Heinrich Debortoli
Heinrich Debortoli | |
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Prénom | Heinrich |
Nom | Debortoli |
Sexe | masculin |
Naissance | 28 mai 1892 (Niederkorn (Luxembourg)) |
Henri (Heinrich) Debortoli (1892-?) est un ouvrier métallurgiste originaire du Luxembourg. Arrêté en 1942 pour avoir planifié et participé à une grève en opposition au régime national-socialiste, il a été interné dans une prison luxembourgeoise, puis envoyé au camp de Hinzert pendant un peu plus d’un mois. Finalement, en janvier 1943, il est déporté au le camp de concentration de Natzweiler en Alsace annexée, où il reste jusqu’à sa « libération » un an plus tard.
Durant sa déportation au KL-Natzweiler, Henri Debortoli est admis en ambulatoire à la clinique ophtalmologique de la Reichsuniversität Straßburg à deux reprises – sur ordre du médecin SS et du commandant du camp –, pour ajuster une prothèse oculaire et pour obtenir un avis médical spécialisé. Il est l’un des dix-huit détenus du KL-Natzweiler hospitalisés dans les cliniques universitaires de la Reichsuniversität Straßburg, illustrant ainsi des liens inhabituels et rares entretenus par le camp avec le monde extérieur.
Biographie
Origines et famille
Henri Debortoli est né le 28 mai 1892 à Niederkorn, un quartier de la ville de Differdange situé dans le canton d’Esch-sur-Alzette au Luxembourg. Il est issu d’une famille catholique luxembourgeoise de condition très modeste. Son père, Andreas Debortoli, était journalier et sa mère, Katharina née Weintz, était mère au foyer. Ses deux parents sont tous deux décédés de maladie, respectivement à l’âge de 63 ans (en 1917) et de 57 ans (en 1916) . Henri avait au moins deux frères aînés, Franz/François (né en 1883) et Nicolas (né en 1885) .
Après avoir fréquenté l’école élémentaire dans sa ville natale, Henri Debortoli travaille comme ouvrier métallurgiste dans une fonderie, puis devient contremaître dans le même établissement. Il épouse Marie Hansel et donne naissance à un enfant, qui devient par la suite serrurier. Le couple vit au 10 Antoniusstraße à Niederkorn. En 1927, à la suite d’un accident où il se blesse à l’œil droit, Henri Debortoli est traité par le Dr Faber au Luxembourg qui lui pose un œil de verre .
De l’arrestation au SS-Sonderlager Hinzert et au KL-Natzweiler
À la suite de l’occupation militaire et de l’annexion du Luxembourg au Reich allemand, Henri Debortoli continue de travailler dans l’industrie métallurgique. Il est arrêté à la suite de la grève générale qui a débuté à Wiltz le 31 août 1942 en opposition à l’incorporation des Luxembourgeois dans l’armée allemande. Le 2 septembre, la grève qui s’est étendue aux villes industrielles de Schifflange et Differdange, est violemment réprimée, vingt-et-une personnes sont abattues et d’autres sont arrêtées et déportées. Debortoli est qualifié de Streikhetzer par les nazis , puis arrêté avec un groupe d’ouvriers d’une métallurgie de Differdange (Differdinger Stahlwerk) . Henri Debortoli est ensuite interné dans une prison au Luxembourg pendant environ deux mois, entre le 13 octobre et le 9 décembre 1942 .
Le 9 décembre 1942 à 13h30, le Einsatzkommando du Sipo-SD du Luxembourg achemine Debortoli au SS-Sonderlager de Hinzert près de Trèves. Immatriculé comme détenu politique, il reçoit le matricule 5808 . Selon un document transmis par le SD au commandant de Hinzert, il est précisé que Debortoli « n’est pas apte, pour l’instant, aux durs travaux physiques » . Environ un mois plus tard, il est déporté au KL-Natzweiler en Alsace annexée , avec un convoi acheminant entre autres 78 prisonniers luxembourgeois . Ainsi, le 20 janvier 1943, Debortoli arrive au KL-Natzweiler, recevant le matricule 2213 et le triangle rouge des prisonniers politiques .
Le traitement à la clinique ophtalmologique de Strasbourg
On ne sait que peu de choses sur sa déportation au KL-Natzweiler. En revanche, il bénéficie d’un traitement de faveur particulièrement inhabituel dans le système concentrationnaire. En effet, le 20 octobre 1943, le médecin-chef SS du camp, le Dr Richard Krieger, sollicite auprès du commandant du camp, Josef Kramer, l’autorisation de transférer trois détenus du camp à la clinique ophtalmologique de la Reichsuniversität Straßburg, pour un traitement en ambulatoire. Il s’agit d’adapter une prothèse oculaire Anpassung eines Glasauges aux détenus R. Casagrande, M. Mahler et H. Debortoli. Le commandant Kramer, donne son aval et prévoit un rendez-vous à partir du vendredi 22 octobre 1943 à 11 heures . Très rapidement, le médecin prévient par courrier ses confrères de l’hôpital de l’arrivée des trois déportés en question et rédige une ordonnance d’hospitalisation pour le 22 octobre .
Un mois plus tard, Henri se rend à nouveau au Revier en raison de douleurs oculaires. S’il avait déjà un œil de verre à l’œil droit, il est désormais admis à l’infirmerie du 24 au 25 novembre 1943, pour une inflammation oculaire (Augenentzündung) au niveau de l’œil gauche. Il y retourne pour la même raison du 4 au 19 janvier 1944, puis le médecin prévoit de prolonger son hospitalisation jusqu’au 27 février 1944 .
Toutefois, le 12 janvier 1944, le Dr Krieger, demande à nouveau au commandant du camp la permission d’envoyer cinq détenus du camp à la clinique ophtalmologique de Strasbourg, à savoir H. Debortoli, H. Haner, J. Zollstab, M. Tereschtschenko et W. Frangen. En ce qui concerne Debortoli, Tereschtschenko et Frangen, Dr Krieger écrit à leur sujet qu’ils sont « en train de perdre la vue ou que leur vision a quasiment disparu » et qu’il y a besoin d’un examen médical spécialisé, ce dernier ne pouvant être réalisé qu’à Strasbourg, précise-t-il. Kramer prend connaissance de la demande le jour même et donne son aval, permettant à Debortoli et ses codétenus de pouvoir être soignés à l’hôpital en ambulatoire . Un peu plus tard, le médecin-chef prévient ses confrères de la clinique du transfert de Frangen, Tereschtschenko et Debortoli, en précisant que ce dernier était en train de perdre la vue .
À l’infirmerie du camp, Henri Debortoli est également traité pour un abcès sur le côté gauche de la gorge. Il reçoit la ration complète de nourriture (Vollkost), comme les gardiens. Il reste à l’infirmerie jusqu’à sa libération du camp, le médecin arrêtant les courbes de suivi médical au bout du dixième jour d’hospitalisation avec la mention : « libéré et renvoyé dans sa patrie » .
La « libération »
Le 5 février 1944, le Kriminalsektretär Magnus Wochner, chef de la section politique au KL-Natzweiler, prévient ses collègues que Debortoli doit être libéré le lendemain à 8h30, puis être rapatrié à Niederkorn . Précisément, le 6 février, le Dr Krieger, examine le détenu et remplit le formulaire médical de libération. Comme observation indique : « diminution de la vision de l’œil gauche, prothèse à l’œil droit » . Les services administratifs du KL-Natzweiler lui rendent apparrement tous ses effets personnels, son argent, ainsi que ses papiers d’identité . Il est renvoyé à Niederkorn, mal voyant, le jour-même et arrive chez son épouse le 24 janvier .
Loïc Lutz.
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