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Erwin Wiest

De Commission Historique
Révision datée du 29 mars 2021 à 15:58 par Emmanuel.nuss (discussion | contributions) (Enregistré en utilisant le bouton "Sauvegarder et continuer" du formulaire)


Erwin Wiest
Prénom Erwin
Nom Wiest
Sexe masculin
Naissance 21 décembre 1915 (Réding)
Décès 16 novembre 1983 (Boersch)
Profession du père Employé des Postes (Postrat)

These Contribution à l’étude de la réparation des fractures expérimentales (Strasbourg, 1948)
Directeur de thèse René Fontaine
Profession Arzt

Spécialités Chirurgie


Erwin Wiest (1915-1987) est un médecin et chirurgien mosellan qui a fait ses études à l’université française de Strasbourg dans les années 1930. Après avoir été externe, puis interne des hôpitaux à la clinique chirurgicale A de Strasbourg dans les 1930, il sert comme médecin militaire dans l’armée française entre septembre 1939 et juin 1940. Fait prisonnier de guerre par les troupes allemandes la veille de l’armistice du 22 juin, Erwin Wiest ne reste qu’une courte période en camp de prisonniers de guerre.

En tant que Mosellan, il est rapidement libéré par les Allemands et fait partie de ces Alsaciens-Mosellans qui parviennent à retrouver leur poste au sein de l’hôpital civil de Strasbourg désormais placé sous administration nazie dans cette Alsace annexée de facto par le IIIe Reich. Erwin Wiest poursuit sa carrière médicale et scientifique à la Reichsuniversität Strassburg, occupant d’abord un poste de Volontärassistent, puis de Pflichtassistent et enfin un poste faisant fonction d’assistant scientifique (Verwalter einer wissenschaftlichen Assistentenstelle) au sein la clinique chirurgicale B. Comme nombre d’Alsaciens et de Mosellans, il doit se soumettre aux mesures de rééducation politiques et professionnelles imposées par le régime nazi à l’égard des médecins autochtones : il est envoyé à l’école médicale Alt-Rehse et aussi dans le Reich pour travailler aux côtés de médecins nazis.

Après la guerre, Erwin Wiest est à nouveau recruté à la clinique chirurgicale A et intègre l’équipe du professeur René Fontaine, sous la direction duquel il prépare une thèse de doctorat (1948). Se spécialisant dans le traitement des fractures osseuses à partir de traitements hormonaux ainsi que dans l’enclouage centromédullaire, il cosigne plusieurs articles scientifiques, avant de s’orienter, au début des années 1950, vers l’orthopédie. Entre 1954 et 1958, il assure notamment la direction par intérim de l’hôpital orthopédique « Stéphanie » à Strasbourg, puis devient chef de clinique et assistant de chirurgie dans ce même hôpital jusqu’en 1966. Par la suite, il travaille comme chirurgien « de ville » et assure plusieurs vacations hebdomadaires à l’hôpital Stéphanie, avant de s’installer à Boersch au Centre-Alsace, où il décède en 1983.

La biographie d’Erwin Wiest est d’une grande importance pour l’histoire locale, mais également pour l’histoire institutionnelle et politique, dans la mesure où elle permet de s’interroger sur la continuité ou la rupture dans le recrutement du personnel médical au sein de l’hôpital civil de Strasbourg au cours de ses trois changements d’administrations entre 1918 et 1945. Wiest est en effet l’un des Alsaciens et Mosellans qui ont travaillé à la clinique chirurgicale de Strasbourg à la fin des années 1930 (interne), qui ont ensuite obtenu un poste dans l’une des cliniques de la faculté de médecine nazie – certes comme subalterne et avec une certaine méfiance de la part des cadres nazis –, et qui ont enfin été réhabilité après la guerre dans leurs anciennes fonctions.

Biographie

La famille Wiest

Erwin Georg Nikolaus Wiest est né le 21 décembre 1915 à Réding (Riedingen), une petite commune d’un millier d’habitants située à moins de cinq kilomètres à l’est de Sarrebourg en Moselle. Issu d’une famille catholique originaire du petit village de Réding, Erwin Wiest naît dans le Reichsland Elsaß-Lothringen, un territoire constitué en application du Traité de Francfort, signé le 10 mai 1871 à la suite de la défaite française lors de la guerre franco-prussienne de 1870-1871. Comme ses parents, Erwin acquière la nationalité allemande à sa naissance, tandis que ses quatre grands-parents sont nés soit sous la Deuxième République, soit sous le Second Empire, à une époque où la Moselle était encore un département français.

Son père, Karl, est né le 15 juin 1884 à Réding. Il était lui-même le fils d’un fonctionnaire des chemins de fer (Eisenbahnbeamter), Nikolaus Johann Wiest (19 janvier 1852 – 6 mars 1933) et de son épouse Magdalena Schmitt (19 février 1859 – 3 janvier 1900). Karl est devenu fonctionnaire du service postal allemand et a exercé plus précisément la profession de Postrat, ce qui l’a amené à déménager fréquemment au cours de sa carrière €€€ADBR, 1558 W 170, dossier n°12524 (Erwin Wiest), Fragebogen über die Abstammung, 6 septembre 1941 ; ADBR, 1558 W 170, dossier n°12524 (Erwin Wiest), Lebenslauf, 6 septembre 1941€€€.

Le 12 août 1913, alors qu’il a un peu plus de vingt-neuf ans, Karl épouse Eugénie-Anna Grosse, une jeune femme qui est de trois ans sa cadette. Née le 7 novembre 1887 dans la même localité, Eugénie-Anna est la fille du Badlermeister Michaël Grosse (16 mai 1850 – 20 janvier 1919) et de sa femme, Margarethe Siegel (29 janvier 1859 – 19 décembre 1934)€€€ADBR, 1558 W 170, dossier n°12524 (Erwin Wiest), Fragebogen über die Abstammung, 6 septembre 1941.€€€. En fait, tant du côté paternel que maternel, les aïeux d’Erwin et de la famille Wiest sont issus à la fois d’un territoire rural situé en périphérie de la petite ville mosellane de Sarrebourg et de la couche modeste et moyenne de la société allemande.


Enfance et scolarité

Quand bien même Erwin Wiest est né dans une Moselle devenue allemande à la suite de son annexion au Reich wilhelmien par le traité de Francfort de 1871, c’est dans une province redevenue française à la fin de la Première Guerre mondiale qu’il passe en réalité la majeure partie de son enfance. Erwin Wiest grandit en effet entre la Moselle, les Vosges et l’Alsace dans une famille mosellane qui déménage au gré des mutations du chef de famille dans différentes villes de l’est de la France. Issu d’une famille probablement bilingue et parlant sans doute mieux l’allemand que le français, Erwin Wiest effectue l’ensemble de son parcours scolaire à l’école de la République française.

Étant né à la fin de l’année 1915, il effectue sa première rentrée en 1922, à l’âge de six ans et demi. Il débute sa scolarité obligatoire à l’école élémentaire (Volksschule) de Réding pendant trois années, avant de poursuivre dans le secondaire à partir de 1925. Avec les mutations de son père au sein de plusieurs villes d’Alsace et des Vosges qui entraînent plusieurs déménagements de la famille Wiest, Erwin quitte son village natal du pays de Sarrebourg pour fréquenter successivement les lycées (Gymnasien) de Colmar (Haut-Rhin), de Luxeuil (Vosges) et enfin de Haguenau (Bas-Rhin). En juillet 1933, à presque dix-huit ans, Erwin obtient son baccalauréat (Reifeprüfung), puis décide d’entamer des études de médecine et de se destiner à une carrière de médecin€€€ADBR, 1558 W 170, dossier n°12524 (Erwin Wiest), Lebenslauf, 6 septembre 1941.€€€.

Les études de médecine

À la rentrée suivante, au 1er novembre 1933, Erwin Wiest débute son cursus universitaire. Comme de coutume en France, il commence par préparer le certificat d’études physiques, chimiques et naturelles (PCN) à la Faculté des Sciences. En fait, sous la Troisième République, un décret adopté le 31 juillet 1893 avait organisé une l’année préparatoire aux études de médecine et avait instauré le PCN, un prérequis pour accéder aux formations médicales. Ce certificat marquait l’entrée en première année et son obtention – en plus de l’admission à l’examen du baccalauréat –, était obligatoire au futur médecin pour prétendre à la première inscription en médecine€€€Voir Didier Chatelus, Certificats d’aptitudes aux grades universitaires (1810-1905), Professions de santé (médecins, officiers de santé, chirurgiens-dentistes, pharmaciens), Répertoire numérique des articles F/17/6084 à F/17/6570, Archives nationales, dossier réalisé sous la direction d’Anne Lejeune, 1993, p. 2-3 . Disponible via : http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/pdf/sm/F17%206084-6570.pdf, [en ligne], consulté le 26 janvier 2021.€€€.

Une fois le certificat PCN obtenu, Erwin débute son cursus de médecine à partir de la rentrée 1934 et s’inscrit à la faculté de médecine de l’université française de Strasbourg. Il faut rappeler qu’en vertu d’un autre décret adopté sous la Troisième République le 11 janvier 1909, la durée des études avait été allongée d’une année supplémentaire, si bien que le cursus durait désormais cinq ans. Il était aussi prévu que les études cumulent à la fois des enseignements théoriques, pratiques ainsi que des activités hospitalières, ces dernières étant rendues obligatoires à partir de la troisième année de la formation. Ainsi, année du PCN comprise, le cursus complet est porté à six ans, puis à sept à la suite d’une mesure adoptée par décret le 6 mars 1934, mais il semble qu’Erwin Wiest ait suivi, au total, six ans d’études et réussi les « trois examens cliniques » de sa formation .€€€Jean Delaneau, Avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi adopté par l’Assemblée Nationale après déclaration d’urgence, portant diverses mesures d’ordre social, présenté par M. Jean Delaneau, Sénateur, Sénat, Seconde session ordinaire de 1986-1987, Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juin 1987, n°298£££ p. 5-8. On renvoie ici à la première partie (les dispositions relatives aux études médicales) et plus précisément à la section I (rappel historique) et au titre I (l’organisation des études médicales avant la réforme de 1958). Disponible en ligne sur le site du Sénat via : https://www.senat.fr/rap/1986-1987/i1986_1987_0298.pdf, [en ligne], consulté le 26 janvier 2021. Voir aussi ADBR, 1558 W 170, dossier n°12524 (Erwin Wiest), Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten, 6 septembre 1941 : sur ce formulaire, Erwin précise avoir débuté ses études le 1er novembre 1933 et indique avoir effectué son PCN (1933-1934), puis cinq ans d’études de médecine (1934-1939) et avoir réussi « trois examens cliniques ».€€€

Parallèlement à l’enseignement théorique qu’il reçoit lors des cours magistraux et des travaux dirigés, il complète sa formation par de la théorie. Il accomplit notamment un long stage universitaire en clinique (Famulus) entre le mois de novembre 1935 et le mois d’août 1936, où il sert au service de médecine interne (Innere Medizin) et travaille sous la direction du professeur Léon Ambard (1876-1962) et du professeur alsacien Prosper Merklen (1874-1939) à la clinique médicale€€€ADBR, 1558 W 170, dossier n°12524 (Erwin Wiest), Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten, 6 septembre 1941 ; ADBR, 1558 W 170, dossier n°12524 (Erwin Wiest), Lebenslauf, 6 septembre 1941.€€€. En novembre 1936, à la fin de sa deuxième année de médecine, Wiest réussit son concours d’externe des hôpitaux et ce qui lui permet de parfaire sa formation clinique en étant par ailleurs rémunéré. Durant les deux années qui suivent, c’est-à-dire entre novembre 1936 et octobre 1938, il obtient différents postes d’externe au sein de quatre cliniques universitaires de l’université de Strasbourg. Dès la réussite au concours, il commence à travailler à la clinique ophtalmologique (Augenklinik) du professeur strasbourgeois Georges Weill (1866-1952) entre le mois de novembre 1936 et le 1er avril 1937, puis à la clinique neurologique (Nervenklinik) du professeur Jean Alexandre Barré (1880-1967) jusqu’à la fin du mois d’octobre de la même année. Par la suite, il retourne au service de médecine interne (Innere Medizin) alors dirigée par le professeur Ambard, pour environ cinq mois, de novembre 1937 à avril 1938. Enfin, Erwin Wiest fait ses premiers pas dans le domaine de la chirurgie et collabore pendant six mois comme externe à la clinique chirurgicale du professeur Albert Stolz (1870-1948), entre avril et octobre 1938€€€ADBR, 1558 W 170, dossier n°12524 (Erwin Wiest), Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten, 6 septembre 1941 ; ADBR, 1558 W 170, dossier n°12524 (Erwin Wiest), Lebenslauf, 6 septembre 1941.€€€.

En novembre 1938, à l’issue de sa deuxième année d’externat et de sa quatrième année d’études de médecine, Wiest réussit le concours d’interne des hôpitaux. À partir de ce moment-là et jusqu’en septembre 1939, il obtient un poste à la clinique dermatologique du professeur Lucien-Marie Pautrier (1876-1959). Par ailleurs, selon un document administratif nazi établi en 1941 à l’occasion de son recrutement comme assistant scientifique à la Reichsuniversität Strassburg, Wiest précise qu’en juillet 1939, il a obtenu son diplôme d’État lui permettant d’exercer la médecine qu’il appelle ici « Approbation als Arzt ». Dans ce même formulaire, il indique également qu’à la suite de sa nomination comme interne, il a « dû s’engager à ne pas présenter sa thèse de doctorat de médecine pendant les quatre années suivantes »€€€ADBR, 1558 W 170, dossier 12524 (Erwin Wiest), Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten, 6 septembre 1941 : « November 1938 (Ernennung zum "Interne des Hôpitaux") als solcher musste ich mich verpflichten, in den folgenden 4 Jahren, meine Doktorarbeit nicht vorzulegen ».€€€. Pendant ses études, le jeune adulte qu’il est semble ne fréquenter aucun parti politique ni aucune organisation politique voire corporation étudiante. Son casier judiciaire est vierge et il s’avère être un jeune médecin investi dans ses études et peut-être totalement imperméable à l’antisémitisme rampant et au nationalisme exacerbé dans la société d’avant-guerre€€€ADBR, 1558 W 170, dossier 12524 (Erwin Wiest), Questionnaire d’activités politiques, 6 septembre 1941.€€€.

Erwin Wiest poursuit son parcours médical même à la suite du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en septembre 1939. En raison de ses études, il avait toujours réussi à obtenir un report du service militaire. Mais avec la déclaration de guerre, Erwin Wiest se retrouve incorporé dans l’armée française pour servir comme médecin-militaire dans les rangs pendant toute la durée de la « Drôle de guerre » et de la Bataille de France. Dans un premier temps, il est affecté dans un hôpital militaire situé à Bourges (Cher), au centre de la France, et sert au service de chirurgie pendant environ six mois, jusqu’au printemps 1940, gagnant par ailleurs en expérience dans sa spécialité. Dans son curriculum vitae rédigé pour obtenir son poste à la Reichsuniversität Strassburg en 1941, il évoque la fonction qu’il occupait à cette époque sous la dénomination « Feldhilfsarzt », ce qui correspond à un médecin qui possède le plus faible grade de la dignité d’officier. À partir du printemps 1940, probablement au moment de la Bataille de France et de l’invasion allemande du territoire national, Erwin Wiest est ensuite déployé au combat auprès du 17e régiment d’artillerie stationné sur la Ligne Maginot (Artillerieregiment 17, RAD/I)€€€ADBR, 1558 W 170, dossier 12524 (Erwin Wiest), Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten, 6 septembre 1941; Lebenslauf, 6 septembre 1941.€€€.

Le 21 juin 1940, à la veille de l’armistice, Erwin Wiest et son régiment sont faits prisonniers de guerre par les troupes de la Wehrmacht€€€ADBR, 1558 W 170, dossier 12524 (Erwin Wiest), Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten, 6 septembre 1941.€€€. Il est alors placé en camp de prisonnier pour une très courte période, car la libération des prisonniers de guerre français « d’origine allemande » constitue l’une des mesure les plus spectaculaires décidées très tôt par les nazis. D’un point de vue national-socialiste, ces soldats « d’origine allemande » (Alsaciens et Mosellans) avaient été enrôlés dans une armée « étrangère », l’armée française et leur extraction des Stalag et Oflag s’est effectué très rapidement à la suite de la capitulation française et l’annexion de facto de l’Alsace et de la Moselle par le Reich nazi€€€Jean-Noël Grandhomme, « La "mise au pas" (Gleichschaltung) de l’Alsace-Moselle en 1940-1942 », Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, n°46-2, 2014, p. 443-465.€€€. Justement, à partir de la mi-juillet 1940, le département médical (Gesundheitswesen) de la Gauleitung en Alsace prévoit la libération de prisonniers de guerre alsaciens de formation médicale. Dans une lettre interne à la Gauleitung, une liste de quatorze noms de médecins internés à la caserne d’artillerie de Haguenau et à l’aéroport de Strasbourg est déjà établie le 16 juillet 1940 (mais Wiest n’y figure pas) dont la libération est demandée, car la présence de ces médecins est « nécessaire » (benötigt) et même urgente (drigend) pour assurer la continuité des soins à la population civile€€€ADBR, 126 AL 37, dossier 1, Lettre interne à la Gauleitung, 16 juillet 1940.€€€. Quelques jours plus tard, le 24 juillet, cette note interne est envoyée sous forme de lettre aux autorités militaires, mais ce n’est qu’à la fin du mois suivant que les commandants des camps de prisonniers en prennent connaissance et apprennent qu’ils ne doivent pas s’y opposer€€€ADBR, 126 AL 37, dossier 1, Lettre de la Gauleitung au Höheres Kommando XXXIII, 24 juillet 1940. D’ailleurs, on remarque que les bureaux de la Gauleitung s’impatientent et que deux mois après le déclenchement de la procédure, les quatorze prisonniers réclamés n’auraient toujours pas été libérés. Voir ADBR, 126 AL 37, dossier 1, Lettre de la Gauleitung (Verwaltungs- und Polizeiabteilung) au Leitender Sanitätsoffizier beim Bezirkschef C in Dijon, 2 octobre 1940€€€.


L’emploi à l’université nazie de Strasbourg

La réhabilitation par les nazis : le réemploi à la clinique chirurgicale nazie

Une fois libéré par les Allemands du camp de prisonniers de guerre, Erwin Wiest retourne à Strasbourg et parvient à retrouver très rapidement ses anciennes fonctions à l’hôpital civil. Sa réhabilitation et son recrutement par l’administration de l’hôpital mise au pas sont visiblement effectifs à compter du mois d’août 1940, tandis que l’ancien directeur de l’hôpital civil, Joseph Oster – qui avait été arrêté par les Français pour ses liens avec l’autonomiste local Karl Roos –, est rétabli dans ses fonctions par les Allemands. En fait, le Gauleiter Robert Wagner (1895-1946), le Chef de l’administration civile en Alsace avait chargé Oster d’organiser et de superviser le rapatriement à Strasbourg des équipements de l’hôpital civil évacué à Clairvivre en 1939. D’ailleurs, toujours au mois d’août 1940, le Stadtkommissar Robert Ernst (1897-1980) et Joseph Oster avaient tous deux ordonné le retour « dans sa résidence » de l’hôpital civil replié, avec son personnel, ses services et l’ensemble du matériel€€€Voir Christian Bonah, « Alsaciens à la Medizinische Fakultät de la Reichsuniversität Strassburg », in …p. Voir également Christophe Woehrle, La cité silencieuse. Strasbourg – Clairvivre (1939-1945), Beaumontis-en-Périgord, Les Éditions Secrets de Pays, 2019, p. 23-24.€€€. C’est précisément dans ce contexte de réorganisation et de mise au pas de l’hôpital civil de Strasbourg que Wiest commence à travailler à la clinique chirurgicale de Strasbourg en qualité d’Assistenzarzt, c’est-à-dire de médecin assistant. De plus, il ne faut pas oublier que s’il a pu retrouver un poste à l’hôpital civil, c’est bien parce que la nouvelle administration civile l’avait bien voulu. En effet, une ordonnance de la Gauleitung – département médical – édictée le 13 juillet 1940 interdisait aux médecins et autres personnels médicaux rentrant à Strasbourg de s’établir ou d’ouvrir un cabinet sans en avoir reçu l’autorisation par les services du Gauleiter€€€ADBR, 126 AL 37, dossier 1, Anordnung des Chefs der Zivilverwaltung im Elsass (Gesundheitswesen), 13 juillet 1940. Cet ordre a été transmis aux service des Strassburger Neuste Nachrichten qui ont publié un article à ce sujet dès le 20 juillet.€€€. C’est de cette manière qu’Erwin Wiest, a ainsi pu collaborer aux côtés du professeur Edmond Allenbach (1885-1968) à la clinique chirurgicale B II (rez-de-chaussé) dès l’été 1940, puis du professeur Georges Sackenreiter (1886-1956) à la clinique chirurgicale B I (premier étage)€€€ADBR, 1558 W 170, dossier 12524 (Erwin Wiest), Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten, 6 septembre 1941; ADBR, 126 AL 37, Ärzteverzeichnis der klinischen Universitäts-Anstalten Strassburg, Stand vom 1. April 1941. Sur Sackenreiter, voir sa notice dans le Wikipédia de la commission historique sur la Reichsuniversität Strassbourg et Louis-François Hollender, « Quand la clinique chirurgicale de la faculté allemande était dirigée depuis la Chirurgie B », in Jacques Héran, Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 609. Rappelons que Sackenreiter avait lui aussi était revenu en Alsace et avait repris un poste en chirurgie. Auparavant, il s’était réfugié à Clairvivre avec le service hospitalier de l’université française de Strasbourg lors de l’évacuation de 1939. Voir à ce sujet Christophe Woehrle, 'La Cité silencieuse. Strasbourg - Clairvivre (1939-1945), Beaumontis-en-Périgord, Les Éditions Secrets de Pays, 2019, p. XXX.€€€. De plus, Erwin Wiest précise qu’il a travaillé de manière non interrompue à la clinique chirurgicale depuis le mois d’août 1940 et les sources indiquent qu’il occupait alors une fonction de Volontärassistent€€€ADBR, 1558 W 170, dossier 12524 (Erwin Wiest), Lebenslauf, 6 septembre 1941; ADBR, 1558 W 170, dossier 12524 (Erwin Wiest), Festsetzung des Diätendienstalters für den wissenschaftlichen Assistenten, 6 septembre 1941.€€€. Par ailleurs, les listes mensuels de l’effectif du corps médical des cliniques hospitalo-universitaires de Strasbourg, retrouvées aux archives départementales du Bas-Rhin et couvrant la période allant du 1er avril 1941 au 1er novembre 1943, prouvent également qu’Erwin Wiest était Volontärassistent en chirurgie B I (premier étage) dont le chef de clinique provisoire était alors le Dr. Sackenreiter (komm[issarischer] Chefarzt)€€€ADBR, 126 AL 37, Ärzteverzeichnis der klinischen Universitäts-Anstalten Strassburg, Stand vom 1. April 1941.€€€. La même information est confirmée dans l’annuaire des médecins des cliniques universitaires de Strasbourg en date du 1er mai 1941€€€BArch, R 4901/13518, Anlage 3, Ärzteverzeichnis der klinischen Universitätsanstalten Strassburg. Stand vom 1. Mai 1941, Bl. 220-221.€€€. À cette même date, Erwin Wiest compte parmi le personnel médical exerçant à la clinique chirurgicale dirigée désormais par le professeur Ludwig Zukschwerdt et son premier chef de clinique (erster Oberarzt) Adolf Jung. Plus précisément, Wiest travaille au « service aseptique » (aseptische Abteilung') et sert aux côtés de l’assistant scientifique Theodor Biedermann, de l’assistant temporaire (Verwalter einer wissenschaftlichen Assistentenstelle) Paul Steimle, de son camarade Volontärassistent Paul Buck, des Pflichtassistenten Renatus Kopp et Peter Holtzmann ainsi que du chirurgien Renatus Keller€€€H. Lautsch, H. Dornedden (dir.), Verzeichnis der deutschen Ärzte und Heilanstalten (vormals Reichs-Medizinal-Kalender für Deutschland, Teil II), Nachtrag 8 zum Ärzteverzeichnis 193, Leipzig, Georg Thieme Verlag, 1942.€€€.

Plus tard, il est avéré que Wiest a bel et bien été recruté au sein de la nouvelle Reichsuniversität Strassburg officiellement inaugurée en novembre 1941. Vers la fin de l’été 1941, on constate également qu’il est souvent désigné par l’administration par le titre universitaire de « docteur » (Dr.), ce qui suggère qu’il aurait tout de même pu présenter une thèse de doctorat en 1941€€€La plus ancienne trace qui indique que Wiest serait titulaire d’un doctorat de médecine date du mois du 1er septembre 1941, lorsque le Dr. Bennmann du SD adresse un rapport préliminaire à la faculté de médecine sur Wiest en vue de son recrutement comme Volontärassistent. ADBR, 1558 W 170, dossier 12524 (Erwin Wiest), Rapport préliminaire d’examen politique concernant Erwin Wiest, 1er septembre 1941.€€€. Pourtant, ce titre n’apparaît plus dans les documents ultérieurs à 1942. Par exemple, son titre de docteur en médecine ne figure plus sur la liste reproduite ci-dessous qui présente l’ensemble des médecins et assistants qui composent au 1er janvier 1942 les différents services rattachés à la clinique chirurgicale de la Reichsuniversität Strassburg, en précisant même les nationalités du personnel hospitalier.



Tableau 1 : Ärzteverzeichnis der klinischen Universitäts-Anstalten zu Straßburg, Stand vom 1. Januar 1942 (hier: Chirurgie)€€€ADBR, 126 AL 37, Ärzteverzeichnis der klinischen Universitäts-Anstalten Strassburg, Stand vom 1. Januar 1942.€€€



Ainsi, sur les vingt-et-un médecins qui composent l’effectif médical de la clinique chirurgicale universitaire de la faculté de médecine de la Reichsuniversität Strassburg au 1er janvier 1942, il est frappant de remarquer que les Alsaciens, au nombre de treize (60%) représentent plus de la moitié du personnel. Aux Alsaciens s’ajoutent deux Mosellans (9,5%) – parmi lesquels Wiest –, ce qui porte le nombre de médecins issus des régions annexées à près de 75% de l’ensemble. La direction de la clinique est placée sous les ordres d’un professeur allemand, en revanche les Allemands du Reich (Reichsdeutsche, RD) ne représentent qu’un quart de l’effectif et ceux-ci n’occupent pas forcément les postes à responsabilités les plus élevés. Tous les chefs de service (Abteilungsoberarzt) sont en effet des médecins alsaciens€€€Voir aussi Ibid, p. 541 ; Jacques Héran, Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 609 sqq. ; Louis-François Hollender, Emmanuelle During-Hollender, « Anmerkungen zur Geschichte der Chirurgie in Strassburg », Zentralblatt für Chirurgie, vol. 126, n°7, 2001.€€€. De plus, les dernières recherches permettent de mettre en évidence qu’une majorité du personnel autochtone avait été employé dans les cliniques et instituts de la faculté de médecine. Ce même mois, on compte au moins cinquante Alsaciens (42%) et quatre Mosellans (3%) au sein de toutes les cliniques et de tous les instituts hospitalo-universitaires, ce qui signifie que plus de la moitié (45%) des postes de médecins attribués à la faculté de médecine sont revenus à des Alsaciens et à des Mosellans. La majorité d’entre eux travaillent d’ailleurs en chirurgie et en médecine, où ils représentent respectivement 71% et 57% des médecins employés dans ces cliniques, mais également 26% et 32% du total des Alsaciens et Mosellans identifiés dans l’ensemble des cliniques et instituts de la Reichsuniversität Strassburg€€€D’après ADBR, 126 AL 37, Ärzteverzeichnis der klinischen Universitäts-Anstalten Strassburg, Stand vom 1. Januar 1942, on compte très exactement 120 noms, auxquels il faut retrancher celui de Bickenbach, qui apparaît dans deux services (Abteilung III et institut de recherche de la clinique médicale). On obtient ainsi 119 médecins, dont 51 Allemands (RD), 50 Alsaciens, 4 Mosellans, 4 Luxembourgeois et 10 personnes dont la nationalité n’a pas pu être identifiée. Les cliniques qui ont le plus de personnels sont les cliniques médicale (30), chirurgicale (21), infantile (13) et gynécologique (12), comptant respectivement 56%, 71%, 38% et 33% de médecins issus des régions nouvellement annexées. D’autres cliniques, disposant de bien moins de personnel, comme la dermatologie (5 médecins), la psychiatrie-neurologie (4) ou l’orthopédie (2), affichent bien souvent une surreprésentation d’Alsaciens (respectivement 80%, 75% et 100%). On remarque enfin qu’au 1er janvier 1942, aucun Alsacien et aucun Mosellan ne travaille à la clinique ORL ou à la clinique ophtalmologique.€€€.


De l’examen politique au poste d’assistant scientifique

Afin d’obtenir un poste de médecin, Erwin Wiest est obligé de remplir divers formulaires et l’administration civile nazie est chargée de mener une enquête sur le candidat. Revenons brièvement sur le contexte. Au début du mois de juillet 1940, quelques jours à peine après la capitulation française et l’annexion de fait de l’Alsace et de la Moselle par le Reich, le régime nazi entreprend des préparatifs visant à créer une université allemande, nazie, à Strasbourg. Lors d’un entretien oral le 2 juillet entre le ministre de l’Éducation et de la Culture de la Bade, Paul Schmitthener et Ernst Anrich, vieil Alsacien et doyen fondateur de la faculté de philosophie, mais également cheville ouvrière de la création de cette Reichsuniversität, le premier charge le second d’organiser les préparatifs€€€Rainer Möhler, Die Reichsuniversität Strassburg. 1940-1944. Eine nationalsozialistische Musteruniversität zwischen Wissenschaft, Volkstumspolitik und Verbrechen, thèse d’habilitation, Sarrebruck, Université de la Sarre, 2019, p. 717; Georges Bischoff, Richard Kleinschmager, L'Université de Strasbourg: cinq siècles d'enseignement et de recherche, Strasbourg, La Nuée bleue, 2010, p. 111.€€€. Quelques jours auparavant, le 29 juin, Robert Ernst, le futur Generalreferent et Oberstadtkommissar, ainsi que le fondateur du Elsaessischer Hilfsdienst (EHD), avait demandé une première liste d’enseignants et de chefs de clinique de l’université française susceptibles d’être réemployés dans la nouvelle université allemande. Les concepteurs de la nouvelle université souhaitaient rallier à leur cause des hommes et des femmes Alsaciens et Mosellans pouvant être acquis à la cause nationale-socialiste. L’idée d’une certaine continuité dans le personnel – auquel allait s’ajouter des Allemands issus de l’« Ancien Reich » – favoriser l’acceptation de la nouvelle institution par la population locale, une idée approuvée par les pouvoirs nationaux-socialistes. Si Wiest ne figure pas sur ces listes (car il n’est qu’interne et pas encore docteur en médecine), cela ne change rien aux procédures des autorités universitaires, politiques et policières de mener une enquête sur son attitude politique antérieure et sur son aptitude à servir la nouvelle institution allemande. À Strasbourg, ce sont précisément les bureaux du Dr. Louis Bennmann, au cœur du service de sécurité du parti nazi, le SD(Sicherheitsdient), qui sont chargés de ces investigations€€€Anrich III 49 et Anrich III 511. Cité selon Rainer Möhler, Die Reichsuniversität Strassburg. 1940-1944. Eine nationalsozialistische Musteruniversität zwischen Wissenschaft, Volkstumspolitik und Verbrechen, thèse d’habilitation, Sarrebruck, Université de la Sarre, 2019, p. 727.€€€.

Pour Wiest, l’enquête est tardive. Les faits semblent indiquer que la procédure d’enquête est déclenchée à partir du moment où le Mosellan est pressenti à un poste de Volontärassistent à la clinique de chirurgie à l’été 1941. En réalité, il semble que le professeur Zukschwerdt, directeur la clinique chirurgicale de la Reichsuniversität Strassburg, ait sollicité le doyen de la faculté de médecine d’engager la procédure de recrutement. Le 9 août 1941, le doyen se tourne vers le SD afin que les agents du service de sécurité du parti vérifient si Wiest était politiquement apte, d’un point de vue national-socialiste, à être employé comme Volontärassistent à la Reichsuniversität. Le rapport politique (politische Beurteilung) précise : « Dr. Wiest n’a jamais été cité défavorablement dans les dossiers du gouvernement français. Il montre aujourd’hui qu’il s’efforce de s’aligner dans le sens national-socialiste, sans pour autant être activement impliqué dans aucune formation nazie. Au vu des informations dont nous disposons, rien ne s’oppose à son emploi comme Volontärassistent à la clinique chirurgicale. Heil Hitler ! »€€€ADBR, 1558 W 170, dossier 12524 (Erwin Wiest), Politische Beurteilung, 16 octobre 1941 : « Dr. Wiest ist unter der französischen Regierung nicht ungünstig in Erscheinung getreten. Er zeigt sich heute um eine Ausrichtung in nationalsozialistischem Sinne bemüht, ohne sich jedoch aktiv innerhalb einer NS-Formation zu betätigen. Nach Sachlage steht seiner weiteren Verwendung als Volontärassistent an der chirurgischen Klinik nichts im Wege. Heil Hitler! ».€€€. Dès le 11 août 1941, le service du personnel auprès de l’administration du Gauleiter Wagner charge ses homologues de la direction d’arrondissement (Kreisleitung) du NSDAP de réaliser une « enquête politique » (politische Beurteilung) sur la personne de Wiest. La demande officielle précise bien que qu’un tel rapport émanant du parti est nécessaire dans la procédure de traitement de la candidature de Wiest « au poste de Volontärassistent à la clinique chirurgicale B » . Dans un rapport préliminaire datant du 1er septembre 1941, le Dr. Bennmann, du SD, indique déjà que « le Dr. W[iest] a un bon caractère et de bonnes compétences professionnelles. Les convictions francophiles n’ont pas subsisté. Son adhésion à la germanité (Volkstum) est positive » . Trois jours plus tard, le 4 septembre, le rapport officiel est envoyé aux bureaux du Gauleiter. L’évaluation politique est la suivante :


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