Irmgard Kessing
Irmgard Kessing | |
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Prénom | Irmgard |
Nom | Kessing |
Sexe | feminin |
Naissance | 10 mai 1916 (Gelsenkirchen) |
Profession du père | Fonctionnaire du secteur commercial (kaufmännischer Beamter) |
These | Zur Strahlenbehandlung der Kopfhautkarzinome (Universität München, 9 décembre 1940) |
Autorisation d'exercer la médecine | 27 juillet 1940 |
Profession | Arzt |
Titre | Dr. med. |
Identités | Irmgard Stinner-Kessing |
Irmgard Kessing (1916-?) ou Stinner-Kessing depuis son mariage en 1943, est une femme médecin originaire de Westphalie en Allemagne. Fille d’un fonctionnaire et issue d’une famille catholique modeste, elle accomplit sous la République de Weimar la plus grande partie de sa scolarité, d’abord à l’école élémentaire (1922-1926) puis dans un établissement du secondaire (1926-1935) jusqu’à l’obtention de son baccalauréat. Les nazis s’étant emparés entre-temps du pouvoir en Allemagne en janvier 1933, Irmgard décide d’entrer au Bund Deutscher Mädel (BDM) dès le mois de mars 1934. Dès la sortie du lycée, elle se porte immédiatement volontaire pour accomplir un service du travail au Reichsarbeitsdienst (RAD), avant même qu’il ne devienne obligatoire.
À l’âge de dix-neuf ans, Irmgard Kessing débute des études de médecine et suit d’abord deux semestres à la faculté de médecine de Fribourg-en-Brisgau (1935-1936). Elle s’inscrit ensuite à l’université de Wurtzbourg (1936-1938), où elle termine sa deuxième année au bout de trois nouveaux semestres. Après avoir réussi le Physikum, l’examen intermédiaire de médecine, elle s’immatricule à l’université de Munich (1938-1940) pour suivre les trois années du cycle clinique de la formation médicale. À la fin du mois de juillet 1940, elle réussit le medizinisches Staatsexamen, l’examen médical d’État, et soutient sa thèse de doctorat de médecine en décembre 1940.
De l’été 1940 à l’été 1943, Irmgard débute sa carrière médicale et acquière de l’expérience dans plusieurs disciplines médicales (chirurgie, médecine interne, médecine générale et gynécologie), et pratique la médecine au sein de différents environnements médicaux, tant en milieu hospitalier qu’au sein d’un cabinet médical privé. Elle travaille ainsi successivement à la clinique gynécologique du Elisabethkrankenhaus d’Essen (décembre 1940 – juillet 1941), puis assure pendant un mois le remplacement d’un médecin généraliste (septembre – octobre 1941), avant d’entrer au service de chirurgie du Vincenz-Krankenhaus à Essen-Stoppenberg (octobre 1941 – juin 1942). Dans le cadre de la Notdienstverpflichtung, elle est ensuite affectée au service de médecine interne de la Huyssens Stiftung à Essen-Huttrop pendant près d’un an (juillet 1942- juin 1943), avant d’obtenir un congé de maladie.
Sur la suggestion de son médecin, qui lui conseille de « changer de climat », Irmgard candidate pour un poste à la faculté de médecine de la Reichsuniversität Strassburg en Alsace annexée et intègre l’équipe de la clinique médicale à compter du 1er août 1943. Recrutée comme faisant fonction d’assistante scientifique (Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle) et médecin-assistante (Assistenzärztin), elle est l’une des seize femmes qui ont été en poste dans cette clinique. Affectée à l’Abteilung II (Médicale A), elle dirige seule l’un des trente-et-une salles que compte la clinique et assure la gestion d’une Frauenstation jusqu’à ce qu’elle bénéficie d’un nouveau congé de maladie à la fin du mois d’avril 1944. Si Irmgard Stinner-Kessing figure toujours sur les listes du personnel médical jusqu’en août 1944, on perd ensuite sa trace au cours des dernières semaines de l’existence de la Reichsuniversität Strassburg en Alsace. Elle était mariée depuis décembre 1943 avec un officier de la Luftwaffe, le médecin-lieutenant (Oberarzt) Wolfgang Stinner.
Biographie
Devenir médecin : enfance, scolarité, études
Originaire de la région de la Ruhr dans une famille modeste, Irmgard Kessing passe toute son enfance dans sa Westphalie natale. Débutant sa scolarité sous la République de Weimar, elle obtient son baccalauréat deux ans après l’arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne. Après avoir été volontaire pour servir au Reichsarbeitsdienst à l’été 1935, elle effectue ses études de médecine à Fribourg-en-Brisgau, à Wurtzbourg et à Munich jusqu’en 1940. À la fin de son cursus, elle retourne chez ses parents à Essen et débute sa carrière médicale.
Famille et scolarité
Irmgard Bernhardine Wilhelmine Kessing, ou Stinner-Kessing de son nom marital, est née le 10 mai 1916 à Gelsenkirchen, une ville du bassin industriel de la Ruhr comptant alors plus de 160.000 habitants€€€Voir par exemple ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), Staatsangehörigkeitsausweis (copie d’un original de 1936), 1943.€€€. Située au cœur de la province de Westphalie du Royaume de Prusse, cette ville se trouve à proximité des villes d’Essen et de Duisbourg. C’est la région d’origine de la famille d’Irmgard, une famille modeste dont chaque membre est baptisé dans la foi catholique romaine. Lui-même fils d’un paysan et agriculteur, son père, Josef Kessing, né le 15 janvier 1870, était parvenu à s’extraire de sa condition sociale d’origine. Il était devenu fonctionnaire dans le secteur commercial (kaufmännischer Beamter)€€€Concernant les grands-parents paternels d’Irmgard, on sait qu’ils étaient originaires de la même région géographique. Theodor Kessing (né le 30 janvier 1837 à Erwitte et décédé le 29 avril 1929 à Erwitte) était agriculteur (Landwirt) et avait épousé Franziska Schütte (née le 29 juillet 1939 à Geseke et décédée le 7 mars 1898 à Erwitte).€€€. À l’âge de trente ans, Josef avait épousé Maria Hütte, la fille d’un commerçant de la ville d’Essen, née le 22 avril 1873€€€Les grands-parents maternels d’Irmgard sont tous les deux originaires de la ville de Steele, à l’est de l’agglomération de Essen. Johann Hütte (né le 5 août 1840 à Steele et décédé le 12 septembre 1896 à Steele) était commerçant de profession (Kaufmann) et était marié avec Élisabeth Schempershofe (née le 8 juillet 1841 à Steele et décédée le 29 octobre 1914 à Steele).€€€. Le mariage est célébré le 16 mai 1900 à Steele, une ville située à l’est d’Essen dans la Ruhr. Après leur mariage, le couple s’installe à une dizaine de kilomètres plus au nord, à Gelsenkirchen, et donne naissance à Irmgard seize ans plus tard. Il semble d’ailleurs que la famille Kessing soit restée relativement épargnée par la Première Guerre mondiale et les ravages qu’elle a causés dans les familles allemandes€€€ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), Fragebogen über die Abstammung, 1er août 1943.€€€.
C’est dans sa ville natale et sous les auspices de l’instable République de Weimar qu’Irmgard Kessing grandit et évolue durant l’enfance et l’adolescence. Après avoir bénéficié de l’instruction de ses parents jusqu’à l’âge de six ans, Irmgard débute sa scolarité obligatoire en 1922. Elle est d’abord scolarisée pendant quatre ans dans l’une des écoles élémentaires (Volksschule) de la ville de Gelsenkirchen, entre 1922 et 1926, puis entre dans le secondaire. Pendant les neuf années qui suivent, de 1926 à 1935, elle fréquente un lycée (realgymnasiale Studienanstalt) de Gelsenkirchen jusqu’à la réussite de l’examen du baccalauréat (Reifeprüfung) le 15 mars 1935 à l’âge de dix-neuf ans€€€ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), Lebenslauf, 3 août 1943.€€€. De plus, ajoutons qu’elle effectue un premier ralliement au mouvement national socialiste durant sa jeunesse avec son entrée dans le Bund Deutscher Mädel en mars 1934. Créée environ un an plus tôt, la Ligue des jeunes filles allemandes était le pendant féminin de la Hitlerjugend, une ramification du parti (Gliederung der NSDAP) à destination des jeunes filles âgées de quatorze à dix-huit ans€€€ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), Personalfragebogen, 1er août 1943.€€€.
Le deuxième ralliement notoire qu’elle effectue en direction du national-socialiste est son inscription, de toute évidence volontaire, au Reichsarbeitsdienst à la sortie du lycée. Il s’agit d’une organisation du travail dépendant du mouvement et du parti nazis. Selon son curriculum vitae, elle aurait été envoyée une centaine de kilomètres au nord-est du foyer familial, à Nettelstedt bei Minden, jusqu’à la fin de l’été 1935€€€ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), Lebenslauf, 3 août 1943.€€€. La chronologie semble appuyer l’aspect volontaire de cet engagement. Si le RAD avait été créé dès 1933 à la suite de l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne, il n’avait été rendu obligatoire qu’à partir du 1er octobre 1935, date d’entrée en vigueur de la législation prise les 26 et 27 juin 1935€€€Voir « Reichsarbeitsdienstgesetz », Reichsgesetzblatt, Teil I, n°63, 1935, 27 juin 1935, p. 769-771. Voir aussi « Erlass des Führers und des Reichskanzlers über die Dauer der Dienstzeit und die Stärke des Reichsarbeitsdienstes vom 27. Juni 1935 », Reichsgesetzblatt, Teil I, n°63, 1935, 27 juin 1935, p. 772.€€€.
Les études de médecine
Une fois dégagée de ses obligations civiques, Irmgard s’inscrit aussitôt à la faculté de médecine de l’université de Fribourg-en-Brisgau à partir du semestre d’hiver 1935-1936. Un troisième pas de l’entrée en nazisme est franchi dès son arrivée en Bade, avec son inscription le 1er novembre 1935 au NSD-Studentenbund. Fondée en 1926, l’Union des étudiants nationaux-socialistes allemands était une organisation affiliée au parti nazi (angeschlossener Verband der NSDAP) à destination des étudiants et était chargée de répandre l’idéologie nazie dans le milieu universitaire€€€ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), Personalfragebogen, 1er août 1943.€€€. À Fribourg-en-Brisgau, Irmgard suit les deux premiers semestres précliniques, réussissant l’examen de fin de première année (Vorphysikum) en 1936. Elle poursuit son cursus à l’université de Wurtzbourg en Basse-Franconie (Bavière), où elle obtient l’examen intermédiaire de médecine (Physikum ou ärtzliche Vorprüfung) après trois nouveaux semestres précliniques. Normalement, l’organisation des études médicales en Allemagne prévoit que l’étudiant présente cet examen – qui marque la fin du cycle dit préclinique – à l’issue des quatre premiers semestres du cursus de médecine. Comme Irmgard en a suivi cinq, il y a tout lieu de penser qu’elle ait dû redoubler un semestre avant de pouvoir obtenir son examen à la fin du semestre d’hiver 1937-1938€€€ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), Lebenslauf, 3 août 1943.€€€. Pour la suite de ses études et plus précisément pour le cycle clinique de sa formation médicale, Irmgard se rend à l’université de Munich en Bavière, où elle suit les trois dernières années de son parcours académique, jusqu’à la fin de l’année 1940. Elle réussit l’examen médical d’État ([medizinisches] Staatsexamen) le 28 juillet 1940. L’admission à cet examen, clôturant les cinq années du cursus médical, est obligatoire et constitue en réalité un prérequis à la délivrance de l’Approbation (ou Bestellung als Arzt depuis 1939), c’est-à-dire de l’autorisation d’exercer la médecine, elle-même décernée après la validation d’une année de pratique médicale en clinique ou en cabinet privé. C’est dans ce cadre qu’elle reçoit, dès l’obtention du Staatsexamen, un contrat temporaire à la clinique chirurgicale de l’université de Munich, où elle commence à gagner de l’expérience en qualité de Volontärassistentin€€€ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), Lebenslauf, 3 août 1943.€€€.
Pendant quatre mois, entre le 1er août et le 15 octobre 1940, elle travaille aux côtés du professeur Georg Magnus (1883-1942) en chirurgie, tout en parachevant sa formation académique par la préparation d’une thèse de doctorat de médecine€€€ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), Lebenslauf, 3 août 1943 ; ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten, 1er août 1943.€€€. Contrairement au cursus de médecine français, où la soutenance d’une thèse et le titre de docteur en médecine est obligatoire pour exercer, en Allemagne, seules l’obtention de l’examen final, puis celle de l’Approbation sont requises pour être médecin. Cela étant, quand bien même ils ne se destinent pas à une carrière dans la recherche ou dans l’enseignement, de nombreux étudiants décident, comme Irmgard, de rédiger une thèse. Intéressée par la radiothérapie et le traitement des cancers, elle prépare une thèse de vingt pages intitulée « Sur la thérapie par rayons des tumeurs du cuir chevelu » (Zur Strahlenbehandlung der Kopfhautkarzinome)€€€Irmgard Kessing, Zur Strahlenbehandlung der Kopfhautkarzinome, thèse de doctorat de médecine, Université de Munich, Hansa-Druckerei, 1940, 20 p. Voir aussi United States Department of Health, education and Welfare, Public Health Service, Index-Catalogue of the Library of the Surgeons General’s Office, fifth Series, vol. 1, Authors and Titles, Washington, United States Government Printing Office, 1959, p. 294.€€€. Elle la soutient le 9 décembre 1940 devant un jury de la faculté de médecine de Munich€€€ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), Lebenslauf, 3 août 1943 ; ADBR, 1558 W 790, dossier n°77931 (Irmgard Stinner), Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten, 1er août 1943.€€€.
Le début de la carrière médicale (décembre 1940 – juin 1943)
Entre la fin de l’année 1940 et l’été 1943, Irmgard Kessing débute sa carrière médicale, cumulant des expériences dans des disciplines médicales diverses (médecine interne, médecine générale, gynécologie), mais aussi au sein de différents environnements, à la fois en milieu hospitalier, mais également au sein d’un cabinet médical privé. Quelques jours après avoir soutenu sa thèse de doctorat, Irmgard quitte la Bavière pour retourner dans sa Westphalie natale. Elle retourne vivre chez ses parents à Essen et emménage dans leur appartement meublé situé au Bochumstraße 228 . Elle obtient alors un poste chez du professeur Ostendorf à la clinique gynécologique (Frauenklinik) du Elisabethkrankenhaus, le plus vieil hôpital de la ville d’Essen. Au départ, elle travaille d’abord comme Pflichtassistentin pendant sept mois, du 16 décembre 1940 au 15 juillet 1941, avant d’être qualifiée d’Assistentin dans les deux mois qui suivent, du 15 juillet 1941 au 15 septembre 1941 . En fait, au regard de la législation nationale-socialiste adoptée en 1939 sur l’organisation des études de médecine et la délivrance de l’autorisation d’exercer la médecine, il faut remarquer que l’« année pratique » (Praktisches Jahr) – pendant laquelle le jeune médecin travaillait en clinique ou dans un cabinet après avoir réussi l’examen médical d’État – avait été remplacée par une période dite Pflichtassistentenzeit. Les objectifs de ce temps de service étaient sensiblement les mêmes, mais comme son nom l’indique, le médecin occupait alors une fonction de Pflichtassistent dans une période obligatoire de service dont la durée légale était d’une année . Si l’on compte les quatre mois passés à la clinique chirurgicale à Munich en 1940, Irmgard a de toute évidence effectué les douze mois de ce service entre début août 1940 et fin juillet 1941. Ensuite, Irmgard obtient l’ordre des autorités civiles (Amtsarzt) de quitter l’hôpital pour accomplir une sorte de service médical obligatoire. Entre le 15 septembre et le 15 octobre 1941, elle est, selon l’expression officielle, « notdienstverpflichtet ». Mise à la disposition de l’État pour garantir les soins à la population civile, elle assure alors le remplacement (Vertreterin) d’un médecin généraliste dans son cabinet au Karpinskistraße 16 à Essen (Dr. Micke). Une fois le remplacement effectué, elle candidate à un poste d’Assistentin au service de chirurgie (chirurgische Abteilung) du Vincenz-Krankenhaus à Essen-Stoppenberg, où elle travaille pendant sept mois et demi, du 15 octobre 1941 au 30 juin 1942. Après cela, Irmgard est encore une fois notdienstverpflichtet et reçoit une affectation à la Huyssens Stiftung, un hôpital confessionnel (protestant) du quartier de Huttrop à Essen. Pendant près d’un an, du 10 juillet 1942 au 7 juin 1943, elle travaille comme Assistentin au service de médecine interne (innere Abteilung) sous la direction Dr. Helmut Bernsau. Son état de santé s’étant détérioré depuis plusieurs mois, Irmgard est contrainte de suspendre son activité médicale à partir du 7 juin 1943 . En raison d’une sinusite chronique (chronische Nebelhöhlenerkrankung) et d’un problème myocardique (leichter Myokardschaden), elle reçoit un congé de maladie (beurlaubt) pendant quelques semaines, jusqu’à ce qu’elle intègre l’équipe médicale de la Reichsuniversität Strassburg le 1er août 1943 .
La carrière médicale à la Reichsuniversität Strassburg (1943-1944)
Ayant acquis environ trois ans d’expérience depuis la fin de ses études, Irmgard dépose une candidature pour obtenir un poste de médecin à la Reichsuniversität Strassburg. Elle intègre le service de la clinique médicale le 1er août 1943 et occupe un poste de faisant fonction d’assistante scientifique et de médecin assistante à l’Abteilung II (Médicale A) du professeur Werner Hangarter (1904-1982). Elle travaille dans cette équipe, composée d’une dizaine de médecins, pendant un an, étant officiellement rattachée la clinique jusqu’au 31 août 1944, mais en réalité, elle quitte le service à la fin du mois d’avril 1944 en raison de ses problèmes de santé.
Affectée à la Reichsuniversität Strassburg pour raisons de santé
L’arrivée à la clinique en août 1943
L’arrivée d’Irmgard Kessing au sein de l’équipe médicale de la Reichsuniversität Strassburg ne tient pas du hasard, mais intervient à la suite d’une décision personnelle motivée en réalité par des raisons de santé. Rappelons en effet que dans son curriculum vitae d’août 1943, Irmgard précise que la sinusite dont elle souffre était chronique et que cela faisait alors près d’un an qu’elle « récidivait » (rezidiviert), au point d’obtenir un congé de maladie en juin 1943. Elle avait même consulté un médecin spécialiste (Facharzt) qui lui avait notamment « conseillé un changement de climat » (ein Klimawechsel empfohlen). Irmgard avait averti les autorités sanitaires local de cet avis médical et l’Amtsarzt d’Essen avait validé le conseil de ce spécialiste, puis suspendu la Notdienstverpflichtung d’Irmgard. Elle ajoute : « j’ai donc candidaté à un poste, ici à Strasbourg, car le climat m’avait déjà fait du bien l’année passée, à l’occasion d’un séjour de repos » . Ce serait donc visiblement le climat semi-continental de l’Alsace qui aurait séduit Irmgard lors d’un précédent séjour (peut-être en 1942) et qui l’aurait influencé dans sa décision de quitter la Westphalie et son climat océanique, peu adéquat pour sa guérison. En tous les cas, son entrée à l’Abteilung II de la clinique médicale de la Reichsuniversität Strassburg est datée précisément au 1er août 1943 .
La procédure de recrutement comme faisant fonction d’assistante scientifique
Au départ, la situation d’Irmgard Kessing à un poste de médecin assistant n’est que temporaire et pour valider officiellement sa nomination, un dossier de recrutement en bonne et due forme doit être constitué afin d’être instruit par les instances de l’université. Deux jours après son arrivée à l’hôpital (3 août), le directeur de la clinique médicale, Johannes Stein (1896-1967), remplit un formulaire afin de la recruter comme faisant fonction d’assistante scientifique (Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle) à compter du 1er du mois et pour toute la durée de la guerre (Kriegsdauer) . Normalement, c’est le chef du service en question qui doit être à l’origine de la démarche et non Stein, mais il faut préciser que le chef de l’Abteilung II, le professeur Werner Hangarter (1904-1982) avait été appelé dans la Wehrmacht et c’est visiblement Stein, en tant que directeur de la clinique, qui a été amené à assurer l’intérim. Environ un mois plus tard, le 2 septembre, Stein, cette fois-ci en sa qualité de doyen de la faculté de médecine, donne son accord à sa propre demande . Dans l’intervalle, le Dr. Kessing a dû produire un certain nombre de pièces justificatives pour que Stein puisse transmettre le dossier de recrutement aux autorités supérieures. Elle rédige un Lebenslauf, c’est-à-dire un curriculum vitae ou récit de vie dans lequel elle présente son parcours scolaire, universitaire et médical en précisant les dates des examens présentés et des activités exercées . Elle remplit plusieurs formulaires qui permettent de vérifier son ascendance germanique et aryenne , de préciser son parcours civil et politique (état civil, scolarité, situation militaire et politique, adhésion au parti, etc.) , mais également de détailler tous les postes précédemment occupés au cours de sa carrière médicale . Comme l’exige la procédure, elle signe un document par lequel elle certifie sur l’honneur n’appartenir et n’avoir jamais appartenu à une quelconque loge et complète enfin son dossier en fournissant la copie d’une attestation de sa possession de la « nationalité du Reich » (Reichsangehörigkeit) . Après avoir pris connaissance de toutes ces pièces et avoir donné son accord, Stein transmet le dossier au NS-Dozentenführer Ferdinand Schlemmer (1898-1973), responsable du parti au sein de l’université et du corps enseignant, qui valide le « recrutement immédiat » pour mais estime que la durée préalable de son emploi à la Reichsuniversität Strassburg doit être restreinte à un trimestre avant de prendre sa « décision finale » . Finalement, c’est le recteur Karl Schmidt (1899-1980) qui est amené à statuer sur la nomination officielle du Dr. Kessing à l’Abteilung II. Ne tenant pas compte de l’avis de Schlemmer, le recteur opte pour un recrutement pour la durée de la guerre et avertit l’administrateur en chef de l’université Richard Scherberger (1910-1979) de sa décision . Avant d’entériner l’emploi du Dr. Kessing, le Kurator se renseigne auprès des services administratifs des établissements hospitalo-universitaires afin de s’assurer que le poste prévu pour Kessing soit bien vacant , ce qui est confirmé quelques semaines plus tard par le directeur administratif de l’hôpital civil, Alphonse Barthelmé . Ainsi, le 13 octobre 1943, le Kurator Scherberger entérine l’emploi du Dr. Kessing comme faisant fonction d’assistante scientifique (Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle) à l’Abteilung II de la clinique médicale. Étant célibataire, sa rémunération mensuelle s’élevait alors à précisément 323,68 Reichsmarks bruts . De plus, dans les semaines qui suivent, le dossier d’Irmgard continue d’être instruit par les instances de l’université pour prolonger son contrat comme prévu par le recteur. Elle passe notamment une visite médicale au Gesundheitsamt de Strasbourg le 25 octobre 1943 afin de vérifier qu’elle soit apte, médicalement, à occuper ce poste. L’Amtsärztliches Zeugnis, signé par le Dr. Rachel, permet d’en savoir davantage sur l’état de santé d’Irmgard. À l’auscultation, il note qu’elle souffre de « lésions myocardiques à la suite d’une amygdalite chronique » (Myokardschaden nach chron[ischer] Tonsillitis), qu’elle « souhaite à présent être opérée d’une amygdalectomie ». L’examen cardiaque met en avant que le cœur ne s’est pas élargi (nicht verbreitet), que les sons sont purs et réguliers (Töne rein, regelrecht), que le pouls est régulier et fort (Puls regeläßig, kräftig) et que de légers troubles de la conduction (leichte Reizleitungsstörungen) ont été observés à l’électrocardiogramme. Mais d’un point de vue général, le Dr. Rachel conclut que l’état de santé de sa consœur est « bon » et qu’elle est « apte […] à être employée comme Assistenzärztin à la clinique médicale » .
Mariage avec un médecin-officier
Près de cinq mois après avoir débuté son contrat à la Reichsuniversität Strassburg, Irmgard Kessing, qui occupe un logement mis à disposition à l’hôpital civil, épouse à Strasbourg un médecin-militaire allemand. Le 30 décembre 1943, elle épouse le Dr. Wolfgang Stinner, né le 16 juillet 1910 à Arnsberg, une ville alors située dans la province de Westphalie du Royaume de Prusse . Issu d’une famille allemande de condition modeste et de confession catholique, Wolfgang est plus précisément le fils d’un urbaniste municipal (Stadtbaumeister), mais aussi le petit-fils d’un entrepreneur en construction (Bauunternehmer) du côté paternel et d’un maître-boucher (Metzgermeister) du côté maternel . Si les sources le concernant sont rares, on sait qu’il avait accompli des études de médecine jusqu’à la soutenance d’une thèse de doctorat de médecine, lui conférant le titre « Dr. med. » . De plus, avec la Seconde Guerre mondiale, il était devenu officier dans l’armée allemande et avait servi comme médecin dans l’armée de l’air, où il possédait le grade de lieutenant du service de santé de la Luftwaffe (Oberarzt). Irmgard informe rapidement les services de l’université de son changement de statut marital, ce qui a évidemment une incidence directe sur sa rémunération . Quelques jours plus tard, le directeur administratif de l’hôpital civil, Alphonse Barthelmé déclare prendre acte de cette nouvelle situation et indique porter en conséquence « le traitement de la susnommée de 323,68 RM à 423,63 RM avec effet rétroactif au 1er décembre 1943 » . Elle est dès lors présentée dans les documents administratifs sous le nom d’Irmgard Stinner-Kessing, conservant son nom de naissance à côté de son nom marital.
Le service à l’Abteilung II de la clinique médicale
L’équipe de l’Abteilung II
Si Irmgard Kessing a pris ses fonctions à l’Abteilung II de la clinique médicale le 1er août 1943, elle ne figure sur les listes officielles du personnel médical de la Reichsuniversität Strassburg que le mois suivant. Durant sa présence, entre début août 1943 à fin août 1944, elle possède le statut de médecin-assistante (Assistenzärztin) ou de faisant fonction d’assistante scientifique (Verwalterin einer wissenschaftlichen Assistentenstelle). À cette époque-là, l’ensemble de la clinique médicale, tous services confondus, compte entre 42 et 46 médecins par mois chaque mois, y compris ceux qui sont momentanément absents ou envoyés au front. Plus précisément, sur la même période, l’Abteilung II de la clinique médicale où travaille Irmgard Kessing est composée d’une équipe de quinze médecins, parmi lesquels six femmes. Le service est officiellement placé sous la direction du professeur Werner Hangarter (1904-1982), mais ce dernier a été mobilisé dans la Wehrmacht et envoyé au front depuis le mois d’octobre 1942, si bien que la direction par intérim de la clinique médicale A (Abteilung II) est assurée par Wilhelm Dieker. Le tableau ci-dessous présente les quinze médecins qu’Irmgard a côtoyés durant son passage à Strasbourg entre 1943 et 1944. Il est particulièrement intéressant de noter que la proportion d’Alsaciens est assez importante, de même que celle des femmes qui représentent 40% du service .
Repères
Localisations
Nationalités
- Allemand (10 mai 1916 - )
Confessions
- Catholique (10 mai 1916 - )
Publications
Relations
Famille de
- Irmgard Stinner-Kessing ( - )→
Liens à institutions
Universität München
Références