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Paul Meyer

De Commission Historique


Paul Meyer
Paul Meyer

Prénom Paul
Nom Meyer
Sexe masculin
Naissance 8 juin 1896 (Dossenheim-Kochersberg)
Décès 26 mars 1971 (Strasbourg)
Profession du père Enseignant

Profession Médecin

Spécialités Cardiologie


Paul Meyer (1896-1971) est un médecin et cardiologue alsacien qui a servi comme chef de clinique et chef de policlinique à la clinique médicale B de l’université de Strasbourg. Son parcours est intéressant à plus d’un titre notamment parce qu’il est l’un des pionniers de l’électrocardiographie depuis les années 1920, ce qui lui a valu le surnom « Herzmeyer » (soit « Meyer du cœur » pour faire allusion à sa spécialité médicale)[1]. De plus, Paul Meyer est également l’un des Alsaciens et Mosellans qui s’inscrivent dans la continuité observable dans le milieu hospitalier de part et d’autre de la période d’annexion de l’Alsace par le Reich nazi. Comme d’autres médecins autochtones, Meyer a en effet pu retrouver un poste similaire à celui d’avant-guerre au sein de la nouvelle administration allemande et a été nommé, dès la fin de l’année 1940, « médecin-chef provisoire » (kommissarischer Chefarzt) au sein de la clinique médicale A, grâce aux avis favorables des autorités nationales-socialistes en faveur de sa nomination. Conservant ce poste de chef de clinique jusqu’à l’inauguration de la Reichsuniversität Straβburg en 1941 et le cédant à son confrère allemand Gunnar Berg (1907-1974), Meyer devient ensuite assistant scientifique dans la même clinique jusqu’au printemps de l’année 1942. À partir de ce moment-là, il quitte visiblement l’hôpital civil et se consacre plus pleinement à ses activités de médecin de ville, possédant son cabinet de cardiologie en plein cœur du centre-ville de Strasbourg.

Après la guerre, visé par des enquêtes de la section d’épuration de l’Ordre des médecins et des services des Renseignements Généraux, Paul Meyer est lavé de tout soupçon d’intelligence avec l’ennemi et aucune sanction n’est prise à son encontre pour son comportement durant l’Occupation. Reprenant un poste d’attaché à la clinique médicale B, Paul Meyer se forge un nom et une réputation dans le milieu médical et scientifique. Engagé dans le milieu sportif en tant que chef d’un centre médico-sportif strasbourgeois et membre de plusieurs sociétés médicales et scientifiques, Meyer devient chargé de cours à la faculté de médecine de l’université de Strasbourg en 1956. Son parcours scientifique, consacré au développement de l’électrocardiographie, connaît alors une sorte de couronnement par la mise en place d’un enseignement spécialisé proposé aux futurs médecins strasbourgeois, ce qui lui vaut, entre autres distinctions, d’être fait chevalier dans l’ordre des Palmes académiques en 1958.

Biographie


De l'enfance à la carrière médicale à l'Université française de Strasbourg

Originaire du nord de l’Alsace et fils d’un enseignant, Paul Meyer grandit dans sa région natale alors rattachée au Reich wilhelmien et effectue l’ensemble de sa scolarité sous le système éducatif allemand. Âgé de dix-huit ans au début de la Première Guerre mondiale en 1914, il n’est pas mobilisé, mais débute rapidement ses études de médecine à la Kaiser-Wilhelm-Universität qui l’amènent à travailler comme chef de clinique, puis chef de policlinique ainsi que chef du service de cardiographie à la clinique médicale B de l’université française de Strasbourg dans les années 1920-1930. Finalement, avec le début des hostilités en septembre 1939, Paul Meyer est mobilisé dans l’armée française et sert comme médecin-lieutenant dans un hôpital militaire dans les Vosges.

Enfance et scolarité

Figure 2 : Acte de naissance de Paul Meyer (© Mairie de Dossenheim)[2].


Paul Meyer est né le 8 juin 1896 à Dossenheim-Kochersberg, un petit village d’une centaine d’habitants situé dans l’arrondissement de Saverne dans le nord de l’Alsace. À cette époque-là, l’Alsace et la Moselle étaient rattachées à l’Empire wilhelmien et formaient le Reichsland Elsass-Lothringen en application du traité de Francfort (10 mai 1871) mettant fin à la guerre franco-prussienne de 1870-1871. Issu d’un foyer catholique relativement aisé et instruit, Paul Meyer est le fils d’un fonctionnaire. Son père, Alois Meyer, était enseignant (Lehrer) et sa mère, Cäcilia Meyer, née Schott, était femme au foyer[3]. Les origines du couple Meyer ne sont pas connues, mais Alois et Cäcilia – peut-être d’origine alsacienne – s’installent dans le village de Dossenheim-Kochersberg seulement peu de temps avant la naissance de leur premier enfant, prénommé Alfons. Celui-ci, de deux ans l’aîné de Paul Meyer, est né le 26 juillet 1894 à Dossenheim et est décédé le 11 mars 1966 à Ribeauvillé dans le département du Haut-Rhin[4].

Il y a tout lieu de penser que Paul Meyer ait grandi dans sa région natale et qu’il ait accompli l’intégralité de cursus scolaire sous le système scolaire du Second Reich allemand, sans aucun doute jusqu’à l’obtention de son baccalauréat. Une fois diplômé du secondaire, vers l’âge de dix-huit ans, il débute immédiatement ses études de médecine en pleine guerre à la Kaiser-Wilhelm-Universität, l’université allemande de Strasbourg entre 1871 et 1918. En effet, il semble que Paul Meyer n’ait pas été mobilisé dans l’armée allemande pour combattre lors de la Première Guerre mondiale, mais qu’il ait pu poursuivre sans interruption son cursus universitaire de médecine. Avec le rattachement de l’Alsace et de la Moselle au territoire national français à l’issue de la Première Guerre mondiale, Paul Meyer poursuit ses études à l’université française de Strasbourg, jusqu’à la soutenance de sa thèse de doctorat au début des années 1920. On remarque également que dans l’entre-deux-guerres, Paul Meyer approche un parti régional conservateur, l’Union populaire républicaine d’Alsace (UPRA ou Elsässische Volkspartei en allemand), dont il devient membre[5]. Il s’agit du parti politique local le plus important de l’époque qui incarne l’Alsace catholique. Enfin, à après avoir obtenu le titre de docteur en médecine, Paul Meyer obtient rapidement un poste de médecin au sein de la clinique médicale B de l’hôpital civil de Strasbourg.

Début de carrière à la clinique médicale B de l’université française de Strasbourg

À la fin de la Première Guerre mondiale, lorsque l’Alsace redevient française, la France reprend le complexe de l’hôpital civil universitaire et municipal. La clinique médicale B (Zweite medizinische Klinik), créée par la municipalité en mai 1914, faisait partie de ce vaste ensemble, dès lors rattaché à la faculté de médecine française. Dès son rattachement à l’université française de Strasbourg, la direction de la clinique médicale B est confiée au professeur alsacien Léon Blum (1878-1930), qui s’entoure principalement de collaborateurs alsaciens[6]. Très rapidement, Paul Meyer intègre l’équipe de Blum et débute sa carrière scientifique à la clinique médicale B. Entre le mois d’avril 1920 et le mois d’octobre 1923, Paul Meyer y travaille comme médecin assistant. Son poste est renouvelé chaque année en vertu d’arrêtés pris par le conseil de la faculté. Son dossier administratif, conservé dans les archives administratives de la faculté de médecine de Strasbourg, atteste en effet qu’à partir du 1er avril 1920, alors qu’il n’a pas encore vingt-quatre ans, Paul Meyer prend ses fonctions d’assistant à la clinique médicale B d’abord de manière temporaire, avant d’être effectivement « nommé » au même poste pour une durée d’un an à compter du 1er novembre de la même année. Son contrat est renouvelé chaque année, d’abord en étant « délégué », puis encore une fois « nommé » le 1er novembre 1922 pour une année supplémentaire. Pendant cette période, le traitement mensuel de Meyer s’élève à 3600 francs.

Le 1er novembre 1923, Paul Meyer est nommé chef de clinique à la clinique médicale B pour un traitement de 2400 francs. Il conserve ce poste jusqu’en octobre 1924, avant d’assurer brièvement la succession du Dr. M. Carlier en qualité d’assistant à la même clinique entre le 1er novembre et le 31 décembre 1925. Son indemnité est alors portée à nouveau à 3600 francs. Dans le même temps, à compter du 1er novembre 1925, il est « délégué » pour l’année 1925-1926 comme « médecin de policlinique » à la clinique médicale B en remplacement du Dr. Kappler, avec un revenu s’élevant à 4000 francs. Son contrat est enfin renouvelé à compter du 1er novembre 1926 et son traitement est porté à 5000 francs au 1er janvier 1927 en vertu d’un décret émis quelques mois plus tôt[7]. Depuis 1922, en qualité de médecin spécialiste et plus précisément en tant que cardiologue, Paul Meyer occupe également de manière durable le poste de « chef du service électrocardiographique ». En 1926, l’université lui délivre le titre d’« ancien chef de clinique médicale », puis celui d’« ancien chef de policlinique médicale » deux ans plus tard[8].

À partir de 1931, le professeur Leo Ambard (1876-1962) succède à Léon Blum (1878-1930) à la tête de la clinique médicale B. Universitaire et chercheur passionné, Ambard consacre la majeure partie de son temps à des travaux scientifiques sur le fonctionnement rénal, la sécrétion des chlorures, l’hypertension artérielle ou encore le diabète. Il mène à la clinique ses recherches et n’accorde que peu d’attention à la pratique clinique quotidienne. En réalité, il déléguait le soin des patients à ses collaborateurs directs, parmi lesquels Jules Stahl (1902-1984), le futur chef de clinique, ainsi que les médecins Jean-Émile Kappler et Paul Meyer. Toujours affecté à la policlinique médicale (dépendant de la clinique médicale B), Meyer est un médecin de terrain, constamment en lien avec les patients. Par ailleurs, il est également un chercheur passionné, qui développe à Strasbourg l’électrocardiographie et qui introduit l’E.C.G. dans la capitale alsacienne dans les années 1930[9]. En fait, pendant près de vingt ans, Paul Meyer travaille comme médecin à la clinique, jusqu’à sa mobilisation dans l’armée française avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en septembre 1939.

Médecin militaire français durant la guerre de 1939-1940

En ce qui concerne la conscription pourtant obligatoire, le dossier personnel administratif de Paul Meyer conservé aux archives de la faculté de médecine de Strasbourg indique qu’il avait été « réformé » du service militaire pour avoir atteint la « limite d’âge ». Né en 1896, Paul Meyer faisait partie de la classe 1916 et a manifestement pu repousser la conscription en raison de ses études médicales et de ses activités à la clinique. Ainsi, hormis un « service légal » qu’il aurait effectué sur « plusieurs périodes », Meyer n’a pas fait ses classes. En revanche, avec l’ordre de mobilisation générale promulgué en septembre 1939 par le gouvernement français, Paul Meyer est mobilisé dans l’armée française à compter du 11 septembre 1939. Versé dans le corps médical en qualité d’officier, il sert pendant dix mois avec le grade de médecin-lieutenant. Il est plus précisément affecté à « l’hôpital complémentaire de Saint-Joseph » à Épinal dans les Vosges jusqu’à ce qu’il soit fait prisonnier de guerre par les troupes allemandes. Quelques jours après la signature de l’armistice, Paul Meyer est libéré dès le 28 juin 1940[8]. Rendu à la vie civile, Meyer retourne en Alsace et effectue des démarches pour retrouver un emploi dans une Alsace redevenue allemande.


L'emploi à la Reichsuniversität Straβburg

Dès l’hiver 1940, Paul Meyer parvient à obtenir un poste de médecin au sein des hospices civils placés sous administration allemande avec l’annexion de fait de l’Alsace au Reich. Nommé « médecin-chef par intérim », Meyer dirige la clinique médicale A, alors composée essentiellement de médecins alsaciens. Obtenant des autorités nationales-socialistes (Kreisleitung' du parti nazi, Sicherheitsdienst et Gauleitung) les autorisations nécessaires et de pratiquer la médecine et d’être employé dans le milieu hospitalier allemand, Paul Meyer est l’un des médecins alsaciens et mosellans qui s’inscrivent dans la continuité des personnels soignants réinvestis à un poste hospitalier par les Allemands.

La réhabilitation par les autorités allemandes et nationales-socialistes

Un tel recrutement, après la guerre de 1939-1940 et l’annexion de fait de l’Alsace et de la Moselle au territoire du IIIe Reich qui s’en est suivie, ne doit rien au hasard. En effet, avec l’importation en Alsace du régime national-socialiste, de sa politique, de ses instances et de son administration, l’ancienne région française est désormais régie par le Chef de l’administration civile en Alsace (Chef der Zivilverwaltung im Elsass ou Gauleitung), à savoir le Gauleiter Robert Wagner. Par une ordonnance qu’il émet le 13 juillet 1940 par l’entremise du département médical de la Gauleitung (et qu’il fait publier dans la presse locale), Wagner impose à tout médecin de se présenter sans délai à la Gauleitung, dans le bâtiment de l’ancienne préfecture, pour obtenir l’agrément permettant de s’établir comme médecin et ainsi d’exercer sa profession. Dès lors, pour pouvoir travailler comme médecin en Alsace, il fallait en avoir l’autorisation de la part de la nouvelle administration nationale-socialiste, ce qui constituait en soi une première étape de sélection du personnel soignant en poste dans cette nouvelle région allemande[10].

Ayant obtenu l’approbation de la Gauleitung, Meyer est réinvesti dans son poste de chef de clinique aux hospices civils. Grâce aux archives administratives retrouvées, il reprend du service au moins à compter du mois de décembre 1940. En effet, au début de chaque mois, le directeur général des hospices civils de Strasbourg, le Dr. Joseph Oster (1892-1957), transmettait par courrier au Dr. Sprauer, le chef du département de la police et de l’administration au sein de la Gauleitung, une liste du personnel médical alors en fonction à l’hôpital civil. Malgré les lacunes dans la conservation de ces listes, il est certain que Paul Meyer est médecin à la clinique médicale dès le 1er décembre 1940. Sur ce document, qui contient les noms, les fonctions, les titres et les attributions de services de chacun des médecins et assistants, Meyer figure déjà parmi les huit médecins travaillant à la clinique médicale A (medizinische Abteilung A). Plus précisément, Meyer est le « chef de clinique provisoire » (kommissarischer Chefarzt) et à ce moment-là, le service qu’il dirige est composé de six médecins-assistants (Assistenzärzte), les Drs. René Piffert, Théodore Uhl, Paul Matthis, Edgar Riesser, Karl Maurer, Josef Babillotte, ainsi d’un radiologue en la personne du Dr. Friedrich-August Schaaf (1894-1952)[11].

Dans les mois qui suivent et qui correspondent à la phase préparatoire de la création de la Reichsuniversität Straβburg, Paul Meyer parvient à conserver son poste qu’il occupe par intérim, ce qui suggère que l’administration cherchait tout de même à confier cette fonction à un autre médecin, un docteur allemand de toute évidence[12]. D’ailleurs dans ce contexte, on remarque qu’il reste en fonction même après le rattachement de l’ensemble des établissements de l’université de Strasbourg utilisés « pour soigner de la population » dans le giron de la Gauleitung qui en assurait alors l’administration provisoire à compter du 1err avril 1941. Une ordonnance du Gauleiter Robert Wagner, émise le 31 mars et entrant en vigueur le lendemain, prévoit en effet leur gestion par le département « Éducation, enseignement et instruction du peuple » (Abteilung Erziehung, Unterricht und Volksbildung) de la Gauleitung. Tous ces établissements sont alors réunis sous le terme générique de « cliniques hospitalo-universitaires de l’université de Strasbourg » (klinische Anstalten der Universität Straβburg), dans l’attente de la création de la Reichsuniversität Straβburg[13]. Ainsi, durant toute l’année 1941, Meyer dirige la clinique médicale A, avant de céder son poste de chef de clinique à un Allemand, le Dozent Dr. Gunnar Berg (1907-1974), probablement avec l’inauguration de la Reichsuniversität Straβburg en novembre 1941 – et de basculer dans la clinique médicale B (Abteilung II)[14]. Toutefois, en vue de la création de la Reichsuniversität Straβburg à l’automne 1941, le doyen de la faculté de médecine, Johannes Stein, avait chargé les autorités compétentes de la Gauleitung et du SD de mener une enquête politique afin de vérifier si Meyer était effectivement apte à travailler au sein de la nouvelle université nationale-socialiste de Strasbourg.

L’examen politique : un médecin « compétent » et « loyal »

Comme l’exige la procédure dans le recrutement d’Alsaciens et de Mosellans postulant un emploi au sein de la Reichsuniversität Straβburg, le docteur Paul Meyer n’échappe pas à l’évaluation politique (politische Beurteilung) par les autorités nationales-socialistes compétentes. Il s’agit une enquête menée par les services administratifs de la direction du parti nazi (Kreisleitung) et du SD (Sicherheitsdienst) qui prennent en compte son caractère de manière générale, ses compétences professionnelles, mais surtout ses éventuels engagements politiques d’avant 1940 (afin de vérifier qu’il n’y ait pas de traces rédhibitoires de sentiments francophiles ou antiallemands) et son attitude actuelle vis-à-vis de la germanité et de l’Allemagne nazie. Dans le cas de Meyer, l’enquête est initiée le 9 août 1941 sur la demande du doyen de la faculté de médecine, Johannes Stein (1896-1967). À cet effet, il contacte le bureau du service du personnel (Personalamt) au sein de l’administration civile en Alsace (Gauleitung) pour engager la procédure d’évaluation. Deux jours plus tard, le 11 août, le chef du bureau du personnel au sein de l’administration civile en Alsace charge son homologue de la Kreisleitung du parti nazi de Strasbourg. Il est dès lors clairement indiqué qu’il s’agit de vérifier si Meyer est effectivement apte à être « employé comme chef de clinique par intérim à la clinique médicale A »[15]. Quelques semaines plus tard, le 1er septembre 1941, le Dr. Ludwig Benmann du Sicherheitsdienst (SD) rédige un rapport préliminaire très positif d’un point de vue national-socialiste. Il écrit : « Bon comportement, professionnellement excellent, n’a jamais été francophile, adhésion positive à la germanité »[16]. Le lendemain, certainement sur la base des renseignements fournis par le SD, les bureaux de l’antenne locale du parti nazi (Kreisleitung) rédigent leur rapport détaillé. Le renvoyant aux bureaux du Gauleiter, les fonctionnaires nazis avalisent sans la moindre objection d’ordre politique ou idéologique le recrutement de Paul Meyer dans l’institution hospitalo-universitaire nationale-socialiste. Le rapport, signé par le Kreisleiter et le Kreispersonalamtsleiter, précise les points suivants :

tra:Tableau Paul Meyer 1


tra:Tableau Paul Meyer 2


De plus, on remarque qu’entretemps, l’enquête a également été confiée au Sipo-SD de Strasbourg. Celle-ci transite notamment par le bureau du SS-Obersturmbannführer Paul Hirschberg (1901-1999), un Alsacien qui est non seulement un SS et un membre du parti nazi de longue date, mais qui est également chef de l'Einsatzkommando III/1 du Sipo-SD. S’il rédige et signe habituellement de sa propre main ce genre de rapport d’enquête, dans le cas de Paul Meyer, c’est l’un de ses subalternes, un SS-Untersturmführer, qui fait parvenir le compte-rendu au service du personnel de la Gauleitung. Le rapport, daté du 26 août 1941 est à nouveau particulièrement positif :

« Dès avant l’annexion (Eingliederung), Meyer était membre du parti populaire alsacien. Il est aujourd’hui membre du NSKK et fait partie de la SS où il est un membre bienfaiteur. Il n’y a aucune objection d’ordre politique, caractériel ou idéologique à l’emploi prévu »[17].

Enfin, après avoir réceptionné les différents rapports circonstanciés, détaillés mais également favorables de la Kreisleitung du parti nazi et du Sipo-SD, la Gauleitung renvoie à Stein son avis final sur le recrutement de Meyer à l’hôpital civil de Strasbourg. Le 11 septembre 1941, elle transmet son rapport qui avalise le recrutement de Meyer au sein de la clinique hospitalo-universitaire, puisque celui-ci a satisfait à toutes les exigences du nouveau régime, tant du point de vue politique, idéologique que professionnel :

« Meyer était déjà membre du parti populaire alsacien avant l’annexion. Il est membre du NSKK et fait de plus partie de la SS comme membre bienfaiteur. Je n’ai aucune objection à son emploi comme chef de clinique par intérim »[18].

Ainsi, aux yeux des autorités civiles et politiques, non seulement le passé, mais également le comportement actuel de Paul Meyer est jugé irréprochable. Son absence de sentiments francophiles, caractérisés par son adhésion au parti populaire alsacien (Union populaire républicaine) dans l’entre-deux-guerres ainsi que son ralliement progressif aux mouvements et organismes du parti national-socialiste importés en Alsace participent à l’image positive qu’il reflète au sein de l’administration allemande. Grâce aux résultats de cette évaluation politique positifs en tous points de vue, Meyer parvient à conserver son poste au sein de la Reichsuniversität Straβburg inaugurée quelques semaines plus tard.

Départ du milieu hospitalier

Après avoir pu conserver son poste de médecin-chef à la clinique médicale A de l’hôpital civil allemand entre la fin de l’année 1940 et la fin de l’année 1941, Paul Meyer est ensuite rattaché à l’Abteilung II de la Medizinische Klinik à la suite de la création de la Reichsuniversität Straβburg en novembre 1941. Cédant sa place au Dozent allemand Gunnar Berg (1907-1974), il dégradé à un poste d’assistant scientifique (wissenschaftlicher Assistent), au moins à partir du 1er janvier 1942[19]. Étonnement, Meyer ne reste que très peu de temps en fonction à la Reichsuniversität Straβburg, puisqu’il disparaît des listes du personnel dès le mois d’avril 1942. En effet, la dernière liste sur laquelle figure le nom de Meyer est celle du 1er mars 1942. Il faut aussi mentionner qu’au même moment, le nom du Dr. Else Heyl est déjà inscrit parmi le personnel de la clinique en qualité d’assistante scientifique et il est précisé que son recrutement en tant que tel était alors en cours (beantragt)[20]. Cela signifie probablement qu’il était prévu de remplacer Meyer à son poste d’assistant scientifique d’autant que, par la suite, le nom du Dr. Paul Meyer n’est plus indiqué sur les listes du personnel des cliniques hospitalo-universitaires de la Reichsuniversität Straβburg que nous avons pu rassembler[21].

En réalité, il y a tout lieu de penser que Paul Meyer travaille, à partir de 1942 et jusqu’à la fin de la guerre, comme médecin conventionné (niedergelassener Arzt mit Kassenzulassung). Une lettre de dénonciation rédigée en 1945 par une patiente (« cliente ») du Dr. Meyer au sujet du comportement douteux sous l’Occupation de la cuisinière du docteur, une « authentique boche » qui s’avère être une « intrigante » et qui n’aurait pas « sa place […] chez un docteur où [se] fréquentent des braves gens ». Dans cette lettre, qui invite les enquêteurs à interroger le Dr. Meyer et ses employés de maison, on apprend que Paul Meyer était « domicilié à Strasbourg, Place Brandt, dans l’ancienne maison Charles Kieffer ». Déjà connu sous le surnom de Herzmeyer, il avait visiblement établi son cabinet de cardiologie dans son logement, où il entretenait d’ailleurs un « personnel […] très restreint ». Cette patiente décrit le « ménage » comme étant composé d’un concierge, d’une femme de ménage, d’une secrétaire et la cuisinière que le Dr. Meyer « couve […] comme une mère poule ses poussins »[22]. Enfin, il y a tout lieu de penser que Paul Meyer ne fait l’objet d’aucune mesure de rééducation ou de mutation en Allemagne, mais il a eu l’autorisation d’exercer ses activités de cardiologue dans son cabinet de la place Brandt à Strasbourg pendant les dernières deux années et demie de l’annexion allemande[8].


L'après-guerre

Après la guerre, Paul Meyer reprend ses activités à la clinique médicale B et ses recherches en cardiologie en cumulant avec sa pratique médicale privée. Visé par une enquête par la section d’épuration de l’Ordre des médecins sur son attitude durant l’occupation allemande, Meyer n’est frappé d’aucune sanction, ce qui lui permet de conserver son poste. Il travaille comme attaché au service de policlinique médicale de la clinique médicale B et collabore avec le professeur Jules Stahl, avant d’obtenir une mission de conférencier dans le domaine de l’électrocardiographie et ainsi de participer à la modernisation l’enseignement dispensé aux étudiantes et étudiants en médecine à Strasbourg. Médecin compétent et apprécié, mais également chercheur consciencieux et pionnier de l’électrocardiographie, Paul Meyer est également distingué par plusieurs médailles et décorations honorifiques.

La procédure d’épuration de l’Ordre des médecins

À la fin de l’année 1946, la section d’épuration de l’Ordre des médecins d’Alsace, sise au 3 rue du Palais à Strasbourg, ouvre une procédure instruction à l’encontre du docteur Paul Meyer. Le 11 décembre 1946, le président de la section d’épuration des médecins écrit un courrier au commissaire principal des Renseignements Généraux pour l’informer de l’ouverture d’une enquête contre Meyer « au sujet de son attitude pendant l’occupation allemande ». Pour pouvoir compléter le dossier, la section d’épuration de l’Ordre des médecins sollicite en réalité les services des Renseignements Généraux pour vérifier si ces derniers « possèdent un dossier contre ce médecin » et s’il est possible de l’examiner le cas échéant[23].

Quelques semaines plus tard, le 2 janvier 1947, le commissaire principal confirme l’existence d’un tel dossier « au nom de ce praticien » dans les archives des Renseignements Généraux et que celui-ci allait être mis à la disposition de la section d’épuration « pour une consultation sur place ». Selon une mention ajoutée de manière manuscrite sur cette même lettre de réponse, le dossier a été consulté par un médecin de la commission le 1er février 1947[24]. Ce dossier, aujourd’hui conservé aux archives départementales du Bas-Rhin sous la cote 1558 W 66, ne contient que neuf pièces. Il s’agit, en grande majorité, de documents datant de l’époque allemande et plus précisément des documents relatifs à l’évaluation politique (politische Beurteilung) effectuée à l’été 1941.

Au regard du peu de renseignements retrouvés et surtout de l’absence de témoignages à charge contre Meyer, l’ordre des médecins ne sollicite aucune sanction à l’encontre de Meyer et son cas n’est pas non plus renvoyé devant une cour de justice civile ou civique, comme c’était souvent le cas lors de l’Épuration. Le dénouement positif de l’enquête de la commission d’épuration de l’Ordre des médecins est confirmé quelques années plus tard, lors d’une autre enquête confiées aux Renseignements Généraux en vue de l’attribution d’une médaille honorifique (cf. infra). En effet, en 1950, le nouveau rapport indique que Paul Meyer n’a « déployé aucune activité politique » durant l’Occupation et que son « comportement général n’a pas donné lieu à [des] remarques défavorables ». Enfin, il est rappelé que « la section d’épuration, ayant eu à statuer sur son cas, n’a demandé aucune sanction à son encontre »[25]. Profitant de l’abandon des poursuites, Paul Meyer reprend ses activités médicales et scientifiques, oscillant entre sa pratique privée, sa pratique hospitalière et une charge d’enseignement.

La reprise des activités comme médecin attaché à la clinique médicale B

Médecin de ville

Après la guerre, il semble que l’activité principale de Paul Meyer ait été la gestion d’un cabinet privé de cardiologie établi en ville dans son propre logement. Installé au 1, allée de la Robertsau à Strasbourg, Meyer possède sa patientèle et assure des consultations uniquement sur rendez-vous. Selon les lettres et papiers à en-tête retrouvés, Paul Meyer indiquait dans ses échanges épistolaires son titre d’« ancien chef de clinique » et sa spécialisation dans les « maladies du cœur et de la circulation », ajoutant également « rayons X » et « électrocardiographie ».

Figure 3 : Papier à en-tête du Dr. Paul Meyer © Archives de la faculté de médecine de l’Université de Strasbourg (dossier administratif de Paul Meyer)


En plus de ses activités de médecin privé, le docteur Paul Meyer fait également partie de plusieurs commissions et sociétés médicales. Il est notamment membre de la commission nationale de qualification en cardiologie et membre titulaire de la société française de cardiologie. Par ailleurs, il met aussi à profit ses compétences médicales et spécialisées pour le milieu sportif et devient « chef du centre médico-sportif », probablement le centre médico-sportif de la Meinau, situé à Strasbourg dans le quartier de la Meinau et qui prend essentiellement en charge les sportifs blessés (de la prévention à la rééducation)[8].

Médecin attaché

S’il exerce comme cardiologue privé à Strasbourg, il y a tout lieu de croire que Paul Meyer n’ait jamais véritablement quitté le milieu hospitalier, dans lequel il travaille depuis les années 1920. En effet, à l’occasion de l’établissement d’un dossier administratif pour devenir chargé de cours à la faculté de médecine de Strasbourg en 1955, il indique dans un formulaire qu’il occupe le poste de « chef de service électrocardiographique de la clinique médicale B depuis 1922 (Prof. L. Blum, Prof. Ambard, Prof. Stahl) ». Il ne précise aucune date de « cessation de service », mais indique bien en 1955 que cela faisait déjà « 33 » ans qu’il occupe ce poste[8]. L’itinéraire précis du Dr. Meyer après la guerre n’est pas précisément documenté. Seules des sources éparses permettent de le localiser et d’identifier certaines de ses activités et de ses attributions de service. On trouve par exemple une trace de sa présence à la clinique médicale B grâce au dossier médical d’un patient de la clinique psychiatrique de Strasbourg, Roger Claudel, né le 5 août 1925 à Senones et décédé le 1er juillet 2001 à Saint-Dié-des-Vosges. Cet ancien déporté avait été hospitalisé à la clinique du 18 mars au 3 avril 1947 sur demande de son médecin, le Dr. Frédéric Rose, à la suite d’une « violente crise nerveuse » qu’il a pu « difficilement calmer ». Ce dernier souhaitait un « avis » spécialisé et « confier en observation » son patient aux lourds antécédents[26]. Justement, Claudel avait été déporté avec son père en 1944 (ce dernier étant mort en déportation), il avait été interné dans plusieurs camps nazis (Dachau, Buchenwald et Auschwitz) et avait contracté le typhus, la dysenterie et avait été maltraité[27]. Après la guerre, Claudel était « très affaibli, fatigué, amaigri » et faisait notamment des « cauchemars où il revi[vai]t sa vie de déportation ». Tout ceci pris en compte, il passe quelques jours en observation à la clinique psychiatrique et signale aux médecins une perte de mémoire et plus particulièrement une amnésie depuis le début de sa crise jusqu’au « moment où il a pris place dans l’auto qui l’amena ici », si bien que le personnel de la clinique décide de lui faire faire une série d’examens médicaux pour compléter le diagnostic[28]. Ainsi, le 31 avril 1947, Claudel est transféré de la psychiatrie à la clinique médicale B et c’est précisément Meyer qui est chargé de s’occuper de lui pour l’examen médical et cardiologique. Dans son compte-rendu, auquel il joint le tracé de l’électrocardiogramme, Meyer précise qu’il a remarqué de « légers troubles de la conductivité atrio-ventr[iculaire] », ainsi qu’une « déviation assez prononcée de l’axe de QRSS et de T vers la gauche ». Enfin, il fait la constatation suivante : « cœur en position transverse ou hypertrophie gauche »[29]. Notons au passage que d’autres examens ont été réalisés le même jour, notamment par le laboratoire de la clinique médicale B ainsi que par la clinique oto-rhino-laryngologique[30]. Retournant ensuite en psychiatrie, le patient est par la suite renvoyé dans son foyer avec une lettre du médecin de la clinique psychiatrique qui précise qu’il a été soigné pour des « troubles nerveux (neurasthénie avec épisode confusionnel transitoire) dont il est légitime d’attribuer l’origine à sa déportation en Allemagne », ce qui montre également de manière singulière les séquelles portées par les anciens déportés de leur déportation dans les camps de concentration nazis[31].

Par ailleurs, la présence de Paul Meyer après-guerre dans l’équipe soignante de la clinique médicale B dirigée par Jules Stahl (1902-1984) est également clairement évoquée dans l’ouvrage collectif de Jacques Héran sur l’Histoire de la médecine à Strasbourg (1997). Dans la partie rédigée par Marc Dorner (un collaborateur de Jules Stahl et donc confrère de Meyer à cette époque) et Henri Jahn (également membre de l’équipe de Jules Stahl à la clinique), le cardiologue Paul Meyer, dit Herzmeyer, figure parmi les noms cités de ceux qui forment l’équipe de Jules Stahl à la fin des années 1960. En fait, après le départ en retraite de Léo Ambard en 1947, le barrois Jules Stahl lui succède à la direction de la clinique pendant plus d’un quart de siècle, jusqu’en 1974. S’étant entouré d’anciens collaborateurs, il garde à ses côtés le radiologiste Charles Maurer, le cardiologue Paul Meyer – auquel succède Henri Metzger –, ainsi que les internistes Paul Carlier, Étienne Mérian, Henri Halsdorf et Frédéric Stéphan (ce dernier étant également endocrinologue)[32]. Aujourd’hui peu connu du monde médical et scientifique, Paul Meyer dispose d’une petite notice biographique qui lui est consacrée dans cet ouvrage, le présentant comme l’un des pionniers de l’électrocardiographie. André Lévy ajoute : « ses travaux à l’aide d’un dipôle artificiel sur le cadavre lui permirent d’aborder les connaissances des axes intrathoraciques. Et il a décrit le syndrome TV1 > TV6, qui porte son nom aux États-Unis »[33]. Enfin, on remarque que ses travaux sur le syndrome électrocardiographique TV1 supérieur à TV6 sont publiés de manière posthume par son confrère, le docteur Jean-François Merlen, dans les Annales de cardiologie et d’angéiologie en septembre 1971 (soit quelques mois après son décès)[34]. Reconnu par ses pairs et par ses supérieurs pour ses qualités scientifiques, Paul Meyer se voit même confier un mission de conférencier pour présenter aux étudiantes et étudiants de la faculté de médecine de Strasbourg les techniques médicales modernes qu’il maîtrise.

Chargé de cours

Si Paul Meyer travaille comme chef du service d’électrocardiographie à la clinique médicale B depuis les années 1920 et s’il a déjà acquis une grande expérience au cours de sa longue carrière scientifique, ce n’est que tardivement que Paul Meyer reçoit de la faculté de médecine une charge d’enseignement pour partager son savoir et son expertise. Intensifiant à l’été 1955 les contacts et les entretiens avec le doyen de la faculté de médecine, le professeur René Fontaine (1899-1979) – qu’il qualifie d’« Ami » –, Paul Meyer se propose d’« offrir sa collaboration » à la faculté pour proposer de nouveaux enseignements aux étudiants, pour présenter des techniques modernes, mais également pour participer au renouvellement de l’enseignement de la médecine. Le 13 juillet 1955, il écrit au doyen :

« cher Professeur et Ami,

Je me permets de revenir sur notre entretien que nous avons eu ces jours-ci au sujet de l'enseignement de l'électrocardiographie et de la vectographie. Il est certain que ces disciplines ont pris une place de plus en plus importante, aussi bien en médecine qu’en chirurgie, et dans beaucoup de facultés, il existe des cours spéciaux d’électro- et de vectographie.

Si le programme trop chargé des cours ne vous paraît pas permettre pour le moment d'instituer un cours spécial, on pourrait faire entrer dans le cadre de l'enseignement normal des leçons supplémentaires sur l'interprétation vectorielle des tracés électriques.

M'occupant, comme vous le savez, de ces questions depuis toujours et ayant installé un cardiovectographe dans le laboratoire électrocardiographique de la clinique médicale B, je serais tout disposé à vous offrir ma collaboration. Ceci permettrait éventuellement, en attendant que la question du médicat des hôpitaux, soit tranchée, de me faire accorder le titre de chargé d'un cours consacrant les quelques mérites acquis dans ma longue activité scientifique dans les hôpitaux.

En espérant que vous voudriez étudier ma proposition avec bienveillance, je vous prie d'agréer, très honoré Monsieur le Doyen, l'expression de mes sentiments bien dévoués. [P. Meyer] »[35].

Visiblement intéressé par la proposition de Meyer, le doyen de la faculté de médecine, René Fontaine, soumet cette proposition de mettre en place un cycle de de conférences spéciales d’électrocardiographie à l’ensemble du Conseil de la Faculté. Quelques semaines plus tard, le 3 décembre 1956, René Fontaine informe Meyer de la décision unanime du Conseil, qui lui confie une activité d’enseignement médical dans son domaine de compétences et d’expertises. Dans cette lettre, Fontaine écrit :

« Mon cher Ami, je suis heureux de pouvoir vous annoncer que le Conseil de la Faculté, en sa séance du 8 novembre dernier, a été unanimement d'accord pour vous confier les conférences d'électroradiologie [sic. électrocardiologie] dans le cadre de l'enseignement de la clinique médicale B. Veuillez croire, mon cher Ami, à mes sentiments les meilleurs. Le doyen, René Fontaine »[36].

En d’autres termes, la faculté de médecine reconnaît à Meyer ses talents scientifiques et son poids dans le domaine de la cardiologie. Il s’agit sans aucun doute d’un couronnement dans sa longue carrière scientifique. Dans les années 1950, d’autres titres et décorations viennent distinguer son parcours et son engagement au service de la médecine.

Un médecin distingué

En 1950, cinq ans après la guerre, Paul Meyer attire à nouveau l’attention des services préfectoraux et policiers français. Le préfet du Bas-Rhin sollicite une nouvelle enquête auprès de la Direction de la Sûreté Nationale (DGSN) et plus précisément du service des Renseignements Généraux (RG) dans le cadre d’une nouvelle enquête. Toutefois, il ne s’agit en aucun cas d’une enquête disciplinaire ou judiciaire, mais le docteur Paul Meyer, médecin spécialiste établi à Strasbourg, était « proposé pour l’attribution de la médaille d’honneur de l’éducation physique et sportive ». Comme l’exige la procédure, le cabinet du préfet du Bas-Rhin charge le commissaire divisionnaire, chef du service des Renseignements Généraux de rassembler des renseignements « sur l’intéressé, notamment en ce qui concerne son attitude au point de vue national »[37]. Moins de trois semaines plus tard, le chef des Renseignements Généraux retourne au préfet un rapport positif qui met en avant le fait que « les renseignements recueillis sur le susnommé au point de vue national sont favorable et [que] la proposition le concernant mérite d’être prise en considération »[38]. Au dos du rapport, il est brièvement précisé les uniques éléments connus sur son attitude sous l’Occupation à savoir son adhésion au NSKK et à la SS, mais aussi le fait que Meyer n’a pas été l’objet de sanction par la section d’épuration de l’Ordre des médecins. En dernier lieu, le commissaire divisionnaire ajoute la remarque finale suivante : « l’attribution de la médaille d’honneur pour laquelle il est proposé n’est pas susceptible de soulever des critiques », ce qui témoigne de la bonne réputation dont jouit le Dr. Meyer depuis l’après-guerre[38].

Grâce à ce bon rapport, les autorités françaises décident de lui attribuer officiellement cette médaille ministérielle qui récompense les personnes qui se distinguent pour leurs activités particulièrement honorables au service de l’éducation physique et de tout ce qui se rapporte au monde sportif. Même si les documents consultés ne permettent pas de déterminer à quel titre et pour quels mérites Meyer a reçu cette décoration, il est fort probable que ce soit pour ses fonction de chef du centre médico-sportif. Par ailleurs, le dossier administratif de Paul Meyer de la faculté de médecine précise que la « médaille d’or de l’éducation physique et des sports » lui a été attribuée au 21 juillet 1951[8]. Sa fiche personnelle indique également qu’on lui a remis la « médaille d’or de l’éducation physique » en 1953. Enfin, le 1er janvier 1958, Paul Meyer est nommé « chevalier d’académie », ce qui renvoie sans aucun doute à l’ordonnance des palmes académiques[39].

Vie privée

Sur le plan personnel et privé, le docteur Paul Meyer vit dans un appartement situé au 1, allée de la Robertsau à Strasbourg, où il a également établi son cabinet médical. Il reste célibataire pendant quasiment toute sa vie et ce n’est qu’à l’âge de soixante-dix ans qu’il épouse Irma Forth. Le mariage est célébré à Strasbourg le 5 août 1966[3]. Son épouse, Irma Forth, de son nom complet Irma Jeanne Hélène, est née le 22 juin 1909 à Sarreguemines en Moselle (alors annexée au Reich wilhelmien) et est décédée le 25 janvier 2001 à Strasbourg dans sa quatre-vingt-onzième année[40]. Moins de cinq ans après la célébration de leur mariage, Paul Meyer décède à Strasbourg le 26 mars 1971, dans sa soixante-quinzième année[3].


Publications de Paul Meyer

Paul Meyer, Jean-François, « Sur l’intérêt clinique du syndrome électrocardiographique TV1 supérieur à TV6 et des dérivations bipolaires de Pescador-Sainz. Nécessité d’utiliser dans certains cas une électrode bipolaire supplémentaire [Clinical value of the TV1-greater than-TV6 electrocardiographic syndrome and of Pescador-Sainz bipolar leads. Necessity of using in some cases a supplementary bipolar electrode] », Annales de cardiologie et d’angéiologie, septembre 1971, vol. 20, n°5, p. 601-607.

Sources et bibliographie

Sources

ABDR, 1558 W 58, dossier n°4537 (Paul Meyer)

Mairie de Dossenheim, État civil, Acte de naissance de P. Meyer, Acte n°3/1896. Merci à Gérard Schossig pour la mise à disposition du document.

ADBR, 4E101/5, État civil de Dossenheim-Kochersberg, Registre des naissances, 1896, Acte n°3/1896.

ADBR, 4E101/5, État civil de Dossenheim-Kochersberg, Registre des naissances, 1894, Acte n°3/1894.

ADBR, 294 D/B 101, État civil, Dossenheim-Kochersberg, état du recensement au 1er décembre 1885.

ADBR, 126 AL 37, Anordnung, Chef der Zivilverwaltung im Elsass (Gesundheitswesen), 13 juillet 1940.

ADBR, 126 AL 37, dossier 4, Ärzteverzeichnis der Zivilhospizien zu Straβburg, Stand vom 1. Januar 1942

ADBR, 126 AL 114, dossier 10, Ärzteverzeichnis der Zivilhospizien zu Straβburg, Stand vom 1. Dezember 1940.

« Verordnung über die klinischen Anstalten der Universität Straßburg vom 31. März 1941 », in Verordnungsblatt des Chefs der Zivilverwaltung im Elsass, n°12, 4 avril 1941, p. 242.

Dossier médical de Roger Claudel (clinique psychiatrique de Strasbourg), 1947.

Archives de la faculté de médecine de l’université de Strasbourg, Dossier administratif de P. Meyer

Fiche d’Irma Jeanne Hélène Forth sur Politologue.com, via https://deces.politologue.com/forth-irma-jeanne-helene.uOL0hOv0rOLnMG9xgOLO8Gi8AOvYhpv0MOLXUG9k9Ox, [en ligne], consulté le 1er mars 2021.


Bibliographie

Marc Dorner, Henri Jahn, « Clinique médicale B : l’essor », in Jacques Héran, Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 517-518.

Marc Dorner, Henri Jahn, « Clinique médicale B : un haut-lieu de la médecine interne », in Jacques Héran, Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 684-685.

Claude Laplatte, « Les sobriquets des Meyer à Strasbourg », in Revue internationale d’Onomastique, 3e année, n° 3, septembre 1951, p. 210. Disponible sur https://www.persee.fr/doc/rio_0048-8151_1951_num_3_3_2391, [en ligne], consulté le 2 mars 2021.


Repères

Localisations

Nationalités

  • Allemand (1896 - 1919)
  • Français (1919 - 1940)
  • Alsacien (1940 - 1944)
  • Français (1944 - 1971)

Confessions

  • Catholique

Publications

1896-06-08T00:00:00Z
Vie privée
Naissance
1971-03-26T00:00:00Z
Vie privée
Décès
1896-01-01T00:00:00Z
1919-01-01T00:00:00Z
Vie privée
1919-01-01T00:00:00Z
1940-01-01T00:00:00Z
Vie privée
1944-01-01T00:00:00Z
1971-01-01T00:00:00Z
Vie privée
1940-01-01T00:00:00Z
1944-01-01T00:00:00Z
Vie privée
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Références



  1. Marc Dorner, Henri Jahn, « Clinique médicale B : l’essor », , in Jacques Héran, Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 518. Voir aussi Marc Dorner, Henri Jahn, « Clinique médicale B : un haut-lieu de la médecine interne », in Jacques Héran, Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 684-685. Notons au passage que ce sobriquet est déjà repéré en 1951 par Claude Laplatte dans son article « Les sobriquets des Meyer à Strasbourg », in Revue internationale d’Onomastique, 3e année, n° 3, septembre 1951, p. 210. Disponible sur https://www.persee.fr/doc/rio_0048-8151_1951_num_3_3_2391, [en ligne], consulté le 2 mars 2021.
  2. ADBR, 4E101/5, État civil de Dossenheim-Kochersberg, Registre des naissances, 1896, Acte n°3/1896.
  3. 3,0 3,1 et 3,2 ADBR, 4E101/5, État civil de Dossenheim-Kochersberg, Registre des naissances, , 1896, Acte n°3/1896.
  4. ADBR, 4E101/5, État civil de Dossenheim-Kochersberg, Registre des naissances, , 1894, Acte n°3/1894. Les parents Meyer ne sont en effet pas originaires de Dossenheim et ne s’y sont pas mariés non plus. De plus, selon l’état du recensement entrepris en 1885, ni l’un, ni l’autre des parents ou des ancêtres ne demeure à Dossenheim (voir ADBR, 294 D/B 101, État civil, Dossenheim-Kochersberg, état du recensement au 1er décembre 1885).
  5. ABDR, 1558 W 58, dossier n°4537 (Paul Meyer), Rapport du Sipo-SD (Einsatzkommando III/1) à la Gauleitung (Personalamt), 26 août 1941, ; ABDR, 1558 W 58, dossier n°4537 (Paul Meyer), Lettre de la Gauleitung (Personalamt) au doyen de la faculté de médecine de la Reichsuniversität Straβburg, 11 septembre 1941.
  6. Marc Dorner, Henri Jahn, « Clinique médicale B : l’essor », , in Jacques Héran, Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 517.
  7. Archives de la faculté de médecine de l’université de Strasbourg, Dossier administratif de P. Meyer, , Carte du personnel de la faculté de médecine.
  8. 8,0 8,1 8,2 8,3 8,4 et 8,5 Archives de la faculté de médecine de l’université de Strasbourg, Dossier administratif de P. Meyer, , Notice individuelle initiale, 25 juillet 1955.
  9. Marc Dorner, Henri Jahn, « Clinique médicale B : l’essor », , in Jacques Héran, Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 518 ; Marc Dorner, Henri Jahn, « Clinique médicale B : un haut-lieu de la médecine interne », in Jacques Héran, Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 684-685.
  10. ADBR, 126 AL 37, Anordnung, Chef der Zivilverwaltung im Elsass (Gesundheitswesen), 13 juillet 1940.
  11. ADBR, 126 AL 114, dossier 10, Ärzteverzeichnis der Zivilhospizien zu Straβburg, , Stand vom 1. Dezember 1940.
  12. ADBR, 126 AL 114, dossier 10, Ärzteverzeichnis der Zivilhospizien zu Straβburg, , Stand vom 1. Januar, vom 1. März 1941.
  13. « Verordnung über die klinischen Anstalten der Universität Straßburg vom 31. März 1941 », in Verordnungsblatt des Chefs der Zivilverwaltung im Elsass, n°12, 4 avril 1941, p. 242.
  14. ADBR, 126 AL 37, dossier 4, Ärzteverzeichnis der Zivilhospizien zu Straβburg, , Stand vom 1. Januar und 1. März 1942.
  15. ABDR, 1558 W 58, dossier n°4537 (Paul Meyer), Demande de Politische Beurteilung par la Gauleitung à la Kreisleitung der NSDAP de Strasbourg (Personalamt), 11 août 1941.
  16. ABDR, 1558 W 58, dossier n°4537 (Paul Meyer), , Politische Beurteilung, 1er septembre 1941 : « Charakterlich gut,, fachlich vorzüglich, war nie frankophil, Bekenntnis zum deutschen Volkstum positiv ».
  17. ABDR, 1558 W 58, dossier n°4537 (Paul Meyer), Rapport du Sipo-SD (Einsatzkommando III/1) à la Gauleitung (Personalamt), 26 août 1941, : « Meyer hat vor der Eingliederung der elsässischen Volkspartei angehört. Er ist heute Mitglied der NSKK und darüber hinaus gehört er der SS als förderndes Mitglied an. Gegen die vorgesehene Verwendung bestehen in politischer, charakterlicher und weltanschaulicher Hinsicht keine Bedenken ».
  18. ABDR, 1558 W 58, dossier n°4537 (Paul Meyer), , Lettre de la Gauleitung (Personalamt) au doyen de la faculté de médecine de la Reichsuniversität Straβburg, 11 septembre 1941 : « Meyer hat vor der Eingliederung der elsässischen Volkspartei angehört. Er ist Mitglied des NSKK und darüber hinaus gehörte er der SS als förderndes Mitglied an. Gegen seine Verwendung als kommissarischer Chefarzt mache ich Einwendungen nicht geltend ».
  19. ADBR, 126 AL 37, dossier 4, Ärzteverzeichnis der Zivilhospizien zu Straβburg, , Stand vom 1. Januar 1942. Il s’agit de la première liste retrouvée du personnel médical en poste dans les cliniques et instituts après que la Reichsuniversität Straβburg ait été créée le 21 novembre 1941.
  20. ADBR, 126 AL 37, dossier 4, Ärzteverzeichnis der Zivilhospizien zu Straβburg, , Stand vom 1. Januar 1942 und 1. März 1942.
  21. ADBR, 126 AL 37, dossier 4, Ärzteverzeichnis der Zivilhospizien zu Straβburg, , Stand vom 1. April 1942 bis zum 1. November 1943.
  22. ABDR, 1558 W 58, dossier n°4537 (Paul Meyer), , Lettre de dénonciation au commissaire de police, chef du service des Renseignements Généraux de Strasbourg, avril 1945.
  23. ABDR, 1558 W 58, dossier n°4537 (Paul Meyer), , Lettre du président de la section d’épuration des médecins au commissaire principal des Renseignements Généraux, 11 décembre 1946.
  24. ABDR, 1558 W 58, dossier n°4537 (Paul Meyer), , Lettre du commissaire principal des Renseignements Généraux au président de la section d’épuration des médecins, 2 janvier 1947.
  25. ABDR, 1558 W 58, dossier n°4537 (Paul Meyer), Dossier de demande de renseignement en vue de l’attribution de la médaille d’honneur de l’Éducation, 7 juillet 1950.
  26. Dossier médical de Roger C., Lettre du Dr. Rose, 18 mars 1947.
  27. Voir les archives de l’International Tracing System (ITS) de Bad Arolsen. 1.1.5.3, doc. 5689586-5689591 (Buchenwald) ; 1.1.6.2, doc. 10010382-10010383 (Dachau) ; 1.1.6.7, doc. 10628463 (Dachau) ; 1.1.6.12, doc. 128452075 (transfert Dachau-Auschwitz). Documents accessibles via https://collections.arolsen-archives.org/de/, en ligne], consulté le 5 mars 2021.
  28. Dossier médical de Roger C..
  29. Dossier médical de Roger C., Rapport du Dr. Meyer de la clinique médicale B.
  30. Dossier médical de Roger C., Rapport du laboratoire de la clinique médicale B de Strasbourg sur le métabolisme de base et rapport de la clinique oto-rhino-laryngologique, 28 mars 1947.
  31. Dossier médical de Roger C., Rapport de la clinique psychiatrique de Strasbourg, avril 1947.
  32. Marc Dorner, Henri Jahn, « Clinique médicale B : un haut-lieu de la médecine interne », in Jacques Héran, Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 684-685.
  33. Cité dans Marc Dorner, Henri Jahn, « Clinique médicale B : un haut-lieu de la médecine interne », in Jacques Héran, Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 684-685.
  34. Paul Meyer, Jean-François, « Sur l’intérêt clinique du syndrome électrocardiographique TV1 supérieur à TV6 et des dérivations bipolaires de Pescador-Sainz. Nécessité d’utiliser dans certains cas une électrode bipolaire supplémentaire [Clinical value of the TV1-greater than-TV6 electrocardiographic syndrome and of Pescador-Sainz bipolar leads. Necessity of using in some cases a supplementary bipolar electrode] », Annales de cardiologie et d’angéiologie, septembre 1971, vol. 20, n°5, p. 601-607.
  35. Archives de la faculté de médecine de l’université de Strasbourg, Dossier administratif de P. Meyer, , Lettre du Dr. Paul Meyer au doyen René Fontaine, 13 juillet 1956.
  36. Archives de la faculté de médecine de l’université de Strasbourg, Dossier administratif de P. Meyer, , Lettre du doyen René Fontaine au Dr. Paul Meyer, 3 décembre 1956.
  37. ABDR, 1558 W 58, dossier n°4537 (Paul Meyer), , Lettre du préfet du Bas-Rhin au commissaire divisionnaire, chef du service des Renseignements Généraux, 24 juin 1950.
  38. 38,0 et 38,1 ABDR, 1558 W 58, dossier n°4537 (Paul Meyer), , Lettre du commissaire divisionnaire, chef du service des Renseignements Généraux au préfet du Bas-Rhin, 7 juillet 1950.
  39. Archives de la faculté de médecine de l’université de Strasbourg, Dossier administratif de P. Meyer, , Carte personnelle. Concernant les palmes académique, il faut noter que cette carte personnelle a été éditée au moins avant les années 1920 à l’occasion de l’entrée de Meyer dans le corps de l’université de Strasbourg comme assistant à la clinique médicale B en avril 1920. En réalité, cette fiche pré-imprimée contient le champ « officier d’Académie », suivi de pointillés destinés à écrire la date d’attribution de la médaille. Il faut se souvenir que l’ordre des palmes académiques a été institué le 4 octobre 1955 par le président du Conseil Edgar Faure en remplacement de la distinction napoléonienne d’ « officier d’Académie », créée en 1908.
  40. Voir la fiche d’Irma Jeanne Hélène Forth sur Politologue.com, via https://deces.politologue.com/forth-irma-jeanne-helene.uOL0hOv0rOLnMG9xgOLO8Gi8AOvYhpv0MOLXUG9k9Ox, [en ligne], consulté le 1er mars 2021.