de schistes bitumineux dans les sous-sols du Jura souabe afin de produire de carburant pour l’armée allemande.

René Casagrande passe tout d’abord par le camp de Frommern, puis transite par celui Dautmergen avant d’être affecté au camp de Schörzingen. C’est précisément dans ce dernier camp qu’il est abattu au cours d’une « tentative d’évasion » (auf der Flucht erschossen) le 5 octobre 1944. Il avait vingt ans[11]. D’après une enquête réalisée après-guerre par le service de recherches français des crimes de guerre ennemis, les policiers concluent « qu’il semble bien », dans le cas de la mort de René Casagrande, qu’il « s’agi[sse] d’une exécution sommaire […] » [12]. Pour l’enquête, la mère de René avait été appelée à témoigner, précisant qu’elle n’avait « jamais eu connaissance des motifs de [l’]arrestation » de son fils et que ce n’est que le 18 novembre 1944 qu’elle a été « avisé[e] par le commandant du camp de Dachau par lettre en date du 7 novembre 1944 que [s]on fils était décédé à la suite d’une hémorragie occasionnée par une blessure par balle »[13].

Le corps de René Casagrande est vraisemblablement incinéré dans un crématorium municipal situé à proximité du camp de Schörzingen[14] et l’urne contenant ses cendres est probablement est inhumée au cimetière de Schwenningen dans le Wurtemberg. Le 30 avril 1949, elle est exhumée et apparemment transférée au cimetière de Hagenau en Alsace[15].

Loïc Lutz, avril 2022.


Repères

Localisations

Nationalités

Confessions

Publications

1924-03-29T00:00:00Z
Vie privée
Naissance
1944-10-05T00:00:00Z
Vie privée
Décès
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Références



  1. État civil de Schiltigheim, Acte de naissance de René Dominique Casagrande, n°44/1924. Merci à Recai SAHIN, officier d’état civil, pour son aide et la communication de l’acte. Concernant la graphie exacte du patronyme de Casagrande, nous privilégions ici celle présente sur son acte de naissance. Par la suite, on trouve plusieurs façons d’écrire ce nom, comme Cassagranda, Kassagranda (par les nazis), Kasagranna et Casagrama (après-guerre). De même, le prénom est germanisé ou francisé selon les périodes : René, Renatus et Renaud sont les graphies utilisées respectivement avant, pendant et après la guerre.
  2. ADBR, État civil de Strasbourg, 4E482/233, Acte de naissance de Marie Anne Kampeiz, n°1779/1892. Voir également, ADBR, État civil de Strasbourg, 4E482/861, Table des mariages, 1913-1922, p. 88 et 294 (acte n°1901/1921).
  3. État civil de Schiltigheim, Acte de naissance de René Dominique Casagrande, n°44/1924. Voir également ADBR, État civil de Schiltigheim, 4E900/50 et 4E900/68, Tables des naissances.
  4. ADBR, 150 AL 37, dossier 2399, Procès-verbal d’audition de Marie Anne Casagrande, 4 juin 1946.
  5. ITS Digital Archive, Arolsen Archives, 1.1.40.1/8159901, Verschubungsliste, 3 février 1943, doc. 4396403.
  6. ITS Digital Archive, Arolsen Archives, 1.1.29.1/8123400, Nummernbuch I, doc. 3128914.
  7. 7,0 et 7,1 ITS Digital Archive, Arolsen Archives, 1.1.29.1/01012901, Lettre du Dr Krieger au commandant Kramer au sujet de l’hospitalisation en ambulatoire de trois détenus à la clinique ophtalmologique de Strasbourg, 20 octobre 1943, doc. 3132617.
  8. ITS Digital Archive, Arolsen Archives, 1.1.29.1/01012901, Ordonnance d’hospitalisation de R. Casagrande, H. Debortoli et M. Mahler, 22 octobre 1943, doc. 3132618.
  9. DCAJMB, Procédure « Struthof Camp », Annexe G, Vierteljahresbericht über den San-Dienst im KL Natzweiler, 16 décembre 1943.
  10. Au sujet de l’« Unternehmen Wüste », voir en particulier : Robert STEEGMANN, Struthof. Le KL-Natzweiler et ses kommandos: une nébuleuse concentrationnaire des deux côtés du Rhin (1941-1945), Strasbourg, La Nuée Bleue, 2005 ; Christine GLAUNING, Entgrenzung und KZ-System. Das Unternehmen „Wüste“ und das Konzentrations- lager Bisingen 1944/45, Berlin, Metropol, 2006; Michael GRANDT, Unternehmen « Wüste ». Hitlers letzte Hoffnung. Das NS-Ölschieferprogramm auf der Schwäbischen Alb, Tübingen : Silberburg, 2002; INITIATIVE GEDENKSTÄTTE ECKERWALD, Gedenkpfad Eckerwald. Das südwürttembergische Schieferöl- projekt und seine sieben Konzentrationslager. Das Lager Schörzingen und sein Aussenkommando Zepfen- han, Rottweil, Initiative Gedenkstätte Eckerwald, 2011 et Andreas ZEKORN, « Das Unternehmen "Wüste" », in Zollernalbkreis Jugendring e.V (éd.), Verblendung, Mord und Widerstand, Hechingen, 1995.
  11. Voir ITS Digital Archive, Arolsen Archives, 2.3.3.3, doc. 78107179. L’information concernant son décès au cours d’une prétendue tentative d’évasion à Schörzingen est également confirmée dans le registre matriculaire du KL Natzweiler : voir ITS Digital Archive, Arolsen Archives, Arolsen, 1.1.29.1/8123400, Nummernbuch I, doc. 3128914. La date inscrite est ici le 6 octobre, mais correspond vraisemblablement à la date de l’enregistrement officiel du décès. Voir enfin Initiative Gedenkstätte Eckerwald e.V. et Landratsamt Zollernalbkreis (dir.), Totengedenkbuch des Konzentrationslagers Schörzingen, Rottweil, Balingen, 2017.
  12. ADBR, 150 AL 37, dossier 2399, Rapport du délégué régional du service de recherche des crimes de guerre ennemis à Monsieur le directeur du service de recherche des crimes de guerre ennemis à Paris, 24 juillet 1946.
  13. ADBR, 150 AL 37, dossier 2399, Procès-verbal d’audition de Marie Anne Casagrande, 4 juin 1946.
  14. Voir Robert STEEGMANN, Struthof. Le KL-Natzweiler et ses kommandos: une nébuleuse concentrationnaire des deux côtés du Rhin, 1941-1945, Strasbourg, La Nuée Bleue, 2005, p. 186.
  15. ITS Digital Archive, Arolsen Archives, 2.3.3.3, doc. 78107179. Malgré les recherches de Céline ERTZ-BONELLI de l’état civil de Hagenau, on ne trouve aucune trace de René Casagrande dans les fiches d’inhumation au cimetière d’Haguenau. Nous supposons que les actes n’étaient pas forcément bien répertoriés.