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Différences entre les versions de « Annemarie Buresch »

De Commission Historique
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Le nom d’Annemarie Buresch apparaît aussi à plusieurs reprises dans des échanges épistolaires entre les services administratifs de la ''Reichsuniversität Strassburg'' et les pouvoirs politiques de l’administration civile en Alsace (''Gauleitung''). En effet, en 1944, les autorités civiles et militaires continuent de faire pression sur les établissements de santé en Alsace afin que ceux-ci se séparent d’un certain nombre de médecins, qu’ils soient Alsaciens ou non, non seulement pour des impératifs militaires (avec l’extension de la conscription à plusieurs classes d’âges), pour des mesures rééducatives des Alsaciens (formation outre-Rhin), mais surtout pour permettre d’assurer des soins de qualité aux populations civiles du Reich. En effet, le 12 avril 1944, la ''Gauleitung'' adresse à tous les ''Staatliche Gesundheitsämter'' d’Alsace une requête en ce sens. Le courrier précise :
Le nom d’Annemarie Buresch apparaît aussi à plusieurs reprises dans des échanges épistolaires entre les services administratifs de la ''Reichsuniversität Strassburg'' et les pouvoirs politiques de l’administration civile en Alsace (''Gauleitung''). En effet, en 1944, les autorités civiles et militaires continuent de faire pression sur les établissements de santé en Alsace afin que ceux-ci se séparent d’un certain nombre de médecins, qu’ils soient Alsaciens ou non, non seulement pour des impératifs militaires (avec l’extension de la conscription à plusieurs classes d’âges), pour des mesures rééducatives des Alsaciens (formation outre-Rhin), mais surtout pour permettre d’assurer des soins de qualité aux populations civiles du Reich. En effet, le 12 avril 1944, la ''Gauleitung'' adresse à tous les ''Staatliche Gesundheitsämter'' d’Alsace une requête en ce sens. Le courrier précise :


« Avec le manque considérable de personnel médical, les difficultés liées à la mise à disposition de médecins suffisamment formés sur le plan clinique sont toujours plus grandes. Il n’est plus possible de continuer à envoyer des jeunes médecins au service médical obligatoire pour exercer la médecine seuls, alors qu’ils ont à peine reçu leur Approbation et qu’ils ne sont pas aptes, en termes d’expérience, à exercer seuls ni à assumer des responsabilités si rapidement après l’obtention de l’examen médical d’État […]. Le Reichsgesundheitsführer a ainsi ordonné que l’on commence immédiatement à transférer les médecins assistants qui ont déjà travaillé pendant une plus grande période en milieu hospitalier et en cliniques. Une exception pourra être accordée uniquement pour les médecins assistants qui ont été promus au rang de chef de clinique (Oberarzt) ou qui sont pressentis en raison de compétences particulières à présenter une habilitation, à occuper un poste de médecin-chef (Chefarzt) ou une tout autre position supérieure » .
« Avec le manque considérable de personnel médical, les difficultés liées à la mise à disposition de médecins suffisamment formés sur le plan clinique sont toujours plus grandes. Il n’est plus possible de continuer à envoyer des jeunes médecins au service médical obligatoire pour exercer la médecine seuls, alors qu’ils ont à peine reçu leur Approbation et qu’ils ne sont pas aptes, en termes d’expérience, à exercer seuls ni à assumer des responsabilités si rapidement après l’obtention de l’examen médical d’État […]. Le ''Reichsgesundheitsführer'' a ainsi ordonné que l’on commence immédiatement à transférer les médecins assistants qui ont déjà travaillé pendant une plus grande période en milieu hospitalier et en cliniques. Une exception pourra être accordée uniquement pour les médecins assistants qui ont été promus au rang de chef de clinique (''Oberarzt'') ou qui sont pressentis en raison de compétences particulières à présenter une habilitation, à occuper un poste de médecin-chef (''Chefarzt'') ou une tout autre position supérieure » .
L’administrateur en chef de la Reichsuniversität Strassburg, Richard Scherberger, ayant été destinataire de ce courrier, est chargé de sa mise en application pour les médecins de la faculté de médecine. Il sollicite alors tous les directeurs de cliniques et d’instituts de l’université afin qu’ils établissent une liste de leurs assistants et qu’ils signalent les noms de ceux qui y travaillent depuis un an, depuis deux ans et depuis trois ans ou plus. Ayant récupéré toutes les réponses des directeurs, le Kurator Scherberger rend son rapport à la Gauleitung le 29 juillet 1944, fournissant une liste comprenant tout de même cinquante-sept noms de médecins dont la faculté de médecine pourrait, en principe, se séparer s’il fallait appliquer strictement les mesures officielles. Réparti par cliniques voire services, le rapport contient bien le nom du Dr. Annemarie Buresch qui possède une expérience clinique supérieure à trois ans, tout comme son confrère alsacien Auguste Lieber . Les tractations se poursuivent entre l’université, les directeurs de cliniques et les autorités de la Gauleitung pour savoir quels médecins pouvaient effectivement être soustraits à la clinique : un mois plus tard, le Kurator indique avoir à nouveau redemandé aux directeurs « les noms des femmes médecins de leurs établissements qui pouvaient être remplacées par des femmes médecins plus jeunes », de même que les hommes dont un « échange pouvait être envisagé avec des médecins plus âgés qui se trouvent alors sur le front ». La réticence des directeurs de cliniques et d’instituts se traduit par une absence de réponse à la question posée, mais uniquement par l’envoi d’une liste de celles et ceux dont l’envoi en Allemagne était impossible, soit parce qu’ils avaient quitté l’hôpital, soit parce qu’ils étaient malades voire en congé. C’est d’ailleurs cette dernière raison qui est invoquée dans le cas du Dr. Buresch, puisqu’elle bénéficie alors d’un congé de maladie .  


Une éventuelle « participation » aux projets d’Otto Bickenbach en 1945 ?
L’administrateur en chef de la ''Reichsuniversität Strassburg'', Richard Scherberger, ayant été destinataire de ce courrier, est chargé de sa mise en application pour les médecins de la faculté de médecine. Il sollicite alors tous les directeurs de cliniques et d’instituts de l’université afin qu’ils établissent une liste de leurs assistants et qu’ils signalent les noms de ceux qui y travaillent depuis un an, depuis deux ans et depuis trois ans ou plus. Ayant récupéré toutes les réponses des directeurs, le Kurator Scherberger rend son rapport à la ''Gauleitung'' le 29 juillet 1944, fournissant une liste comprenant tout de même cinquante-sept noms de médecins dont la faculté de médecine pourrait, en principe, se séparer s’il fallait appliquer strictement les mesures officielles. Réparti par cliniques voire services, le rapport contient bien le nom du Dr. Annemarie Buresch qui possède une expérience clinique supérieure à trois ans, tout comme son confrère alsacien Auguste Lieber . Les tractations se poursuivent entre l’université, les directeurs de cliniques et les autorités de la ''Gauleitung'' pour savoir quels médecins pouvaient effectivement être soustraits à la clinique : un mois plus tard, le Kurator indique avoir à nouveau redemandé aux directeurs « les noms des femmes médecins de leurs établissements qui pouvaient être remplacées par des femmes médecins plus jeunes », de même que les hommes dont un « échange pouvait être envisagé avec des médecins plus âgés qui se trouvent alors sur le front ». La réticence des directeurs de cliniques et d’instituts se traduit par une absence de réponse à la question posée, mais uniquement par l’envoi d’une liste de celles et ceux dont l’envoi en Allemagne était impossible, soit parce qu’ils avaient quitté l’hôpital, soit parce qu’ils étaient malades voire en congé. C’est d’ailleurs cette dernière raison qui est invoquée dans le cas du Dr. Buresch, puisqu’elle bénéficie alors d’un congé de maladie .


Selon un rapport de police établi lors de l’enquête préliminaire sur les agissements des professeurs Hirt, Bickenbach et Haagen et les « crimes de guerre » dont on les accusait alors, il semble que le Dr. Annemarie Buresch « logeait chez lui, 13 rue Lamey » à Strasbourg, c’est-à-dire qu’elle vivait avec la famille Bickenbach (la femme du professeur étant la sœur d’Annemarie) . Mais avec l’arrivée des Alliés aux portes de l’Alsace, le professeur Bickenbach commence à évacuer « sa » section de biologie de l’institut de recherche médicale de la faculté de médecine de la Reichsuniversität Strassburg.  Alors que les troupes alliées entrent dans Strasbourg le 22 novembre 1944, le professeur Bickenbach se trouve encore au Fort Fransecky (fort Ney) .  Comme son beau-frère, Annemarie Buresch parvient à prendre la fuite et à quitter l’Alsace avant que les Alliés ne les capturent. Comme pour Otto Bickenbach, l’itinéraire et le déroulé de la fuite d’Annemarie Buresch entre fin novembre 1944 et début 1945 restent à ce jour inconnus, mais il est probable que le sort d’Annemarie soit singulièrement associé à celui de Bickenbach .
'''Une éventuelle « participation » aux projets d’Otto Bickenbach en 1945 ?'''
En effet, selon l’annuaire de la Reichsuniversität Strassburg (repliée outre-Rhin) établi le 26 mars 1945 par le nouveau recteur de l’université, Schrade, indique que le Dr. Buresch s’est installée avec Bickenbach dans le bâtiment de la Versorgungsanstalt de Bad Mergentheim au sud de Wurtzbourg . Elle poursuit donc sa carrière dans un contexte inédit à une époque où la Reichsuniversität Strassburg continue d’exister tout en étant amputée de son cœur névralgique alsacien. De plus, sa présence aux côtés du professeur Bickenbach dans les dernières semaines de la guerre soulève des questionnements quant à son hypothétique participation ou son éventuel soutien dans l’élaboration, la genèse, la préparation voire la mise en exécution de séries d’expérimentations prévues sur l’homme. Dans l’état actuel des recherches, cela ne reste qu’une supposition, certes grave, mais qu’il convient d’évoquer, quand bien même il n’est pas possible d’affirmer que ces expériences ont effectivement eu lieu. En revanche, diverses sources laissées notamment par Bickenbach permettent de reconstituer certains projets du professeur au début de l’année 1945. En effet, Bickenbach commence par prendre contact avec Richard Kuhn, le directeur du Kaiser-Wilhelm-Institut für medizinische Forschung d’Heidelberg, afin de trouver de nouveaux locaux pour travailler. Il s’était affairé pour évacuer la section de biologie de l’institut de recherche au Fort Fransecky outre-Rhin et Richard Kuhn n’avait pas hésité à lui apporter son soutien dans cette entreprise .  
 
Dans une lettre conjointe, Bickenbach et Kuhn adressent une lettre aux autorités médicales locales de la région de l’Allemagne du sud-ouest (Direktor des Hauptversorgungsamtes Südwestdeutschland) le 8 février 1945 :
Selon un rapport de police établi lors de l’enquête préliminaire sur les agissements des professeurs Hirt, Bickenbach et Haagen et les « crimes de guerre » dont on les accusait alors, il semble que le Dr. Annemarie Buresch « logeait chez lui, 13 rue Lamey » à Strasbourg, c’est-à-dire qu’elle vivait avec la famille Bickenbach (la femme du professeur étant la sœur d’Annemarie) . Mais avec l’arrivée des Alliés aux portes de l’Alsace, le professeur Bickenbach commence à évacuer « sa » section de biologie de l’institut de recherche médicale de la faculté de médecine de la ''Reichsuniversität Strassburg''.  Alors que les troupes alliées entrent dans Strasbourg le 22 novembre 1944, le professeur Bickenbach se trouve encore au Fort Fransecky (fort Ney) .  Comme son beau-frère, Annemarie Buresch parvient à prendre la fuite et à quitter l’Alsace avant que les Alliés ne les capturent. Comme pour Otto Bickenbach, l’itinéraire et le déroulé de la fuite d’Annemarie Buresch entre fin novembre 1944 et début 1945 restent à ce jour inconnus, mais il est probable que le sort d’Annemarie soit singulièrement associé à celui de Bickenbach .
« […] Les soussignés Prof. Dr. Richard Kuhn, directeur du Kaiser-Wilhelm-Institut für medizinische Forschung d’Heidelberg, et Prof. Dr. Otto Bickenbach, directeur de la polyclinique médicale de Strasbourg […] doivent réaliser des travaux de la plus haute importance […]. Ces travaux nécessitent d’une part des examens cliniques auprès de patients hospitalisés et d’autre par des examens médicaux et chimiques en laboratoire. Dans ce but, nous demandons de bien vouloir nous accorder, au sein de la Versorgungskuranstalt de Bad Mergentheim, à la fois la mise à disposition de douze lits dans une partie, si possible fermée, ainsi que l’accès au laboratoire » .
 
Le même jour, ils adressent une lettre au médecin responsable du district militaire XIII (Wehrkreisarzt XIII), en demandant de leur accorder « la mise à disposition des malades nécessaires et de laboratoires » pour la réalisation de leur projet commun, en accord avec Dr. Bein, médecin militaire (Oberstabsarzt) et Chefarzt du Reserve-Lazarett de Bad Mergentheim . En plus de locaux au sein du Kurversorgungsanstalt de Bad Mergentheim, ils demandaient également qu’un service de maladies infectieuses soit installé dans le Teillazarett « Haus Olga » . Si Bickenbach et Kuhn ne mentionnent pas précisément la nature de leur projet de recherches, l’historien Florian Schmaltz estime qu’il ne s’agit probablement pas de la poursuite d’expériences sur le phosgène que Bickenbach avait menées en Alsace quelques mois auparavant, puisque l’indice révélé d’un risque de contagion plaide en faveur d’autres expérimentation. À ce jour, on ignore la maladie infectieuse que Bickenbach souhaitait étudier, mais la requête faite aux autorités de disposer de locaux fermés, à l’écart, semble tout de même indiquer la volonté de réaliser des expérimentations secrètes sur l’homme .  
En effet, selon l’annuaire de la ''Reichsuniversität Strassburg'' (repliée outre-Rhin) établi le 26 mars 1945 par le nouveau recteur de l’université, Schrade, indique que le Dr. Buresch s’est installée avec Bickenbach dans le bâtiment de la ''Versorgungsanstalt'' de Bad Mergentheim au sud de Wurtzbourg . Elle poursuit donc sa carrière dans un contexte inédit à une époque où la ''Reichsuniversität Strassburg'' continue d’exister tout en étant amputée de son cœur névralgique alsacien. De plus, sa présence aux côtés du professeur Bickenbach dans les dernières semaines de la guerre soulève des questionnements quant à son hypothétique participation ou son éventuel soutien dans l’élaboration, la genèse, la préparation voire la mise en exécution de séries d’expérimentations prévues sur l’homme. Dans l’état actuel des recherches, cela ne reste qu’une supposition, certes grave, mais qu’il convient d’évoquer, quand bien même il n’est pas possible d’affirmer que ces expériences ont effectivement eu lieu. En revanche, diverses sources laissées notamment par Bickenbach permettent de reconstituer certains projets du professeur au début de l’année 1945. En effet, Bickenbach commence par prendre contact avec Richard Kuhn, le directeur du ''Kaiser-Wilhelm-Institut für medizinische Forschung'' d’Heidelberg, afin de trouver de nouveaux locaux pour travailler. Il s’était affairé pour évacuer la section de biologie de l’institut de recherche au Fort Fransecky outre-Rhin et Richard Kuhn n’avait pas hésité à lui apporter son soutien dans cette entreprise .
Dans une lettre conjointe, Bickenbach et Kuhn adressent une lettre aux autorités médicales locales de la région de l’Allemagne du sud-ouest (''Direktor des Hauptversorgungsamtes Südwestdeutschland'') le 8 février 1945 :
 
« […] Les soussignés Prof. Dr. Richard Kuhn, directeur du ''Kaiser-Wilhelm-Institut für medizinische Forschung'' d’Heidelberg, et Prof. Dr. Otto Bickenbach, directeur de la polyclinique médicale de Strasbourg […] doivent réaliser des travaux de la plus haute importance […]. Ces travaux nécessitent d’une part des examens cliniques auprès de patients hospitalisés et d’autre par des examens médicaux et chimiques en laboratoire. Dans ce but, nous demandons de bien vouloir nous accorder, au sein de la ''Versorgungskuranstalt'' de Bad Mergentheim, à la fois la mise à disposition de douze lits dans une partie, si possible fermée, ainsi que l’accès au laboratoire » .
 
Le même jour, ils adressent une lettre au médecin responsable du district militaire XIII (''Wehrkreisarzt XIII''), en demandant de leur accorder « la mise à disposition des malades nécessaires et de laboratoires » pour la réalisation de leur projet commun, en accord avec Dr. Bein, médecin militaire (Oberstabsarzt) et Chefarzt du Reserve-Lazarett de Bad Mergentheim . En plus de locaux au sein du Kurversorgungsanstalt de Bad Mergentheim, ils demandaient également qu’un service de maladies infectieuses soit installé dans le Teillazarett « Haus Olga » . Si Bickenbach et Kuhn ne mentionnent pas précisément la nature de leur projet de recherches, l’historien Florian Schmaltz estime qu’il ne s’agit probablement pas de la poursuite d’expériences sur le phosgène que Bickenbach avait menées en Alsace quelques mois auparavant, puisque l’indice révélé d’un risque de contagion plaide en faveur d’autres expérimentation. À ce jour, on ignore la maladie infectieuse que Bickenbach souhaitait étudier, mais la requête faite aux autorités de disposer de locaux fermés, à l’écart, semble tout de même indiquer la volonté de réaliser des expérimentations secrètes sur l’homme .  
Il semble ne faire aucun doute que Dr. Annemarie Buresch se soit retrouvée mêlée, d’une manière ou d’une autre, aux projets du professeur Bickenbach au début de l’année 1945 . D’ailleurs au même moment, en mars 1945, le nom d’Annemarie apparaît à l’occasion de l’enquête préliminaire réalisée par la police judiciaire strasbourgeoise (donc avant que l’affaire soit traitée par la justice militaire) sur les crimes de guerre commis par les professeurs Hirt, Bickenbach et Haagen pendant la guerre à la Reichsuniversität Strassburg. En effet, le rapport du commissaire de police judiciaire Chavonnet, rédigé le 16 mars 1945 après avoir entendu les trois premiers témoins, précise « que le professeur Bickenbach logeait chez lui, 13, rue Lamey, sa belle-sœur, Buresch Anne-Marie, née le 20 juin 1898 (sans autres indications d’état civil), laquelle avait le titre de docteur[e] en médecine et était assistante à l’hôpital civil de Strasbourg. Buresch Anne-Marie avait exercé avant-guerre à Mannheim » . Malgré cette mention au dossier de la police judiciaire, Annemarie Buresch n’a jamais été inquiété dans l’affaire intentée aux professeurs Otto Bickenbach et Eugen Haagen après la guerre par la justice militaire française .
Il semble ne faire aucun doute que Dr. Annemarie Buresch se soit retrouvée mêlée, d’une manière ou d’une autre, aux projets du professeur Bickenbach au début de l’année 1945 . D’ailleurs au même moment, en mars 1945, le nom d’Annemarie apparaît à l’occasion de l’enquête préliminaire réalisée par la police judiciaire strasbourgeoise (donc avant que l’affaire soit traitée par la justice militaire) sur les crimes de guerre commis par les professeurs Hirt, Bickenbach et Haagen pendant la guerre à la Reichsuniversität Strassburg. En effet, le rapport du commissaire de police judiciaire Chavonnet, rédigé le 16 mars 1945 après avoir entendu les trois premiers témoins, précise « que le professeur Bickenbach logeait chez lui, 13, rue Lamey, sa belle-sœur, Buresch Anne-Marie, née le 20 juin 1898 (sans autres indications d’état civil), laquelle avait le titre de docteur[e] en médecine et était assistante à l’hôpital civil de Strasbourg. Buresch Anne-Marie avait exercé avant-guerre à Mannheim » . Malgré cette mention au dossier de la police judiciaire, Annemarie Buresch n’a jamais été inquiété dans l’affaire intentée aux professeurs Otto Bickenbach et Eugen Haagen après la guerre par la justice militaire française .
   
   

Version du 19 mai 2021 à 10:25


Annemarie Buresch
Prénom Annemarie
Nom Buresch
Sexe feminin
Naissance 20 juin 1898 (Hildesheim)
These Pseudoarthrose und Muskel
Autorisation d'exercer la médecine 1926
Titre Dr. med.

Spécialités Innere Medizin


Annemarie Buresch (1898-?) est une femme médecin spécialiste de médecine interne. Après avoir travaillé en chirurgie durant sa thèse de doctorat, elle débute sa carrière médicale aux côtés du professeur Karl Kissling (1875-1953) à l’hôpital de Mannheim dans l’État libre de Bade. Débutant comme Volontärassistentin après l’obtention de l’Approbation en 1926, elle devient Assistenzärztin en 1929 elle finit par être nommée Oberärztin au service de médecine interne de l’hôpital de Mannheim dès 1933. Depuis 1933, Annemarie Buresch est également la belle-sœur du professeur Otto Bickenbach (1901-1971) qui a épousé sa sœur Irmgard. En avril 1944, Annemarie Buresch est affectée au service de polyclinique médicale de la Reichsuniversität Strassburg dirigée par son beau-frère, le professeur Bickenbach. Restant en poste jusqu’en novembre 1944 (quoiqu’absente en raison d’un congé de maladie), elle parvient à prendre la fuite avant que les Alliés ne prennent la ville de Strasbourg et les hospices civils ainsi que l’université les 22 et 23 novembre 1944. Elle suit alors le professeur Bickenbach qui replie sa section « biologie » de l’institut de recherches. Elle se retrouve en poste avec lui à Bad Mergentheim en février 1945, ce qui pose question sur son éventuelle implication dans des projets de recherches et d’expériences (ou du moins leur genèse si ce n’est leur réalisation) que Bickenbach comptait mener sur des êtres humains.

Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, elle s’établit à Mannheim, la ville où elle s’est formée à la médecine interne, et ouvre, en tant qu’interniste, son cabinet en ville. Dans les années 1950 et 1960, elle est en outre membre ordinaire de la Deutsche Gesellschaft für innere Medizin (Société allemande de médecine interne).

Biographie

Famille et cursus médical (1898-années 1920)

Née en 1898 dans le Reich wilhelmien, Annemarie Buresch débute des études de médecine au sortir de la Première Guerre mondiale, sous le régime de la République de Weimar. En 1926, alors qu’elle prépare une thèse de doctorat de médecine spécialisée en chirurgie osseuse, elle obtient le titre de médecin en recevant son Approbation, c’est-à-dire l’autorisation d’exercer l’art médical.

Naissance et liens de parenté

Annemarie Buresch est née le 20 juin 1898 à Hildesheim, une ville d’environ 40.000 habitants alors située dans la province de Hanovre du Royaume de Prusse. Elle grandit sous le Reich de Guillaume II et accomplit son cursus scolaire au secondaire jusqu’aux lendemains de la Première Guerre mondiale.

Annemarie Buresch est la belle-sœur du professeur Otto Bickenbach (1901-1971), puisque ce dernier a épousé, le 10 décembre 1933 à Hanovre, Irmgard Buresch, la sœur d’Annemarie .

Les études de médecine

Dans l’état actuel des recherches, il n’a pas été possible de reconstituer l’intégralité du parcours universitaire d’Annemarie Buresch. En revanche, au regard de la chronologie, il ne fait aucun doute qu’elle ait fait ses études de médecine sous le régime de la République de Weimar. Terminant son cursus probablement en 1925 par l’examen médical d’État (medizinisches Staatsexamen), elle obtient l’autorisation d’exercer la médecine (Approbation) l’année suivante, à l’issue d’une année de pratique médicale accomplie à Mannheim dans l’État libre de Bade .

De plus, elle entreprend de parachever sa formation universitaire et scientifique en préparant une thèse de doctorat de médecine à l’université de Fribourg-en-Brisgau. Dans sa thèse, intitulée « Pseudarthrose et muscle » (Pseudarthrose und Muskel), Annemarie s’intéresse à un champ de la discipline chirurgicale visant à traiter une anomalie dans la consolidation et la cicatrisation osseuse à la suite d’une fracture .

Il subsiste toutefois une certaine ambigüité quant à la date exacte de la soutenance de sa thèse et de l’obtention de son titre de docteure en médecine. D’une part, il semble que son manuscrit ait déjà été publié en 1926 auprès de l’éditeur Springer de Berlin. Mais d’autre part, il n’aurait été enregistré en tant que thèse de doctorat qu’en 1929 auprès de la faculté de médecine l’université de Fribourg-en-Brisgau . Selon sa fiche biographique disponible sur le site Dokumentation Ärztinnen im Kaiserreich, développé par l’Institut für Geschichte der Medizin und Ethik in der Medizin de l’hôpital de la Charité à Berlin, Annemarie Buresch aurait d’ailleurs soutenu sa thèse le 18 juin 1929 . Enfin, il convient de préciser que plusieurs indices laissent à penser qu’elle ait aussi travaillé à la clinique chirurgicale de l’académie de médecine de Düsseldorf lors de la préparation de sa thèse de doctorat .

Le début de la carrière médicale et scientifique à l’hôpital de Mannheim (années 1920-1930)

Dès l’obtention de l’Approbation en 1926, Annemarie Buresch, alors âgée de vingt-huit ans, débute sa carrière médicale à l’hôpital de Mannheim. Intégrant l’équipe de la clinique médicale du professeur et interniste Karl Kissling (1875-1953), elle évolue rapidement au sein de l’équipe, jusqu’à devenir chef de clinique (Oberarzt) en 1933. Dans le même temps, elle s’investit beaucoup dans le domaine de la recherche scientifique et médicale et publie de nombreux articles dans des revues spécialisées.

Une évolution rapide au sein du service de médecine interne

Une fois devenue médecin, Annemarie Buresch commence en 1926 sa carrière médicale et scientifique au sein du nouvel hôpital de la ville Mannheim (städisches Krankenhaus), dans l’État libre de Bade (Freistaat Baden). Inauguré officiellement le 3 juillet 1922, cet hôpital a pris place au sein « d’installations tout à fait modernes » et les treize bâtiments qui le composent se situent « dans un grand parc, sur les rives du Neckar ». L’annonce de son ouverture dans le Zentralblatt der Bauverwaltung précise qu’il disposait de 1140 lits pour les patients (Krankenbetten) et de 392 pour le personnel médical (Personalbetten), des chiffres qu’il était prévu de porter respectivement à 1389 et 415 par la suite .

Annemarie Buresch intègre plus précisément l’équipe du professeur et interniste Karl Kissling (1875-1953), le directeur de la clinique médicale de l’hôpital de Mannheim. Débutant sa carrière Volontärassistentin , elle obtient ensuite un poste d’Assistenzärztin au service de médecine interne en 1929 . Quatre ans plus tard, en 1933, elle est promue chef de clinique (Oberärztin) au sein du même service et finit par obtenir, le 22 mai 1934 son certificat de spécialisation en médecine interne, devenant Fachärztin für Innere Krankheiten (médecin spécialiste en médecine interne) . Par manque de sources, il est difficile de dater exactement l’année où Annemarie Buresch quitte l’hôpital de Mannheim, mais il est certain qu’elle y reste en poste au moins jusqu’en 1937 , étant à ce moment-là domiciliée au Hebelstraße 23 .

Une activité scientifique variée

À la même période, au tournant des années 1920 et 1930, Annemarie Buresch s’investit grandement dans la recherche médicale et scientifique, publiant de nombreuses contributions dans des revues spécialisées allemandes qui sont commentées et recensées dans d’innombrables autres revues médicales. Au total, entre 1926 et 1938, elle signe (ou co-signe) huit publications, le point culminant de son activité scientifique coïncidant plus précisément avec la période où elle travaille comme Assistenzärztin au début des années 1930. Les travaux soumis par Annemarie Buresch à la communauté scientifique traduisent son intérêt pour divers champs de la discipline médical et son inscription dans les thématiques et problématiques du moment.

Au départ, Annemarie Buresch commence à s’intéresser à la pseudarthrose, un thème issu de la chirurgie osseuse et orthopédique, qui constitue le sujet de sa thèse de doctorat, publiée dès 1926 dans la revue chirurgicale Archiv für klinische Chirurgie . La pseudarthrose désigne une anomalie dans le processus de cicatrisation et de consolidation des tissus osseux intervenant à la suite d’une fracture.

Au regard des travaux publiés, la carrière scientifique du Dr. Buresch débute véritablement à partir de 1931, alors qu’elle travaille depuis plus de cinq ans à la clinique médicale de l’hôpital de Mannheim. Se tournant tout d’abord vers la pneumologie, elle publie cette année-là deux études dans la revue Deutsche Medizinische Wochenschrift qui traitent de cas de pneumoconiose et plus spécifiquement d’asbestoses. Ces deux termes médicaux correspondent à des affections pulmonaires typiques causées par l’exposition et l’inhalation de particules spécifiques venant se fixer sur les parois pulmonaires : le terme de pneumoconiose renvoie à l’ensemble de ces maladies pulmonaires de manière générale, tandis que le second caractérise la maladie pulmonaire causée précisément par l’exposition à l’amiante (elle aussi connue sous le nom d’amiantose) . En réalité, l’objet de ses recherches vise plus singulièrement à examiner la reconnaissance de ces pathologies comme maladies professionnelles, une véritable préoccupation de l’époque. Dans l’introduction de la « partie clinique » de son article intitulé « pneumoconiose, maladie professionnelle et obligation d’indemnisation » (Pneumokoniose, Berufskrankheit und Entschädigungspflicht), Annemarie Buresch rappelle en effet que la législation adoptée dans le Reich les années précédentes a permis de reconnaître les formes graves de pneumoconiose au titre des maladies professionnelles . Pour ses travaux, elle développe le cas d’un homme de quarante-sept ans qui travaille dans une usine d’amiante depuis plus de vingt-six ans qui avait développé une forme grave d’asbestose en raison de son activité professionnelle . Précisons que ce même « cas, grave, mortel, d’asbestose » ainsi que le qualifie le Reichsarbeitsblatt en 1937 , a servi de base à Annemarie à un nouvel article scientifique intitulé « la pneumoconiose comme maladie professionnelle et le Code des assurances santé du Reich » (Asbestlunge als Berufskrankheit und das Reichsversicherungsgesetz) . Dans celui-ci, elle centre davantage son attention sur la législation en vigueur concernant les maladies professionnelles, leur application aux pneumoconioses et plus particulièrement les indemnisations auxquelles les patients voire leur famille peuvent prétendre . De plus, après s’être préoccupée des pneumoconioses, Annemarie Buresch commence à étudier le métabolisme du corps humain, en participant dès 1931 à la rédaction d’un article intitulé « Métabolisme énergétique et régulation de l’équilibre acido-basique » (Energiestoffwechsel und Säurebasenregulation) avec son confrère Dietrich Jahn et sa consoeur Irmgard Kirchbach . En 1932, Annemarie publie une étude scientifique et biochimique sur une maladie endocrinienne, la maladie d’Addison et examine ses répercussions sur le métabolisme, en particulier les perturbations du métabolisme des glucides . Dans le même champ de recherches, elle fait de la thérapeutique médicale son nouvel objet d’étude, en signant un article sur la thérapie de l’atrophie subaigüe du foie à l’aide d’un traitement à base d’insuline-glucose (Zur Insulin-Traubenzuckertherapie der subakuten Leberatrophie) . Elle s’intéresse ensuite au traitement des cas d’anémie sévère avec des fortes doses de fer (Die Behandlung schwerer Anämie bei Magenblutungen mit großen Eisendosen) , puis à celui des hyperthyroïdies par l’emploi d’un certain acide aminé iodé non protéinogène appelé diiodotyrosine (C9H9I2NO3) . L’activité scientifique du Dr. Buresch est donc particulièrement intense entre 1931 et 1934 et témoigne de son intérêt pour divers champs de la discipline médicale, traitant non seulement de la chirurgie, de la pneumologie et de l’étude du métabolisme ainsi que des thérapeutiques modernes.

Si le Dr. Annemarie Buresch reste en poste au service de médecine interne de l’hôpital de Mannheim jusqu’à la fin des années 1930 (et peut-être au-delà), on ne trouve plus de trace d’autres contributions scientifiques attribuables à Annemarie dans les années qui suivent, ni même de son activité précise dans les premières années de la guerre.

Médecin à la Reichsuniversität Strassburg (avril 1944 – début 1945)

En avril 1944, après dix-huit ans de carrière médicale et d’expérience en médecine interne, le Dr. Annemarie Buresch, âgée d’environ quarante-six ans, poursuit sa carrière à la Reichsuniversität Strassburg. Elle obtient alors un poste à la polyclinique médicale dirigée par son beau-frère, le professeur Otto Bickenbach (1901-1971). Restant en poste jusqu’en novembre 1944 à Strasbourg, elle parvient à prendre la fuite avant l’arrivée des Alliés et à poursuivre sa carrière dans un service de l’université repliée outre-Rhin.

Assistenzärztin à polyclinique médicale du professeur Bickenbach (avril – novembre 1944)

Le 1er avril 1944, Annemarie Buresch prend ses fonctions à la clinique médicale de la Reichsuniversität Strassburg créée environ deux ans et demi plus tôt en Alsace annexée. Pendant près de sept mois, jusqu’en novembre 1944, elle travaille comme Assistenzärztin et poursuit sa carrière médicale dans cette université modèle du IIIe Reich. Elle est plus précisément affectée à la polyclinique médicale dirigée par son beau-frère, le professeur Otto Bickenbach (1901-1971). Durant sa présence à la polyclinique, l’équipe de Bickenbach est composée de quatre médecins en avril 1944 : Bickenbach s’appuie sur deux Assistenzärzte (l’Alsacien Auguste Lieber et sa belle-fille Annemarie Buresch) et deux Pflichtassistenten (Luzian Wiederstroem et Paul Schneider) .

Il convient de préciser que si Annemarie Buresch figure effectivement sur les listes du personnel médical jusqu’en novembre 1944, elle n’était en réalité plus en poste à compter du 1er septembre et ce, jusqu’à la fin de l’existence de la Reichsuniversität Strassburg en Alsace. Notée « momentanément absente » (zur Zeit abwesend) sur les listes du personnel, elle bénéficiait en fait d’un congé de maladie à cause d’une maladie persistante (beurlaubt zur Durchführung eines längeren Heilverfahrens) . De plus, si Wiederstroem était arrivé dans le service en février 1943, il faut aussi préciser qu’Annemarie Buresch n’a jamais pu travailler avec Paul Schneider, puisque celui-ci, présent aux côtés de Bickenbach et Lieber depuis le mois de juin 1942 au sein de ce qui était encore l’Abteilung III de la clinique médicale, avait été incorporé dans l’armée et envoyé au front au mois d’août 1943 (zur Zeit im Felde) .

L’absence du Dr. Buresch à l’été 1944 accroît fortement le manque de personnel à la polyclinique médicale au cours du deuxième semestre de l’année 1944, d’autant que le Dr. Luzian Wiederstroem aurait été affecté à un service de travail civil comme son confrère le Dr. Renatus Piffert de l’Abteilung II, probablement à la suite d’une mesure punitive . Précisons par ailleurs qu’Annemarie Buresch est l’une des dernières femmes à avoir été nommée médecin à la clinique médicale allemande de la Reichsuniversität Strassburg. En totalité, parmi les 81 médecins qui ont occupé un poste à la clinique médicale (tous services confondus) à un moment donné entre le mois d’août 1940 et le mois de novembre 1944, c’est-à-dire entre l’ouverture de l’hôpital civil allemand après l’annexion jusqu’à l’évacuation de la Reichsuniversität Strassburg, nous avons pu identifier précisément seize femmes (environ 20%) sur les listes du personnel médical .

Le nom d’Annemarie Buresch apparaît aussi à plusieurs reprises dans des échanges épistolaires entre les services administratifs de la Reichsuniversität Strassburg et les pouvoirs politiques de l’administration civile en Alsace (Gauleitung). En effet, en 1944, les autorités civiles et militaires continuent de faire pression sur les établissements de santé en Alsace afin que ceux-ci se séparent d’un certain nombre de médecins, qu’ils soient Alsaciens ou non, non seulement pour des impératifs militaires (avec l’extension de la conscription à plusieurs classes d’âges), pour des mesures rééducatives des Alsaciens (formation outre-Rhin), mais surtout pour permettre d’assurer des soins de qualité aux populations civiles du Reich. En effet, le 12 avril 1944, la Gauleitung adresse à tous les Staatliche Gesundheitsämter d’Alsace une requête en ce sens. Le courrier précise :

« Avec le manque considérable de personnel médical, les difficultés liées à la mise à disposition de médecins suffisamment formés sur le plan clinique sont toujours plus grandes. Il n’est plus possible de continuer à envoyer des jeunes médecins au service médical obligatoire pour exercer la médecine seuls, alors qu’ils ont à peine reçu leur Approbation et qu’ils ne sont pas aptes, en termes d’expérience, à exercer seuls ni à assumer des responsabilités si rapidement après l’obtention de l’examen médical d’État […]. Le Reichsgesundheitsführer a ainsi ordonné que l’on commence immédiatement à transférer les médecins assistants qui ont déjà travaillé pendant une plus grande période en milieu hospitalier et en cliniques. Une exception pourra être accordée uniquement pour les médecins assistants qui ont été promus au rang de chef de clinique (Oberarzt) ou qui sont pressentis en raison de compétences particulières à présenter une habilitation, à occuper un poste de médecin-chef (Chefarzt) ou une tout autre position supérieure » .

L’administrateur en chef de la Reichsuniversität Strassburg, Richard Scherberger, ayant été destinataire de ce courrier, est chargé de sa mise en application pour les médecins de la faculté de médecine. Il sollicite alors tous les directeurs de cliniques et d’instituts de l’université afin qu’ils établissent une liste de leurs assistants et qu’ils signalent les noms de ceux qui y travaillent depuis un an, depuis deux ans et depuis trois ans ou plus. Ayant récupéré toutes les réponses des directeurs, le Kurator Scherberger rend son rapport à la Gauleitung le 29 juillet 1944, fournissant une liste comprenant tout de même cinquante-sept noms de médecins dont la faculté de médecine pourrait, en principe, se séparer s’il fallait appliquer strictement les mesures officielles. Réparti par cliniques voire services, le rapport contient bien le nom du Dr. Annemarie Buresch qui possède une expérience clinique supérieure à trois ans, tout comme son confrère alsacien Auguste Lieber . Les tractations se poursuivent entre l’université, les directeurs de cliniques et les autorités de la Gauleitung pour savoir quels médecins pouvaient effectivement être soustraits à la clinique : un mois plus tard, le Kurator indique avoir à nouveau redemandé aux directeurs « les noms des femmes médecins de leurs établissements qui pouvaient être remplacées par des femmes médecins plus jeunes », de même que les hommes dont un « échange pouvait être envisagé avec des médecins plus âgés qui se trouvent alors sur le front ». La réticence des directeurs de cliniques et d’instituts se traduit par une absence de réponse à la question posée, mais uniquement par l’envoi d’une liste de celles et ceux dont l’envoi en Allemagne était impossible, soit parce qu’ils avaient quitté l’hôpital, soit parce qu’ils étaient malades voire en congé. C’est d’ailleurs cette dernière raison qui est invoquée dans le cas du Dr. Buresch, puisqu’elle bénéficie alors d’un congé de maladie .

Une éventuelle « participation » aux projets d’Otto Bickenbach en 1945 ?

Selon un rapport de police établi lors de l’enquête préliminaire sur les agissements des professeurs Hirt, Bickenbach et Haagen et les « crimes de guerre » dont on les accusait alors, il semble que le Dr. Annemarie Buresch « logeait chez lui, 13 rue Lamey » à Strasbourg, c’est-à-dire qu’elle vivait avec la famille Bickenbach (la femme du professeur étant la sœur d’Annemarie) . Mais avec l’arrivée des Alliés aux portes de l’Alsace, le professeur Bickenbach commence à évacuer « sa » section de biologie de l’institut de recherche médicale de la faculté de médecine de la Reichsuniversität Strassburg. Alors que les troupes alliées entrent dans Strasbourg le 22 novembre 1944, le professeur Bickenbach se trouve encore au Fort Fransecky (fort Ney) . Comme son beau-frère, Annemarie Buresch parvient à prendre la fuite et à quitter l’Alsace avant que les Alliés ne les capturent. Comme pour Otto Bickenbach, l’itinéraire et le déroulé de la fuite d’Annemarie Buresch entre fin novembre 1944 et début 1945 restent à ce jour inconnus, mais il est probable que le sort d’Annemarie soit singulièrement associé à celui de Bickenbach .

En effet, selon l’annuaire de la Reichsuniversität Strassburg (repliée outre-Rhin) établi le 26 mars 1945 par le nouveau recteur de l’université, Schrade, indique que le Dr. Buresch s’est installée avec Bickenbach dans le bâtiment de la Versorgungsanstalt de Bad Mergentheim au sud de Wurtzbourg . Elle poursuit donc sa carrière dans un contexte inédit à une époque où la Reichsuniversität Strassburg continue d’exister tout en étant amputée de son cœur névralgique alsacien. De plus, sa présence aux côtés du professeur Bickenbach dans les dernières semaines de la guerre soulève des questionnements quant à son hypothétique participation ou son éventuel soutien dans l’élaboration, la genèse, la préparation voire la mise en exécution de séries d’expérimentations prévues sur l’homme. Dans l’état actuel des recherches, cela ne reste qu’une supposition, certes grave, mais qu’il convient d’évoquer, quand bien même il n’est pas possible d’affirmer que ces expériences ont effectivement eu lieu. En revanche, diverses sources laissées notamment par Bickenbach permettent de reconstituer certains projets du professeur au début de l’année 1945. En effet, Bickenbach commence par prendre contact avec Richard Kuhn, le directeur du Kaiser-Wilhelm-Institut für medizinische Forschung d’Heidelberg, afin de trouver de nouveaux locaux pour travailler. Il s’était affairé pour évacuer la section de biologie de l’institut de recherche au Fort Fransecky outre-Rhin et Richard Kuhn n’avait pas hésité à lui apporter son soutien dans cette entreprise .

Dans une lettre conjointe, Bickenbach et Kuhn adressent une lettre aux autorités médicales locales de la région de l’Allemagne du sud-ouest (Direktor des Hauptversorgungsamtes Südwestdeutschland) le 8 février 1945 :

« […] Les soussignés Prof. Dr. Richard Kuhn, directeur du Kaiser-Wilhelm-Institut für medizinische Forschung d’Heidelberg, et Prof. Dr. Otto Bickenbach, directeur de la polyclinique médicale de Strasbourg […] doivent réaliser des travaux de la plus haute importance […]. Ces travaux nécessitent d’une part des examens cliniques auprès de patients hospitalisés et d’autre par des examens médicaux et chimiques en laboratoire. Dans ce but, nous demandons de bien vouloir nous accorder, au sein de la Versorgungskuranstalt de Bad Mergentheim, à la fois la mise à disposition de douze lits dans une partie, si possible fermée, ainsi que l’accès au laboratoire » .

Le même jour, ils adressent une lettre au médecin responsable du district militaire XIII (Wehrkreisarzt XIII), en demandant de leur accorder « la mise à disposition des malades nécessaires et de laboratoires » pour la réalisation de leur projet commun, en accord avec Dr. Bein, médecin militaire (Oberstabsarzt) et Chefarzt du Reserve-Lazarett de Bad Mergentheim . En plus de locaux au sein du Kurversorgungsanstalt de Bad Mergentheim, ils demandaient également qu’un service de maladies infectieuses soit installé dans le Teillazarett « Haus Olga » . Si Bickenbach et Kuhn ne mentionnent pas précisément la nature de leur projet de recherches, l’historien Florian Schmaltz estime qu’il ne s’agit probablement pas de la poursuite d’expériences sur le phosgène que Bickenbach avait menées en Alsace quelques mois auparavant, puisque l’indice révélé d’un risque de contagion plaide en faveur d’autres expérimentation. À ce jour, on ignore la maladie infectieuse que Bickenbach souhaitait étudier, mais la requête faite aux autorités de disposer de locaux fermés, à l’écart, semble tout de même indiquer la volonté de réaliser des expérimentations secrètes sur l’homme . Il semble ne faire aucun doute que Dr. Annemarie Buresch se soit retrouvée mêlée, d’une manière ou d’une autre, aux projets du professeur Bickenbach au début de l’année 1945 . D’ailleurs au même moment, en mars 1945, le nom d’Annemarie apparaît à l’occasion de l’enquête préliminaire réalisée par la police judiciaire strasbourgeoise (donc avant que l’affaire soit traitée par la justice militaire) sur les crimes de guerre commis par les professeurs Hirt, Bickenbach et Haagen pendant la guerre à la Reichsuniversität Strassburg. En effet, le rapport du commissaire de police judiciaire Chavonnet, rédigé le 16 mars 1945 après avoir entendu les trois premiers témoins, précise « que le professeur Bickenbach logeait chez lui, 13, rue Lamey, sa belle-sœur, Buresch Anne-Marie, née le 20 juin 1898 (sans autres indications d’état civil), laquelle avait le titre de docteur[e] en médecine et était assistante à l’hôpital civil de Strasbourg. Buresch Anne-Marie avait exercé avant-guerre à Mannheim » . Malgré cette mention au dossier de la police judiciaire, Annemarie Buresch n’a jamais été inquiété dans l’affaire intentée aux professeurs Otto Bickenbach et Eugen Haagen après la guerre par la justice militaire française .

L’après-guerre : la reprise d’une activité médicale à Mannheim

Au sortir de la guerre, alors qu’elle possède près de vingt ans d’expérience en médecine, le Dr. Annemarie Buresch s’installe à Mannheim, la ville où elle a commencé à exercer la médecine et où elle a obtenu son Approbation en 1926. Quittant visiblement le milieu hospitalier et clinique, elle ouvre un cabinet médical, comme en témoignent plusieurs annuaires de la ville de Mannheim. Établie au Rathenaustraße 9 dans le quartier est de la ville au moins avant 1955, elle propose des consultations tous les jours de la semaine, de 16 heures à 18 heures, hormis les mercredis et les samedis. Elle est alors reconnue comme Fachärztin für Innere Krankheiten, un statut qui évoque sa spécialisation d’interniste . De même, dans l’annuaire de l’année 1963, si les horaires de consultations sont les mêmes, on constate que le cabinet du Dr. Buresch était désormais installé dans la Bismarkstraße, au cœur du centre-ville . On remarquera qu’Annemarie Buresch vit à quelques centaines de mètres de distance de son ancienne consœur de la clinique médicale de la Reichsuniversität Strassburg, le Dr. Margarete Strang, qui est domiciliée à la même époque au Friedrichsplatz 10 (1955), puis au Stresemannstraße 13 (1963) . Enfin, entre les années 1950 et 1960, le Dr. Annemarie Buresch compte également parmi les plus de 2000 membres ordinaires de la Deutsche Gesellschaft für innere Medizin, la Société allemande de médecine interne . Les comptes-rendus des travaux présentés à l’occasion des congrès annuels laissent aussi entendre qu’Annemarie Buresch était mariée, une information que nous n’avons, jusque-là, pas pu vérifier ni dater précisément .


Repères

Localisations

Nationalités

  • Allemand

Confessions

  • Protestant

Publications

Relations

Famille de

1898-06-20T00:00:00Z
Vie privée
Naissance
1926-01-01T00:00:00Z
Vie privée
Autorisation d'exercer la médecine
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Références