Victor Hartmann
Victor Hartmann | |
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Prénom | Victor |
Nom | Hartmann |
Sexe | masculin |
Naissance | 13 août 1909 (Griesheim-près-Molsheim) |
Décès | 19 janvier 1944 (Hadamar) |
Profession du père | Schreiner |
<< C'est la fin du monde >>
Victor Hartmann (13 août 1909-19 janvier 1944)
Victor Hartmann est l’une des trois victimes d’« euthanasie » originaires d’Alsace dont le passage dans les institutions a débuté par une admission à la clinique psychiatrique de l’hôpital civil de Strasbourg en 1941 et dont l’identité a pu être retrouvée grâce aux travaux de la commission. Après l’annexion de l’Alsace en novembre 1940 au mépris du droit international, les établissements de soins psychiatriques ont aussi subi une réorganisation. La clinique a d’abord été dirigée, à titre provisoire, par l’Alsacien Charles Buhecker [Link zu Wiki-Bio]. Toutes les cliniques de l’hôpital civil ont officiellement été placées sous la responsabilité du chef de l’administration civile en Alsace1 en date du 1er avril 1941, et la « Reichsuniversität » Straßburg a été inaugurée le 23 novembre 1941. La chaire de psychiatrie et de neurologie a été attribuée à August Bostroem [Link zu Wiki-Bio], effectivement présent sur les lieux au cours du semestre d’hiver 1942/432. Après son rattachement au Gau de Bade, l’Alsace comptait deux asiles psychiatriques voués à la prise en charge des patients souffrant de pathologies psychiatriques chroniques, et situés dans la périphérie de Strasbourg : Stephansfeld et Hoerdt. Entre 1941 et 1944, près de 15 pour cent des patients admis à la clinique psychiatrique de la RUS ont été transférés vers l’établissement de Stephansfeld3. Victor Hartmann a été assassiné durant l’hiver 1944 à l’asile psychiatrique d’Hadamar dans le cadre de l’« euthanasie décentralisée ». Il était âgé de 34 ans.
Biographie
Victor Hartmann, fils de Charles Hartmann, menuisier, et de sa femme Amélie1 née Demoulin, voit le jour le 13 août 1909. Il est le deuxième d’une fratrie de 14 enfants2. La famille vit probablement dans le village de Griesheim-près-Molsheim, en Centre Alsace. Victor Hartmann exerce divers métiers, notamment ceux de chauffeur et de groom. Au cours des mois d’avril et de mai 1940, il sert dans l’armée française3. Il épouse Élise Marie, née Kientzi, le 21 juillet 1934 à Strasbourg4. Le couple emménage à Strasbourg où leur fille Marie-Louise voit le jour le 30 mars 1935. Leur fils Jean-Pierre naît un an plus tard, le 12 avril 19365. Lorsque sa maladie psychiatrique se déclare, Victor Hartmann est déjà veuf. Sa femme a succombé à une tuberculose pulmonaire le 13 février 1940. Elle a probablement été transférée en Dordogne avec les autres patients lors de l’évacuation de l’hôpital civil de Strasbourg, puisqu’il s’agit du lieu de décès indiqué. Victor Hartmann a habité en dernier lieu au 2 place des Ponts couverts à Strasbourg6. Sa fille Marie-Louise a ensuite été placée à l’orphelinat Saint-Joseph dans le quartier de la Meinau à Strasbourg7, tandis que son fils Jean-Pierre a été admis au Knaben-Erziehungsheim (centre d’éducation pour garçons) de la fondation Sankt Karl à Schiltigheim, à la périphérie de Strasbourg8.
Amélie Hartmann remarque à l’été 1941 que son fils Victor a changé. Il souffre principalement de crises d’angoisses le soir, il est souvent agité et répète que « c’est la fin du monde » (« Die Welt geht unter. »). Victor Hartmann tente de se suicider en se tranchant la gorge, à la suite de quoi sa mère l’accompagne à la clinique psychiatrique le 27 juin 1941. Le médecin qui l’examine Frédéric Frey fait un résumé succinct de ses observations : « affect superficiel, discours incohérent, idées délirantes diverses, hallucinations auditives »9. Le diagnostic de schizophrénie est formulé. À la mi-juillet, une observation de l’évolution dans le dossier médical précise que Victor Hartmann est « ambivalent » et note « l’apparition occasionnelle d’un état d’exaltation ». Par ailleurs, il refuse parfois de s’alimenter. Un mois plus tard, son état de santé reste inchangé10. Après deux mois d’hospitalisation au total, Victor Hartmann est finalement transféré à l’asile psychiatrique de Stephansfeld le 8 octobre 1941 « avec l’accord de la femme » [s’agirait-il plutôt de la mère ?, remarque de l’auteure]11.
Pendant toute la durée de son hospitalisation, les médecins de l’asile soulignent à plusieurs reprises que la maladie psychiatrique de Victor Hartmann n’a pas connu de changement majeur et qu’aucune amélioration n’est à escompter à l’avenir, de sorte qu’une « hospitalisation permanente est à prévoir »12. Sa vie quotidienne dans l’institution reste quant à elle très floue. Le 14 octobre 1942, ses parents reçoivent à Strasbourg une lettre de l’asile psychiatrique les informant que l’état de leur fils s’est « dégradé de façon préoccupante » et qu’ils peuvent lui rendre visite à tout moment13. Une maladie infectieuse très grave - dont il commence finalement à se remettre à la fin du mois - est à l’origine de ce courrier. L’entrée suivante dans son dossier médical date seulement du printemps 1943 : « État physique satisfaisant. Totalement dément, autiste, indifférent. » Outre la documentation de l’évolution de la maladie dite somatique, l’une des rares descriptions de la vie de Victor Hartmann au sein de l’institution se résume à un laconique Bettbehandlung (« repos au lit »)14. L’observation de septembre 1943 indique seulement : « Malpropre. Se souille. »15 Le dernier commentaire sur son séjour à Stephansfeld date du 4 janvier 1944 : « Aucun changement du comportement physique et mental. Personne catatonique démente et négativiste. Repos au lit. »16 Le dossier du patient donne l’impression que les dernières années de sa vie sont marquées par un litige entre les autorités concernant la prise en charge financière de ses deux enfants. Nous ne disposons en revanche d’aucun témoignage de Victor Hartmann concernant son expérience subjective et son ressenti.
Vers la fin de l’année 1943, les asiles psychiatriques alsaciens de Stephansfeld et Hoerdt ayant atteint leur capacité maximale, les lits viennent à manquer17. C’est la raison pour laquelle Ludwig Sprauer (1884-1962), oberste Medizinalbeamte (directeur général de la santé) de Bade, ordonne le transfert de 50 patients de chacun des asiles alsaciens vers l’établissement de Hadamar (Hesse). Le 5 janvier 1944, les 100 patients sont déportés vers Hadamar lors d’un voyage en train de 22 heures18. Victor Hartmann fait partie du convoi. Le 6 janvier 1944, son père est informé par télégramme du transfert de son fils dans l’établissement de Hadamar – avec l’indication que, compte tenu « des conditions de circulation difficiles », les visites « nécessiteront une autorisation particulière de la direction de l’établissement »19. Selon le certificat, Victor Hartmann décède le 19 janvier 1944 à 1 heure 30 d’une « dégradation de l’état et insuffisance cardiaque »20. Selon toute vraisemblance, une surdose de somnifère lui a été administrée la veille. Victor Hartmann est donc une victime de l’« euthanasie décentralisée ». La cause du décès a été falsifiée afin de faire croire à une mort naturelle à ses proches. On ignore si ses deux enfants ont eu connaissance des véritables circonstances du décès de leur père.
Repères
Localisations
Nationalités
- Allemand (1909 - 1919)
- Français (1919 - 1944)
- Alsacien (1909 - 1944)
Confessions
- Catholique
Publications
Références