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August Theodor Gunsett

De Commission Historique
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Profession Arzt

Titre Dr. med.

Spécialités Radiologie, Radiothérapie


Biographie

Auguste Théodore Gunsett est né le 19 novembre 1876 à Strasbourg. Son père Jacques est commerçant ; il épouse Lydie Ennes. La famille est de confession protestante. Le 28 avril 1909, Auguste épouse à Paris Marguerite Wohlhüter, née le 17 mai 1889 et de nationalité française. Le couple a deux fils : Jean, né le 15 mars 1917 à Zurich, qui épouse en juillet 1940 Christiane Gerhard, et Charles Claude, né le 7 décembre 1921 à Strasbourg.

Auguste grandit à Strasbourg dans une famille alsacienne francophone. Il est scolarisé au Gymnase Jean Sturm. À partir de 1894, il fait des études de médecine à la Kaiser-Wilhelms-Universität (KWU, 1872-1918). En 1899/1900, il conclut son cursus médical par la soutenance de sa thèse de doctorat de médecine intitulée « Utérus double fibromateux » (Über Myombildung bei doppeltem Uterus im Anschluss an drei neue Fälle). Puis il devient assistant en gynécologie à la faculté de médecine de la KWU :

« On m’offrit alors [à la fin de mes études] une place d’assistant à la clinique gynécologique de la faculté de médecine dirigée à l’époque par l’éminent professeur Freund, le vieux, célèbre opérateur. À cette époque, la clinique gynécologique était obligée de s’occuper des accouchements difficiles en ville. »

Les conditions de travail difficiles découragent Auguste Gunsett :

« Nous étions souvent ainsi appelés par les sages-femmes en difficulté et cela jour et nuit. Le service était très dur car nous étions appelés souvent une ou deux fois par nuit et le professeur exigeait qu’on soit dès 8 heures du matin à la salle d’opération pour assister à ses opérations. »

Son état de santé se dégradant, il renonce finalement à ce poste d’assistant et fait un séjour de convalescence au sanatorium à Aubure. C’est la première mention de sa longue maladie pulmonaire tuberculeuse. À son retour de cure, Gunsett se dirige vers la dermatologie. Pendant trois ans, de 1900 à 1903, il occupe un poste d’assistant à la clinique pour la syphilis et les maladies de la peau (Syphilis und Hautkrankheiten) dirigée par le professeur Alfred Wolff. En 1904, il s’installe en ville en tant que dermatologue. Vers 1905, il étudie l’électricité médicale et les méthodes de physiothérapie appliquées à la dermatologie. À cette époque, il rencontre à Paris le futur instigateur des centres régionaux anticancéreux en France, Jean-Alban Bergonié. Cette rencontre est un double tournant dans la carrière de Gunsett, vers la radiologie et la radiothérapie d’une part, vers la France et la médecine française d’autre part. Il le déclare rétrospectivement dans un article de 1925 :

« C’est lui [Bergonié] qui me persuada de m’engager dans la voie des agents physiques et me communiqua son enthousiasme pour l’électricité médicale qui lui devait déjà tant, et pour les rayons X qui n’en étaient alors qu’à leurs débuts, mais dont il entrevoyait déjà l’immense importance future. »

En 1908, toujours installé en ville, il prend la qualification de médecin radiologue. Rien d’étonnant à cela puisque les deux spécialités médicales auxquelles Gunsett est formé sont les premières à utiliser la roentgenthérapie et la curiethérapie. En effet, les organes soignés en gynécologie et en dermatologie étant à la surface du corps humain, ils sont facilement accessibles aux rayons X et . [Pour plus de simplicité, dans la suite de l’article, nous utiliserons le terme radiothérapie (Strahlentherapie) pour nous référer à la fois à la roentgenthérapie (avec rayons X) et à la curiethérapie (rayons ).] Il se forme auprès de médecins français tels que Bergonié à Bordeaux, Belot à Paris, Regaud à l’Institut du radium de Paris et Roussy à Villejuif. Gunsett introduit leurs techniques à Strasbourg et collabore à Kiel avec Hans Meyer (1877-1964). C’est à cette époque qu’il épouse Marguerite Wohlhüter à Paris.

Précisons un peu le contexte. Après la découverte des rayons X en 1895 par Wilhelm Röntgen et la mise en évidence des rayons uraniques par Becquerel en 1896, Marie et Pierre Curie ont découvert, en 1898, deux nouveaux éléments dotés de propriétés rayonnantes spontanées, le polonium et le radium. La description des premières brûlures vives par le radium par Pierre Curie et Henri Becquerel à l’Académie des sciences en 1901 et leur analogie avec les brûlures provoquées par les rayons X, conduisent le médecin français Danlos à essayer le radium en thérapeutique dermatologique. Il publie ses résultats en 1903-1904 avec Pierre Curie qui lui avait prêté le radium. En juillet 1906, ouvre à Paris la première structure spécialement consacrée à l’étude des applications médicales et biologiques du radium : le laboratoire biologique du radium. En 1913, l’Université de Paris et l’Institut Pasteur ouvrent conjointement un laboratoire consacré au radium, l’Institut du radium, dont le laboratoire traitant des applications biologiques et médicales des radioéléments est dirigé par Claudius Regaud.

À Strasbourg, l’hôpital civil construit entre 1910 et 1914 un bâtiment pour le service central de radiologie principalement dédié au radiodiagnostic mais également à la roentgenthérapie. Ce nouveau service de pointe ouvre en 1913 et la direction de l’hôpital charge Auguste Gunsett d’en assurer la direction. En 1914, la faculté de médecine de la KWU propose un poste de chef de clinique (Oberarzt) pour le service de roentgenthérapie au sein de la clinique gynécologique sans faire appel à Gunsett. C’est Albert Hamm qui occupe ce poste pendant la guerre de 1914 à 1918.

Selon le récit de Gunsett, dans les années 1910, « personne ne parlait de radium » et la curiethérapie était inconnue des médecins (allemands) strasbourgeois. Le radium est introduit à l'hôpital de Strasbourg sur une initiative personnelle du docteur Gunsett au titre de sa fonction de directeur du service central de radiologie. Il s'adresse aux gynécologues de la faculté de médecine de la KWU et réussit à fonder avec eux une association « destinée à l'achat d'une quantité de radium suffisante pour le traitement de certains cancers de l'utérus et de la peau ». Composée de médecins, l’association est constituée le 18 décembre 1913 dans le but de rendre accessible cette innovation thérapeutique mais sans le soutien financier de l’administration des hospices civils. À la veille de la Première Guerre mondiale, dans un Strasbourg allemand, Gunsett aurait pu se procurer du radium à l'usine de Sankt-Joachimsthal, installée en 1903 par le gouvernement autrichien sur le seul gisement connu de pechblende (un minerai riche en uranium) de l’aire culturelle germanique. Or en 1913, il préfère acheter ses premières quantités de radium à Paris, à l’Affaire de la vente de métaux rares d’Armet-de-Lisle. Il le fait vérifier par Marie Curie à l'Institut du Radium. Selon son propre récit, accompagné de son collègue Hans Meyer de Kiel, Gunsett se rend chez Armet-de-Lisle et ramène le radium dans sa poche. À partir de ce moment, il fait fonctionner « un service privé de curiethérapie complètement indépendamment de la faculté de médecine et des hospices civils. » Lorsque la Première Guerre mondiale est déclarée, Auguste Gunsett n’est pas mobilisé. Il accomplit seulement un stage de six semaines dans un hôpital militaire allemand à Saverne en 1915. En 1916, prétextant une affection pulmonaire (en partie réelle et ancienne), il se soustrait au service militaire allemand et se réfugie en Suisse. Il y dirige un sanatorium et passe des examens médicaux cantonaux pour pouvoir exercer la médecine en Suisse. En effet, du fait de sa désertion, il envisage, en cas de victoire allemande, de s’installer en Suisse. Les évènements militaires prennent une autre tournure et après l’Armistice, il rentre en Alsace. En 1919 l’administration des hospices civils le charge de la direction du service de radiologie et de physiothérapie de l’hôpital de Strasbourg. En même temps (1919), il devient Français par réintégration (Alsaciens nés allemands qui restent sur place après 1918). En novembre 1919, le doyen de la nouvelle faculté de médecine française, Georges Weiss (1859-1931), lui propose un poste de chargé de cours de radiologie. La situation matérielle du service central de radiologie de l’après-guerre est difficile. De nombreux pièces d’appareils de radiologie sont prélevées pour faire fonctionner d’autres appareils, la centrale des machines fournissant l'énergie électrique fonctionne mal et il est difficile de se procurer des pièces détachées pour réparer des appareils de construction allemande. Selon le récit rétrospectif de Gunsett, la situation matérielle du service central de radiologie est tellement mauvaise que pendant toute l'année 1920, il assure le radiodiagnostic avec un appareil qui lui appartient personnellement. Il reprend à son compte le radium qu’il avait acheté avec l’association des médecins universitaires allemands et l’utilise pour faire fonctionner son service privé pendant plusieurs années. A la suite de la réorganisation des hospices civils ainsi que de leurs finances par le nouveau directeur adjoint de l’administration nommé en 1920, Joseph Oster (1892-1957), la situation de l'équipement du service central de radiologie commence à s’améliorer à partir de 1921. En effet, au début de l'année 1923, la commission administrative des hospices civils décide l'achat d'une nouvelle quantité de radium. Le 31 mai 1922, le ministre de l’Hygiène et de la Prévoyance sociale nomme une commission dont la tâche est de coordonner les travaux relatifs à l'étiologie, à la pathologie, à l'étude clinique, à la thérapeutique et à la prophylaxie du cancer (Commission du cancer). Cette commission propose également d’équiper Strasbourg d’un Centre régional de lutte anticancéreuse créé par l’arrêté ministériel du 19 novembre 1923. Depuis longtemps membre de l’association française pour l’étude du cancer, Gunsett est nommé directeur du centre régional anticancéreux Paul Strauss en 1924. À la fin des années 1920, il conçoit un certain nombre d’appareils de curiethérapie pour le centre Paul Strauss. Parmi ces innovations se trouve un appareil de télécuriethérapie gynécologique et un appareil de télécuriethérapie ordinaire. Pendant l’entre-deux-guerres, Gunsett revendique un attachement profond à la France. En 1925, il déclare sans ambiguïté que Bergonié est « heureux de trouver en moi un Strasbourgeois attaché à la France.». Dans le même article, il fait preuve d’un certain anti-germanisme en affirmant, à propos d’un congrès à Berlin où Bergonié s’est rendu en 1911 : « Il partit d’ailleurs navré de ce congrès où perçait déjà, malgré une réception des plus correctes, le nationalisme de plus en plus exalté de l’Allemagne. » Il y a très peu de traces de relations entre le centre Paul Strauss et l'Allemagne dans l’entre-deux-guerres. Sous les rubriques « Publications du centre » et « Archives du centre anticancéreux » dans le Strasbourg médical, seul deux articles sont publiés dans des revues allemandes. Entre 1923 et 1939, Gunsett publie une quarantaine d’articles liés à ses recherches thérapeutiques dans les revues Strasbourg médical et Journal de radiologie et d'électrologie. Ses travaux suivent les grandes lignes établies par le Centre anticancéreux de Villejuif et l’Institut du radium de Paris et il reste chargé de cours à la faculté de médecine jusqu’en 1940. Après la création du centre, son activité d’enseignement se développe, notamment avec les cours de perfectionnement sur le cancer qu’il organise tous les deux ans et les conférences qu’il donne devant ses confrères non-spécialistes. Le personnel du centre est réduit ; il n’a que deux assistants : Spack et Sichel. Depuis la fin des années 1920, la Commission générale de propagande de l’office national d’hygiène sociale et la Ligue française contre le cancer organisent chaque année la semaine de défense contre le cancer. En tant que directeur du centre Paul Strauss, Auguste Gunsett participe à cette information, par exemple avec une causerie faite au micro de Radio-Strasbourg, le 29 juin 1932. En 1935, le Centre Paul Strauss traite plus de 1 000 malades par an. Une nouvelle construction du centre est terminée en 1935 et inaugurée par le président de la République, Albert Lebrun, le 18 octobre 1936 [Image]. Dans l’entre-deux-guerres, le Centre Paul Strauss s’équipe progressivement, grâce à des achats de nouvelles quantités de radium réparties en aiguilles et en tubes de platine. [Image] Ils sont financés à la fois par la commission administrative des hospices civils, le département du Bas-Rhin, l’État par le biais du Paris-mutuel et les assurances sociales héritées de l'empire allemand à la fin du 19e siècle dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. En 1931, le centre anticancéreux possède 2 g de radium-élément d'une valeur de 3 millions de francs. Pour les curiethérapies à distance (télécuriethérapie), le centre emprunte 6 g de radium à la société Belge Union Minière du Haut Katanga ainsi que 2 g pour des études spéciales. Avec ses 10 g de radium, le centre Paul Strauss est en 1936 l’un des mieux dotés d’Europe pour ce qui concerne ce métal précieux. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Auguste Gunsett a 63 ans. Éduqué et formé en Alsace allemande, il est devenu français par réintégration et a pris des positions clairement francophiles dans l’entre-deux-guerres. Il possède une fortune personnelle remarquable étant notamment propriétaire d’immeubles à Strasbourg. Son frère est le directeur des sucreries d’Erstein. Il est membre du parti clérical anti-autonomiste régional alsacien (APNA) sans y déployer une activité notable. À Strasbourg, cela fait 30 ans qu’il porte et marque de son empreinte l’organisation de la lutte contre le cancer qui est devenue une cause nationale en France à partir de 1922. Ses principes d’organisation mélangent souvent initiative privée et action publique, et son engagement professionnel témoigne de ses capacités tant de médecin que d’ingénieur d’appareils de radiothérapie. Il est promu devenu officier de la Légion d’honneur pour son engagement médico-administratif. Son poste de directeur du service central de radiologie et son implication dans les soins aux cancéreux font qu’il jouit d’une grande visibilité publique dans le champ de la lutte contre le cancer en Alsace. Par ailleurs, il est prolifique en matière de publications scientifiques si bien qu’il ne rédige pas moins d’une quarantaine d’articles médicaux, publiés notamment dans Strasbourg médical. Il signe également tous les documents relatifs à l’activité du centre et à ses développements. Le nom de Gunsett apparaît dans tous les événements majeurs de la vie du centre et de Strasbourg. Comme le résume une note des renseignements généraux de 1950, il est « très connu dans la capitale alsacienne pour ses sentiments francophiles et, à l’époque, son loyalisme à l’égard de son pays et des institutions républicaines ». En 1939, Strasbourg est évacué. L’hôpital de Strasbourg se retrouve au Hohwald puis à Clairvivre près de Périgueux en Dordogne. Gunsett est toujours directeur du centre anticancéreux Paul Strauss. Dans un premier temps, celui-ci est un centre de fortune. Le 27 septembre 1939, le ministre de la Santé Publique lui écrit : « Vous pouvez demander au préfet de la Dordogne d’imputer sur les crédits des réfugiés la somme nécessaire à la construction d’un puits et d’une baraque en brique destinés au fonctionnement de votre Centre Régional contre le Cancer. » Dans un questionnaire des autorités allemandes Gunsett déclarera concernant cette époque : « Je dus démonter et transporter là-bas [Clairvivre] tout mon matériel de rayons X et de radium et ceci avec les plus grandes difficultés. Je fis remonter là-bas [Clairvivre] toujours avec les plus grandes difficultés tout ce matériel, ce qui me permis de soigner les évacués dans des circonstances extrêmement difficiles ». Le centre anticancéreux fonctionne à Clairvivre sous la direction de Gunsett jusqu’au mois d’août 1940. Dès le 3 juin 1940, alors qu’il se trouve encore à Clairvivre et à sa demande, Gunsett se voit confier, « […] à titre bénévole, la mission d’organiser dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, parmi les populations non évacuées, le dépistage et le triage des malades susceptibles d’être efficacement traités ». C’est la première mention, précoce, de son souhait de retourner en Alsace. Trois semaines plus tard, la France signe l’armistice de Compiègne (22 juin 1940) et l’Alsace annexée de fait passe désormais sous la Zivilverwaltung de Robert Wagner. De son côté, l’ancien directeur de l’hôpital civil, Joseph Oster, qui avait été arrêté par la police française pour ses liens avec Roos est libéré par la Wehrmacht. Signataire du manifeste des Trois épis, demandant le rattachement de l’Alsace au Reich (18 juillet 1940) et attaché aux idées nationales-socialistes, Oster est rétablit dans ses fonctions de directeur de l’hôpital civil désormais sous administration allemande fin août 1940. Le Gauleiter Wagner, Chef der Zivilverwaltung im Elsaß (CdZ), le charge de diriger et de superviser le retour des équipements de l’hôpital civil de Clairvivre à Strasbourg. La biographie d’Auguste Gunsett entre ici directement en résonance avec l’histoire de la demande de retour (Zurückführung) en Alsace des bibliothèques, des équipements et du matériel de l’université de Strasbourg repliés à Clermont-Ferrand. Pour la faculté de médecine, cette demande est d’autant plus complexe que la distinction de ce qui relève des soins (et donc de l’hôpital) et de ce qui relève de l’enseignement et de la recherche (donc de l’université) n’est pas toujours aisée. Le 10 juillet 1940, le CdZ Wagner nomme le directeur de la bibliothèque de Colmar, Franz-Albert Schmitt-Claden, chargé des bibliothèques scientifiques en Alsace (Beauftragter für das gesammte wissenschaftliche Bibliothekswesen im Elsass) avec comme mission principale le retour à Strasbourg de la bibliothèque universitaire et régionale (Universitäts- und Landesbibliothek). Le 23 août 1940, le CdZ Wagner fait la première demande officielle de retour de cette bibliothèque auprès du gouvernement de Vichy. Le gouvernement français refuse de donner suite, étant donné que la Zivilverwaltung d’un territoire annexé de fait n’a pas d’existence selon le droit international. Wagner se tourne alors vers le commandement militaire de Paris qui exerce des pressions sur le gouvernement de Vichy et l’université et menace d’engager des représailles et de saisir des livres et des biens dans les universités de la zone occupée. Le 22 octobre 1940, le gouvernement de Vichy cède sur le principe du renvoi des livres et du matériel alors que le ministre de l’Éducation et de la Culture du pays de Bade, Schmitthenner, nomme Herbert Kraft, national-socialiste de la première heure, chargé de mission pour les retours (Beauftragter für die Rückführung). L’administrateur en chef (Kurator) de la Reichsuniversität Strassburg (RUS) nomme l’enseignant (Dozent) en histoire de l’art et membre du NSD-Studentenbund Hans Fegers chargé de mission pour le retour des livres et du matériel de l’université de Strasbourg en mars 1941. Ce dernier remplacera Kraft par la suite. Muni d’un certificat du commandement militaire, Kraft rencontre le ministre de l’Éducation Georges Rippert et le recteur de l’université de Strasbourg à Clermont Terracher à Vichy. L’université de Strasbourg et le recteur refusent toujours de rendre livres et matériel scientifique. De ce fait, Kraft menace de saisine des bibliothèques de Paris et de Nancy face à cette attitude réfractaire. Un accord écrit rédigé sous la contrainte le 16 novembre, suivi d’un document officiel du gouvernement de Vichy demandant à l’Allemagne d’organiser le retour en Alsace des livres de la BNU, servent alors à faire semblant de respecter le droit international. Le renvoi en Alsace des livres des bibliothèques s’échelonne entre le 12 février et avril 1941. Une nouvelle altercation entre Kraft et le doyen de la faculté des sciences Danjon au sujet du retour des équipements de l’université se termine de manière similaire par un accord ministériel du 12 décembre 1940 et une demande française rédigée sous la contrainte d’organiser le retour du matériel en Alsace. Par contraste avec la situation de l’université, le retour en Alsace de l’hôpital civil est plus rapide et plus précoce. Le rapatriement de la population générale commence avec un premier train le 6 août 1940. Lors du conseil de la faculté de médecine repliée du 17 août 1940, le professeur Léon Ambard constate que le retour des Hospices à Strasbourg est désormais décidé et le professeur Pautrier évoque la question du transfert du radium à Strasbourg. Le procès-verbal de la réunion note à cet effet que « cette question sera examinée lors de la prochaine réunion du Conseil d’administration du Centre anticancéreux ». Le retour de l’hôpital civil de Strasbourg se concrétise entre le 1er septembre et le 21 octobre 1940, c’est-à-dire six mois avant le matériel universitaire. La création à Clairvivre de l’hôpital des réfugiés de la Dordogne, branche de l’hôpital civil administrée par Marc Lucius qui refuse de retourner en Alsace, est actée le 25 septembre 1940. Une note de l’inspecteur principal de police judiciaire Frey datée du 25 juillet 1945, dans le cadre de l’instruction de la Cour de justice de Strasbourg, établit au sujet du rapatriement du radium par Gunsett qu’au mois d’août 1940, le commissaire de la ville de Strasbourg (Stadtkommissar) Ernst et le directeur de l’hôpital Joseph Oster ordonnent à l’hôpital civil de rentrer dans sa « résidence » avec le personnel, les services et le matériel. Cet ordre est transmis à Auguste Gunsett et : « comme il correspondait à ses sentiments intimes et que presque la totalité du personnel voulait revenir en Alsace, il a fait le nécessaire auprès de la commission d’administration des hospices civils de Strasbourg à Clairvivre pour que ses services soient rapatriés. À noter que depuis la défaite française, le docteur Gunsett qui était jusque-là considéré par ses collègues comme un excellent patriote, s’était éloigné de leur milieu, évitant de les voir et de leur parler et on disait alors à Clairvivre qu’il était acquis aux idées nationales-socialistes. » Comme dans le cas de la bibliothèque et du matériel universitaire, la demande de retour en Alsace de l’hôpital, du centre anticancéreux et de son équipement, radium inclus, est rapidement accompagnée de menaces allemandes « de s’emparer de la même quantité de radium à l’Institut Curie de Paris, si l’Administration des Hospices Civils ne cédait pas aux exigences [allemandes] de rapatrier le radium à Strasbourg ». Contrairement aux affaires universitaires, les renseignements concernant le radium sont rapides et précis. Joseph Oster, chargé de mission par le CdZ Wagner pour le retour des équipements de l’hôpital civil, et Auguste Gunsett se connaissent bien puisque le premier a soutenu l’équipement et le développement du service de radiologie du second depuis son arrivée à l’hôpital civil en 1920. En outre, ils connaissent bien à la fois les quantités et la localisation du radium en question. Comme dans le cas des affaires universitaires, le rapatriement est acté de manière officielle comme s’il s’agissait d’une décision française alors qu’il a été obtenu sous la contrainte avec la menace d’une saisie ailleurs en cas de refus. Le procès-verbal de la séance de la Commission Administrative des Hospices Civils de Strasbourg qui s’est tenue à Périgueux le 27 août 1940 déclare : « M. le Dr. Gunsett est autorisé à rentrer à Strasbourg dès le 2 septembre 1940, et à y ramener, outre le stock de radium appartenant aux Hospices civils et au Centre anticancéreux, soit 9 gr 99743 moins les 30 milligrammes [nécessaires aux traitements en cours à Clairvivre], tout l’appareillage de radiodiagnostic et de radiothérapie profonde faisant partie de son service. » Ainsi, Auguste Gunsett rentre avec sa famille à Strasbourg début septembre 1940 et ceci, sans prendre congé de ses collègues. Il rapporte avec lui les appareils radiologiques et le radium et réinstalle son service au sein de l’hôpital civil. Il laisse 30 milligrammes de radium à la disposition de l’hôpital des réfugiés de Clairvivre. Les 9,97 gr qu’il rapporte appartiennent en partie à l’hôpital, en partie à la faculté de médecine et pour une troisième partie à la Union minière du Haut-Katanga à Bruxelles. Le 2 juillet 1940, le ministre de l’Éducation et de la Culture de Bade (Badischer Kultusminister) Schmitthenner demande oralement à Ernst Anrich, vieux alsacien et doyen fondateur de la faculté de philosophie ainsi que cheville ouvrière de la création de la RUS, d’engager les préparatifs pour créer une université allemande à Strasbourg. Quelques jours auparavant, le 29 juin, Robert Ernst, le futur Generalreferent et Oberstadtkommissar, ainsi que le fondateur du Elsaessischer Hilfsdienst (EHD), avait demandé une première liste d’enseignants et de chefs de clinique de l’université française susceptibles d’être réemployés dans la nouvelle université allemande. En octobre 1940, Auguste Gunsett se trouve sur la première liste d’Ernst Anrich. On y trouve les noms des professeurs et chefs de clinique dont les compétences et la fiabilité nationale-socialiste intéressent la Zivilverwaltung pour une reprise d’emploi à la faculté de médecine de la RUS (Medizinische Fakultät, MFRUS). Dès le début, il fait partie des 8 professeurs extraordinaires (Extraordinarien) qu’Ernst Anrich et le doyen de la MFRUS Johannes Stein, nommé doyen « fondateur » depuis le 16 août, envisagent de solliciter. Le 12 octobre 1940, ils transmettent cette liste de noms à Louis Bennmann au service de sécurité de la NSDAP (Sicherheitsdienst, SD) pour examen de leur attitude politique antérieure (politische Überprüfung) et de leur aptitude à servir l’institution allemande.


Repères

Localisations

Nationalités

  • Allemand (1876 - 1919)
  • Français (1919 - 1940)
  • Alsacien (1940 - 1945)
  • Français (1945 - 1970)

Confessions

  • Protestant

Publications

Liens à institutions

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Références

À propos de cette page

Rédaction : ©Marquart