Joseph Kieffer
Josef Kieffer | |
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Prénom | Josef |
Nom | Kieffer |
Sexe | masculin |
Naissance | 11 juillet 1875 (Willgottheim (Bas-Rhin)) |
Profession du père | Notaire impérial (kaiserlicher Notar) |
These | Über primäre funktionelle Amenorrhoe (Kaiser-Wilhelms-Universität Strassburg, KWU, 1900) |
Directeur de thèse | Wilhelm Alexander Freund |
Autorisation d'exercer la médecine | 1900 |
Profession | Médecin, Dentiste, Chirurgien-dentiste |
Titre | Dr. med.[1] |
Spécialités | Odontologie, Zahnheilkunde |
Joseph Kieffer (1875-) est un médecin et chirurgien-dentiste alsacien qui a fait carrière en Alsace, à la fois au cours la période impériale du Kaiserreich, mais également durant la période française de l’entre-deux-guerres et finalement durant la période nazie. Né Allemand de parents français ayant opté pour la nationalité allemande après le Traité de Francfort de 1871, Joseph Kieffer a fait ses études de médecine de 1895 à 1900 à la Kaiser-Wilhelms-Universität de Strasbourg. Après avoir soutenu sa thèse de doctorat de médecine en 1900, il ouvre un cabinet de médecine générale, puis accomplit son service militaire dans l’armée allemande en 1902-1903. Il s’oriente ensuite vers l’odontologie, reçoit l’autorisation d’exercer la médecine dentaire, puis son habilitation en 1909 et devient Privatdozent à la clinique dentaire de la Kaiser-Wilhelms-Universität. Il assure plusieurs cours jusqu’au semestre d’hiver 1918-1919 et sert par ailleurs comme officier du service de santé durant la Première Guerre mondiale, recevant deux distinctions honorifiques, dont la Croix de fer de deuxième classe (E.K. II).
Aux lendemains de la Grande Guerre, lorsque l’Alsace redevient française avec le Traité de Versailles de juin 1919, Joseph Kieffer demeure dans sa terre natale et acquière la nationalité française par « réintégration ». Cependant, en raison de ses « sentiments pro-allemands » (deutsche Gesinnung), de sa germanophilie et du poste occupé précédemment à l’université allemande, il est déchu de sa fonction lors de l’ouverture de l’université française de Strasbourg en 1919. Dès lors exclu du corps enseignant français, Joseph Kieffer poursuit sa carrière médicale et scientifique en dirigeant la clinique dentaire de la caisse de maladie de Strasbourg durant dans les années 1920, puis se consacre totalement à son cabinet dentaire dans les années 1930. Avec le déclenchement des hostilités en 1939, son épouse et lui font l’objet d’une surveillance accrue et de soupçons de la part des autorités françaises, si bien qu’ils sont internés à la forteresse d’Arches dans les Vosges en juin 1940.
Libéré du « camp de concentration » (Konzentrationslager) d’Arches avec l’arrivée des troupes allemandes fin juin 1940, Joseph Kieffer devient pour les nazis un « combattant de la germanité » (Volkstumskämpfer) et attire l’attention des nouvelles autorités allemandes dans le cadre des préparatifs de la création de la Reichsuniversität Strassburg. Dans une Alsace désormais annexée de fait au Reich allemand, Kieffer obtient l’autorisation d’exercer la médecine dentaire en Alsace et il avait même été envisagé de lui offrir le titre et la fonction de professeur émérite à la clinique dentaire de la future université du Reich. Finalement, en novembre 1941, alors qu’il est âgé de soixante-six ans, Kieffer est nommé assistant scientifique (wissenschaftlicher Assistent) à la clinique dentaire dirigée par le professeur Joachim von Reckow (1898-1976). Il occupe ce poste jusqu’en novembre 1944 et lorsque l’université nazie de Strasbourg est évacuée outre-Rhin, il fait alors le choix de rester en Alsace. Ayant « toujours été germanophile » et ayant ses sympathies tournées vers l’Allemagne, il multiplie les marques de ralliement à l’Allemagne nazie en adhérant à l’Opferring, puis au parti nazi en octobre 1941 et en obtenant la nationalité allemande à l’été 1943.
Biographie
Un médecin devenu dentiste
Issu d’une famille catholique alsacienne devenue allemande après 1870, puis redevenue française après 1919, Joseph Kieffer grandit au cœur d’une Alsace faisant partie intégrante du Kaiserreich. Après avoir accompli ses études à la Kaiser-Wilhelms-Universität de Strasbourg (1895-1900), il devient médecin généraliste puis se réoriente vers la médecine dentaire, en devenant d’abord dentiste.
La famille Kieffer : une famille alsacienne ballotée entre France et Allemagne
Joseph Kieffer est né le 11 juillet 1875 à Willgottheim, un petit village d’environ 900 habitants situé dans le nord de l’Alsace, dans l’arrondissement de Saverne€€€ADBR, 4E532/3, État civil de Willgottheim, Acte de naissance de J. Kieffer, Acte n°21/1875.€€€. Quatre ans avant sa naissance, l’Alsace était devenue allemande, à la suite de la signature du Traité de Francfort du 10 mai 1871 qui avait mis fin à la guerre franco-prussienne de 1870-1871 et qui avait ratifié l’annexion de l’Alsace et de la Moselle au Reich allemand.
Issu d’une famille catholique installée en Alsace depuis plusieurs générations, Joseph Kieffer est le fils d’un notaire impérial (kaiserlicher Notar), François Laurent Kieffer, né le 7 octobre 1835 à Gougenheim et décédé le 4 mai 1884 à Willgottheim€€€ADBR, 4E532/3, État civil de Gougenheim, Acte de naissance de F.-L. Kieffer, Acte n°24/1835 (original en mairie). ADBR, 4E532/5, État civil de Willgotheim, Acte de décès de F.-L. Kieffer, Acte n°15/1884. Au gré des périodes d’annexion de l’Alsace, les prénoms ont été changés en Franciscus Laurentius ou en Franz Lorenz.€€€. Sa mère, Louise Amélie Ritt, originaire de Willgottheim, était femme au foyer€€€ADBR, 4E532/3, État civil de Willgotheim, Acte de naissance de J. Kieffer, Acte n°21/1875. Les parents de Joseph Kieffer sont enterrés au cimetière d’Hochfelden. Voir https://www.geneanet.org/cimetieres/view/4528467/persons/?individu_filter=KIEFFER%2BFrançois+Laurent, [en ligne], consulté le 11 mai 2021.€€€.
Contrairement à ses parents qui sont nés avec la nationalité française sous la Monarchie de Juillet, Joseph Kieffer obtient la nationalité allemande à sa naissance, puisque la famille Kieffer reste en Alsace après 1871, devenant ainsi citoyens allemands au sein du Reichsland Elsass-Lothringen. Désormais Alsacien et « Reichsdeutscher » de naissance€€€ADBR, 1558 W 386, dossier n°26617 (Joseph Kieffer), Évaluation politique de la Kreisleitung, 11 février 1941.€€€, Joseph Kieffer grandit ainsi au cœur d’une Alsace allemande et accomplit l’intégralité de son cursus scolaire sous le système éducatif allemand.
Les études de médecine à la Kaiser-Wilhelms-Universität de Strasbourg
À la sortie du secondaire, Joseph Kieffer débute des études supérieures à la faculté de médecine de la Kaiser-Wilhelms-Universität de Strasbourg. S’installant dans un appartement au n°4 de la Hauergasse, l’actuelle rue du Sanglier, il s’immatricule pour la première fois à l’âge de vingt ans, le 6 novembre 1895€€€Amtliches Verzeichnis des Personals und der Studenten der Kaiser-Wilhelms-Universität Strassburg für das Winter-Halbjahr 1895/96, Strasbourg, Heitz & Mündel, 1895, p. 33. Voir sur https://www.google.fr/books/edition/Amtliches_Verzeichniss_Personals_und_der/2skC7mQYhAwC?hl=fr&gbpv=1&dq=Joseph+kieffer+strassburg&pg=RA3-PA33&printsec=frontcover, [en ligne], consulté le 11 mai 2021.€€€. Souhaitant devenir médecin, il accomplit à Strasbourg les cinq années du cursus universitaire entre 1895 et 1900 et obtient l’autorisation d’exercer la médecine. S’orientant d’abord vers la médecine générale et, semble-t-il, la gynécologie, il soutient en 1900 une thèse de doctorat de médecine intitulée « À propos de l’aménorrhée primaire fonctionnelle » (Über primäre funktionelle Amenorrhoe) réalisée sous la direction du professeur et gynécologiste Wilhelm Alexander Freund (1833-1918)€€€Joseph Kieffer, Über primäre funktionelle Amenorrhoe, thèse de doctorat d’odontologie, Strasbourg, Kaiser-Wilhelms-Universität, 1900. Voir New York Academy of Medicine Collection of International Medical Theses, Box 17:19:2, Strasbourg, France (H00514949T), via http://archives.hsl.unc.edu/nyamtheses/nyamcovers/H00514649T.pdf, [en ligne], consulté le 11 mai 2021.€€€.
Après avoir terminé ses études, Joseph Kieffer débute sa carrière médicale et sa vie professionnelle ouvrant un cabinet médical en ville, travaillant dans un premier temps comme « médecin généraliste » (praktischer Arzt). De plus, le 28 juin 1902, à presque vingt-sept ans, il épouse à Strasbourg Maria Eugénie Alice Kroely, née le 12 août 1883 à Strasbourg€€€ADBR, 4E482/378, 4E482/379, État civil de Strasbourg, Acte de mariage de J. Kieffer et M. Kroely, Acte n°625/1902. Sur l’acte de mariage, Joseph Kieffer est présenté comme un « praktischer Arzt Doctor medicinae » et le couple vit à Strasbourg, Fischerstaden 24.€€€. De cette union naissent deux enfants, mais le couple est très rapidement séparé, puisque Joseph est appelé dans l’armée allemande pour accomplir son service militaire entre 1902 et 1903€€€ADBR, 1558 W 386, dossier n°26617 (Joseph Kieffer).€€€.
Vers l’odontologie
Peu de temps après son retour du service militaire, le Dr. Joseph Kieffer commence à se spécialiser en odontologie, obtenant rapidement l’autorisation d’exercer la médecine dentaire (Approbation als Zahnarzt), à une époque où le doctorat d’odontologie et le titre « Dr. med. dent. » n’existent pas encore. S’installant avec son épouse au Gailerstraße 20 (rue Geiler) à Strasbourg, il ouvre en 1908 son cabinet dentaire au Am hohen Steg 23 (rue de la Haute Montée) à Strasbourg en tant que « Arzt et Zahnarzt » et propose des consultations en semaine de 9 à 12 heures et de 14 à 17 heures€€€AVES, 1 BA 1908, Annuaire de la ville de Strasbourg 1908, 1908, p. 219 et 527 ; AVES, 1 BA 1909, Annuaire de la ville de Strasbourg 1909, 1909, p. 220 et 545. Notons que son logement privé et son cabinet médical étaient tous deux reliés au réseau téléphonique, si bien que le Dr. Kieffer était joignable dans ses deux propriétés respectivement via les numéros de téléphone 3192 et 3191.€€€. Il est à noter que Joseph Kieffer réalise un parcours similaire à celui de son confrère, le Dr. Otto Loos (1871-1936) : tous deux obtiennent leur habilitation en odontologie à la faculté de médecine de la Kaiser-Wilhelms-Universität en 1909 après avoir été docteurs en médecine€€€Das Stiftungsfest der Kaiser-Wilhelms-Universität Strassburg, Strasbourg, Heitz & Mündel, 1910, p. 9.€€€.
Rappelons que la médecine dentaire est une discipline médicale en plein essor à cette époque, tout particulièrement à Strasbourg. Depuis le semestre d’hiver 1887-1888, son enseignement officiel avait fait son entrée à la Kaiser-Wilhelms-Universität, étant alors confié à un pionnier dans le domaine, le Dozent Ernst Jessen (1859-1933). Sous son impulsion, une polyclinique dentaire universitaire a vu le jour à Strasbourg en 1893, suivie le 15 octobre 1902 par l’ouverture de la première clinique dentaire scolaire municipale au monde. Deux ans plus tard, Jessen finit par inaugurer un véritable institut dentaire au sein de l’université, ce qui fait de l’université impériale de Strasbourg une institution à l’avant-garde dans le monde médical, odontologique, universitaire et clinique€€€Bernard Kaess, « L’odontologie entre à l’université », in Jacques Héran (dir.), Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 460 ; Alice Rosenstiehl, « Ernst Jessen (1859-1933), fondateur de la première clinique dentaire scolaire au monde », in Jacques Héran (dir.), Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1997, p. 462.€€€.
La carrière à l’institut dentaire de la Kaiser-Wilhelms-Universität
En 1909, le Dr. Joseph Kieffer débute une carrière scientifique à la clinique dentaire de la Kaiser-Wilhelms-Universität de Strasbourg en qualité de Privatdozent. Outre les soins dentaires apportés aux patients, il est très actif dans le domaine de la recherche et se voit également confier des activités d’enseignement jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, à laquelle il participe d’ailleurs activement comme officier du corps sanitaire.
Privatdozent à la clinique dentaire
Après avoir obtenu son habilitation en 1909, Joseph Kieffer obtient un poste de Privatdozent, c’est-à-dire de maître de conférences à l’institut dentaire de la Kaiser-Wilhelms-Universität. En tant que tel, il cumule non seulement une activité clinique et scientifique, mais il se voit également confier plusieurs charges d’enseignements. Il débute à enseigner à compter du semestre d’hiver 1909-1910. Au départ, il participe au cours magistral d’orthodontie dispensé chaque semestre par le professeur Oskar Römer (1866-1952), mais il assure également seul deux cours par semestre, une « introduction à l’orthodontie » et un cours de « science des matériaux, technologie et introduction à la prothétique ». Par la suite, il propose des enseignements sur « l’utilisation des médicaments en odontologie », sur « l’utilisation de l’électricité en médecine dentaire » Pendant la guerre, il est également inscrit sur les registres et il est prévu qu’il assure trois heures de cours par semaine, dont un cours d’introduction dans le domaine des couronnes et des bridges » et un « cours théorique d’orthodontie ». Le tableau ci-dessous présente de manière l’intégralité des enseignements assurés par Kieffer à la Kaiser-Wilhelms-Universität de Strasbourg pendant près de dix ans, jusqu’au semestre d’hiver 1918-1919.
Semestres Intitulés des cours Enseignants Dates et heures
Semestre Zahntechnischer Kursus Prof. Römer, Tous les jours, matin et
d’hiver Doz. Kieffer après-midi
1909-1910 Einführung in die Orthodontie Doz. Kieffer Une heure
Materialkunde, Technologie und Einführung in Doz. Kieffer Une heure
die Prothetik
Semestre Zahntechnischer Kursus Prof. Römer, Tous les jours de 9h15 à
d’été 1910 Doz. Kieffer 11h et de 14h15 à 18h
Zahnärztliche Arzneiverwendung Doz. Kieffer Mardi de 8h15 à 9h
Die Verwendung der Elektrizität in der Doz. Kieffer Vendredi de 8h15 à 9h
Zahnheilkunde
Semestre Zahntechnischer Kursus Prof. Römer, Tous les jours, matin et
d’hiver Doz. Kieffer après-midi
1910-1911
Theoretischer Kursus der Orthodontie mit Doz. Kieffer Une heure
Projektionen
Materialkunde, Technologie und Einführung in Doz. Kieffer Une heure
die Prothetik
Semestre Zahntechnischer Kursus Prof. Römer, Tous les jours de 9h15 à
d’été 1911 Doz. Kieffer 11h et de 14h15 à 18h
Zahnärztliche Arzneiverwendung Doz. Kieffer Mardi de 8h15 à 9h
Semestre Zahntechnischer Kursus Prof. Römer, Tous les jours de 9h15 à
d’hiver Doz. Kieffer 11h et de 14h15 à 18h
1911-1912 Zahnärztliche Arzneiverwendung Doz. Kieffer Mardi de 8h15 à 9h
Die Verwendung der Elektrizität in der Doz. Kieffer Vendredi de 8h15 à 9h
Zahnheilkunde
Semestre Zahntechnischer Kursus Prof. Römer, Tous les jours, matin et
d’hiver Doz. Kieffer après-midi
1912-1913 Kursus der Orthodontie (Praktikum) Doz. Kieffer Deux heures
Materialkunde, Technologie und Einführung in Doz. Kieffer Une heure
die Prothetik
Semestre Kursus der Orthodontie (Praktikum) Doz. Kieffer Deux heures
d’hiver Materialkunde, Technologie und Einführung in Doz. Kieffer Une heure
1915-1916 die Prothetik
Semestre Einführung in das Gebiet der Kronen- und Doz. Kieffer Une heure
d’été 1916 Brückenarbeiten
Die theoretischen Grundlagen in der Orthodontie Doz. Kieffer Une heure
Zahnärztliche Arzneiverordnungslehre Doz. Kieffer Une heure
Semestre Einführung in das Gebiet der Kronen- und Doz. Kieffer Une heure
d’été 1917 Brückenarbeiten
Die theoretischen Grundlagen in der Orthodontie Doz. Kieffer Une heure
Zahnärztliche Arzneiverordnungslehre Doz. Kieffer Une heure (im Felde)
Semestre Einführung in das Gebiet der Kronen- und Doz. Kieffer Une heure
d’été 1918 Brückenarbeiten
Die theoretischen Grundlagen in der Orthodontie Doz. Kieffer Une heure
Zahnärztliche Arzneiverordnungslehre Doz. Kieffer Une heure (im Felde)
Semestre Kursus der Orthodontie (Praktikum) Doz. Kieffer Deux heures
d’hiver Materialkunde, Technologie und Einführung in Doz. Kieffer Une heure
1918-1919 die Prothetik
Tableau 1: Liste des enseignements d’odontologie dispensés à la faculté de médecine de la Kaiser-Wilhelms-Universität de Strasbourg (1909-1919)€€€Voir les programmes semestriels des cours de la Kaiser-Wilhelms-Universität Strassburg, disponibles sur Gallica via https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb328882334/date.item, [en ligne], consulté le 11 mai 2021 (on renvoie à la rubrique des sources et de la bibliographie à la fin de cette fiche).€€€
Il convient d’ajouter qu’au même moment, en 1910, Joseph Kieffer établit son cabinet dentaire privé sur la place de la cathédrale (Münsterplatz 10) au cœur du centre-ville de Strasbourg€€€AVES, 1 BA 1910, Annuaire de la ville de Strasbourg 1910, 1910, p. 226, 438 et 559.€€€. Deux ans plus tard, il installe son foyer sur la place de l’université (Universitätsplatz 11)€€€AVES, 1 BA 1913, Annuaire de la ville de Strasbourg 1913, 1913, p. 232, 452, 458 et 591.€€€. Enfin, parmi ses attributions universitaires, on soulignera qu’il est membre du jury de la « commission des examens universitaires d’odontologie » (Kommission für die zahnärztliche Prüfung) et plus spécialement de la section IV pour l’épreuve de chirurgie des maladies dentaires et buccodentaires (Prüfung in der Chirurgie der Zahn- und Mundkrankheiten)€€€AVES, 1 BA 1912, Annuaire de la ville de Strasbourg 1912, 1912, p. 227, 442, 448 et 579. AVES, 1 BA 1913, Annuaire de la ville de Strasbourg 1913, 1913, p. 232, 452, 458 et 591. AVES, 1 BA 1914, Annuaire de la ville de Strasbourg 1914, 1914, p. 235, 457, 463 et 601.€€€.
Les travaux scientifiques
Dès son retour du service militaire, Joseph Kieffer commence à s’intéresser à la médecine dentaire. Sa carrière scientifique dans ce domaine débute de manière assez inhabituelle – mais assurément prometteuse –, avec le dépôt d’un brevet, le 26 novembre 1905, sur un matériau permettant l’obturation provisoire dentaire. Le titre exact de son brevet est le suivant : « processus de production d’une pâte constamment prête à l’emploi pour l’obturation dentaire temporaire ou pour des buts similaires » (Verfahren zur Herstellung einer stets gebrauchsfertigen Paste für provisorischen Zahnverschluss und ähnliche Zwecke). Le brevet lui aurait été accordé (ausgegeben) le 11 mars 1907 (n°182312)€€€Voir Joseph Houben, Fortschritte der Heilstoffchemie, vol. 1, n°2, J. W. Edwards, 1946, p. 95 et 760 ; Zeitschrift für angewandte Chemie, 1907, p. 1861 et 2290.€€€.
En 1908, il publie dans la revue scientifique Zeitschrift für Morphologie und Anthropologie un article intitulé « Apports à la connaissance des modifications de la mâchoire inférieure et de l’articulation temporo-mandibulaire humaine dues à l’âge et au temps qui passe » (Beiträge zur Kenntnis der Veränderungen am Unterkiefer und Kiefergelenk des Menschen durch Alter und Zeitverlust). Il expose d’ailleurs les résultats de ses travaux lors d’un discours prononcé à l’occasion du cinquième congrès dentaire international de Berlin l’année suivante (août 1909)€€€Joseph Kieffer, « Beiträge zur Kenntnis der Veränderungen am Unterkiefer und Kiefergelenk des Menschen durch Alter und Zeitverlust », Zeitschrift für Morphologie und Anthropologie, vol. 11, 1908, p. 1-82. Voir Anatomischer Anzeiger, 1914, p. 450.€€€. Après avoir été nommé Privatdozent à la clinique dentaire de la Kaiser-Wilhelms-Universität, Joseph Kieffer poursuit ses recherches et publie, en 1911, un article intitulé « Asepsie et antisepsie en odontologie » (Asepsis und Antisepsis in der Zahnheilkunde)€€€Joseph Kieffer, « Asepsis und Antisepsis in der Zahnheilkunde », Deutsche Zahnheilkunde, Heft 19, Leipzig, G. Thieme, 1911. Voir la notice https://biblio.bnu.fr/opac/resource/asepsis-und-antisepsis-in-der-zahnheikunde/BUS1646856, [en ligne], consulté le 11 mai 2021. Voir également https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30680880r, [en ligne], consulté le 11 mai 2021.€€€ suivi, l’année suivante, par une autre contribution « sur la prévention de la luxation dentaire » (Über Präventivluxation)€€€Joseph Kieffer, « Über Präventivluxation », Österreichisch-ungarische Vierteljahresschrift für Zahnheilkunde, 1912.€€€.
Enfin, avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale, Joseph Kieffer, âgé de trente-neuf ans, est rappelé sous les drapeaux en tant qu’officier du service de santé. Comme il se plaisait à le rappeler, il a alors combattu du « côté allemand » entre 1914 et 1918. S’étant sans le moindre doute illustré par des actes de bravoure et par des mérites de guerre, Joseph Kieffer a été décoré de la Croix de fer de Deuxième classe (Eisernes Kreuz II. Klasse) et de la Landwehrdienstauszeichnung€€€ADBR, 1558 W 386, dossier n°26617 (Joseph Kieffer), Politische Beurteilung, 11 février 1941.€€€.
La carrière à l’université française d’un médecin pro-allemand (1919-1940)
À la suite du traité de Versailles de 1919, l’Alsace redevient française et la Kaiser-Wilhelms-Universität de Strasbourg est remplacée par une université française. En raison de sa germanophilie et de son parcours, Joseph Kieffer n’est pas reconduit dans son poste de maître de conférences en odontologie. Il poursuit néanmoins sa carrière à Strasbourg en devenant directeur de la caisse générale locale des malades de Strasbourg jusqu’en 1931 et en gérant son cabinet dentaire privé jusqu’en 1940.
Déclassé par les Français
Aux lendemains de la Première Guerre mondiale, avec le retour de l’Alsace et de l’université de Strasbourg dans le giron français, le Dr. Joseph Kieffer reste dans sa terre natale et obtient ainsi la nationalité française « par réintégration ». Toutefois, lors de la réouverture de l’université française en 1919, alors qu’il avait occupé un poste de Privatdozent à la Kaiser-Wilhelms-Universität, c’est-à-dire équivalent à la fonction de maître de conférences, le Dr. Joseph Kieffer est déclassé par les autorités universitaires françaises. En effet, il est congédié (entlassen) en raison des « sentiments germanophiles » (deutsche Gesinnung) et perd son poste à la clinique dentaire de l’universit退€Voir Rainer Möhler, Die Reichsuniversität Strassburg. 1940-1944. Eine nationalsozialistische Musteruniversität zwischen Wissenschaft, Volkstumspolitik und Verbrechen, thèse d’habilitation, Sarrebruck, Université de la Sarre, 2019, p. 725-726.€€€C’est en effet sous cet intitulé qu’est présenté le Dr. Joseph Kieffer dans ses publications scientifiques dans l’entre-deux-guerres. Parfois, on peut lire « Directeur de la clinique dentaire de la caisse des malades de Strasbourg » ou l’équivalent allemand « Direktor der Zahnklinik der Ortskrankenkasse », une fonction que Joseph Kieffer complète en précisant ses anciennes attributions à la Kaiser-Wilhelms-Universität (ehemaliger Privatdozent an der Universität Strassburg). Voir aussi Rainer Möhler, Die Reichsuniversität Strassburg. 1940-1944. Eine nationalsozialistische Musteruniversität zwischen Wissenschaft, Volkstumspolitik und Verbrechen, thèse d’habilitation, Sarrebruck, Université de la Sarre, 2019, p. 726.€€€.
Mais s’il est privé d’un poste de maître de conférences, il obtient néanmoins un poste de « directeur de la clinique dentaire de la caisse locale générale des maladies de Strasbourg-Ville »€€€. Selon les informations contenues dans les annuaires de la ville de Strasbourg entre 1919 et 1925, on apprend que la clinique dentaire était « ouverte de 8h30 à 12h30 et de 15 à 18 heures » et que le Dr. Kieffer avait une équipe composée à la fois de chirurgiens-dentistes, de mécaniciens dentistes et d’un garçon de laboratoire€€€ On renvoie ici aux annuaires de la ville de Strasbourg de 1919 à 1939 (voir l’inventaire des sources ci-dessous), disponibles sur le site des Archives de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, via https://archives.strasbourg.eu/archive/resultats/annuaire/tableau/FRAMC67482_0013_1BA/n:239?RECH_numerise=1&type=annuaire, [en ligne], consulté le 19 mai 2021.
Parmi les chirurgiens-dentistes, on trouve MM. Edouard Apelt, Marcel Bracq, Lucien Demoulin, Flocke, Ihnen, Joseph Graf, Jacques Grossvogel, Armand Klein, Gustave Prouvost, Charles Puls, Rudel, Albert Schlagdenhauffen, Seifert, Léo Stiefel, Wagner, Max Zeyer, Marcel Zentler.
Parmi les mécaniciens-dentistes, on trouve MM. Frédéric Danner, Gilbert Franz, Eugène Glath, Hippolyte Hansen, Guillaume Hopf, Mast, Münch, Negel, Albert Rapinat, Rettig, Charles Puls, Ernest Ringes, Charles Roller, Alfred Schweickert, Édouard Seeboth, René Schalk, Alfred Wendling et Gustave Zorn (ainsi que MM. Heuer et Meyer comme apprentis-mécaniciens en 1919).€€€. Dans l’entre-deux-guerres, la caisse locale générale des malades de Strasbourg-Ville et banlieue comprenait environ 51.000 assurés€€€AVES, 1 BA 1926, Annuaire de la ville de Strasbourg 1926, 1926, p. IX.€€€. La clinique dentaire était d’abord située au 21 rue de Berne, puis au 13-15 rue de Genève à partir de 1931, l’année durant laquelle Joseph Kieffer a cédé sa position de directeur à M. Gerling€€€AVES, 1 BA 1931, Annuaire de la ville de Strasbourg 1931, 1931 ; AVES, 1 BA 1932, Annuaire de la ville de Strasbourg 1932, 1932. Son cabinet était situé dans le bâtiment 2 et était accessible via l’entrée 2. Il semble enfin que Joseph Kieffer ait conservé ce cabinet durant l’annexion allemande, dans la mesure où il apparaît dans plusieurs sources que le nom de Kieffer est associé au Eugen-Würtz-Straße 8, le nouveau nom que les Allemands ont donné à la rue des Franc-Bourgeois.€€€. Il poursuit ensuite son activité de « docteur et médecin-spécialiste en chirurgie et prothèse dentaire » en s’installant dans un bâtiment situé dans la rue des Franc-Bourgeois au cœur du centre-ville de Strasbourg, tout en conservant son logement au 2 quai de Mullenheim€€€AVES, 1 BA 1932, Annuaire de la ville de Strasbourg 1932, 1932, p. 612 et 1153.€€€.
Enfin, sans pour autant être rattaché à l’université ou à la clinique dentaire scolaire, installée dans le bâtiment des bains municipaux€€€Voir AVES, 1 BA 1926, Annuaire de la ville de Strasbourg 1926, 1926, p. IX : il est précisé que la clinique dentaire scolaire était « à la disposition de tous les enfants des écoles primaires et primaires supérieures » et que « le traitement gratuit [était] assuré par trois chirurgiens-dentistes ».€€€, Joseph Kieffer parvient néanmoins à poursuivre sa carrière scientifique en publiant de nombreux travaux dans les années 1920 et 1930, à la fois en français et en allemand. Il écrit notamment des articles sur des thématiques anatomiques appliquées à l’odontologie€€€Joseph Kieffer, « Einige anatomische Merkmale am knöchernen Schädel, die wichtig sind beim Einsetzen eines ganzen Zahnersatzstückes », Schweizerische Monatsschrift für Zahnheilkunde, vol. 35, n°12, 1925; Joseph Kieffer, « L’anatomie pathologique de l’articulation mandibulaire chez l’édenté. Son influence sur la prothèse complète », La Presse Dentaire, vol. 31, n°12, 1929.€€€, ainsi que sur des pratiques odontologiques€€€Joseph Kieffer, « Neuerungen auf dem Gebiete der Injektionstechnik », Schweizerische Monatsschrift für Zahnheilkunde, n°1, 1926 ; Joseph Kieffer, « Le saignement post-opératoire dans la pratique odontologique », La Presse Dentaire, vol. 22, 1924.€€€ ou sur d’autres sujets qui permettent d’accroître les connaissances dans la discipline€€€Joseph Kieffer, « Bieten uns physikalische, insbesondere thermische Einflüsse die Möglichkeit, die Sensibilität des Dentins auszuscheiden? », Zeitschrift für Stomatologie, vol. 22, 1924 ; Joseph Kieffer, « Odontologie oder Stomatologie? », Deutsche zahnärztliche Wochenschrift, vol. 32, n°3-4, février 1929.€€€.
Un chirurgien-dentiste germanophile et pro-allemand dans l’entre-deux-guerres
Si Kieffer était déjà un dentiste connu pour ses « sentiments germanophiles » (deutsche Gesinnung) dès la fin de la Première Guerre mondiale€€€Voir Rainer Möhler, Die Reichsuniversität Strassburg. 1940-1944. Eine nationalsozialistische Musteruniversität zwischen Wissenschaft, Volkstumspolitik und Verbrechen, thèse d’habilitation, Sarrebruck, Université de la Sarre, 2019, p. 725-726.€€€. Dans l’entre-deux-guerres, ses convictions politiques se précises à tel point qu’il attire l’attention des autorités françaises. Plus précisément, avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, il est considéré comme étant acquis à la cause allemande et suspect comme des centaines d’Alsaciens et Mosellans dans l’espace de guerre. En conséquence, son épouse et lui se retrouvent internés au mois de juin 1940 à la forteresse d’Arches, près d’Épinal, dans de département des Vosges. Ce n’est qu’avec l’arrivée des troupes allemandes à la fin du mois qu’il est libér退€Voir ADBR, 1558 W 386, dossier n°26617 (Joseph Kieffer).€€€. Il aurait, selon un document nazi censé promouvoir sa nomination comme membre d’honneur de l’association des dentistes allemands, été particulièrement « mal traité » par les Français à cette époque€€€ADBR, 1558 W 386, dossier n°26617 (Joseph Kieffer), Lettre de la Landesstelle Baden-Oberrhein der Kassen-Zahnärztlichen Vereinigung Deutschlands de Mannheim à la Gauleitung, 9 octobre 1941.€€€. Quand bien même il n’avait appartenu à aucun parti politique et qu’il n’était actif que sur le plan scientifique – gagnant l’estime de la communauté médicale –, ses sympathies étaient tournées vers l’Allemagne et cet internement allait faire de lui un « combattant de la germanité » (Volkstumskämpfer) sous l’Alsace nazie€€€ADBR, 1558 W 386, dossier n°26617 (Joseph Kieffer), Politische Beurteilung, 11 février 1941; ADBR, 1558 W 386, dossier n°26617 (Joseph Kieffer), Rapport du Sipo-SD Einsatz-Kommando III/1 de Strasbourg à la Gauleitung, 6 juin 1941.€€€.
Une fin de carrière au cœur d’une Alsace nazie
Dès sa libération de la forteresse d’Arches par les Allemands, Joseph Kieffer retourne en Alsace et cherche à reprendre ses activités médicales. Il obtient des autorités nationales-socialistes désormais installées en Alsace annexée l’autorisation de rouvrir son cabinet dentaire au centre-ville de Strasbourg. À défaut d’être nommé professeur émérite ou de redevenir Dozent à la faculté de médecine de la nouvelle université du Reich, Kieffer devient assistant scientifique à la clinique dentaire de la Reichsuniversität Strassburg et y travaille jusqu’en novembre 1944, ayant entre-temps adhéré à l’Opferring et au NSDAP et ayant également acquis la nationalité allemande.
La réhabilitation par les nazis
Dès l’été 1940, lorsque les Allemands commencent les préparatifs à la création d’une université du Reich à Strasbourg, Ernst Anrich est chargé de produire une liste d’enseignants et de chefs de clinique alsaciens de l’université française susceptibles d’être réemployés dans la nouvelle université nazie€€€NL Anrich II/72, “Augenblicklicher Bestand des französischen Lehrkörpers der Straßburger Universität, erste Orientierung”, juillet 1940. Voir Rainer Möhler, Die Reichsuniversität Strassburg. 1940-1944. Eine nationalsozialistische Musteruniversität zwischen Wissenschaft, Volkstumspolitik und Verbrechen, thèse d’habilitation, Sarrebruck, Université de la Sarre, 2019, p. 717-718 et p. 727. Ainsi, selon Anrich, 28% du corps professoral de la faculté de médecine française était potentiellement ré-employable dans la nouvelle université nazie. Mais précisons que Kieffer ne figure pas sur cette liste, n’étant pas membre du corps enseignant de l’université française dans l’entre-deux-guerres.€€€. Très rapidement, le nom de Joseph Kieffer circule parmi les candidats potentiels. En raison de son parcours universitaire, scientifique et médical antérieur à la Kaiser-Wilhelms-Universität et tout particulièrement en raison du fait qu’il ait été dégradé par les Français en 1919, puis interné en 1940, Ernst Anrich envisage pour lui, « comme réhabilitation tardive, un poste à la nouvelle université ». Comme il venait d’avoir soixante-cinq ans, Anrich souhaitait lui offrir un poste de professeur émérite (emeritierter Ordinarius). Mais cela n’a pas pu être concrétisé et pendant toute la durée de l’annexion, de 1941 à 1944, Kieffer a occupé un poste d’assistant scientifique (wissenschaftlicher Assistent) à l’institut dentaire de la Reichsuniversität Strassburg, en plus de la gestion de son cabinet privé en ville€€€Voir NL Anrich III/280 et 348, et NL Anrich II/13, Aktennotiz Anrich für Dr. Huss, 27 septembre 1940 ; Anrich an Prof. Karl Pieper (Munich), 27 septembre 1940 et Anrich an Hangarter, 5 novembre 1940. Cité dans Rainer Möhler, Die Reichsuniversität Strassburg. 1940-1944. Eine nationalsozialistische Musteruniversität zwischen Wissenschaft, Volkstumspolitik und Verbrechen, thèse d’habilitation, Sarrebruck, Université de la Sarre, 2019, p. 725-726 (notes 2986 et 2987).€€€.
Mais dans l’attente de l’inauguration de l’université nazie et l’ouverture de l’institut dentaire, le Dr. Joseph Kieffer est d’abord contraint de se soumettre à une évaluation politique afin de pouvoir exercer la médecine dentaire en Alsace annexée. Même s’il était connu comme un Alsacien pro-allemand, il n’échappe pas à cette procédure obligatoire s’agissant des candidats alsaciens aux postes médicaux dans la région de manière générale et à l’université en particulier. Ainsi, le 12 décembre 1940, le service du personnel de la Gauleitung mandate les fonctionnaires de l’antenne locale du parti nazi de Strasbourg (Kreisleitung) d’effectuer une évaluation politique (politische Beurteilung) afin de permettre au Dr. Joseph Kieffer de s’établir comme dentiste en Alsace (Belassung als Zahnarzt im Elsass)€€€ADBR, 1558 W 386, dossier n°26617 (Joseph Kieffer), Lettre de la Gauleitung (Personalamt) à la Kreisleitung, 12 décembre 1940.€€€. Environ deux mois plus tard, après une enquête assez superficielle, les services de la 'Kreisleitung transmettent un rapport succinct et très incomplet, précisant les points suivants :
Charakterliche Frankophile Bekenntnis zum Fachliche Beurteilung
Haltung Einstellung deutschen Eignung
Volkstum
Gut. Immer deutsch Von [den] Franzosen
gesinnt. mit seiner Frau
interniert.
Tableau 2 : Politische Beurteilung€€€ADBR, 1558 W 386, dossier n°26617 (Joseph Kieffer), Évaluation politique de la Kreisleitung, 2 février 1941.€€€
Caractère et Convictions Adhésion à la Compétences Évaluation
attitude francophiles germanité professionnelles
(Volkstum) Bon. A toujours été du A été interné avec sa
côté de femme par les
l’Allemagne. Français
Tableau 3 : Politische Beurteilung (traduction française)€€€ADBR, 1558 W 386, dossier n°26617 (Joseph Kieffer), Évaluation politique de la Kreisleitung, 2 février 1941.€€€
En conséquence, grâce à ce premier rapport positif, le Dr. Joseph Kieffer a reçu l’autorisation d’exercer l’odontologie en Alsace, une information que communique la Gauleitung à la Bezirksstelle der Kassen-Zahnärztlichen Vereinigung Deutschlands de Mannheim. De plus, outre le fait que son logement avait été pillé durant son internement à la forteresse d’Arches en 1940, il semble que Joseph Kieffer ait également été dépossédé de son bien, dans la mesure où il installe son foyer dans la Richard-Wagner-Straße 19 à Strasbourg, tout en conservant son cabinet dentaire dans la Eugen-Würtz-Straße 8.
Fin de carrière à la clinique dentaire de la Reichsuniversität Strassburg
Avec l’inauguration de la Reichsuniversität Strassburg en novembre 1941, c’est le professeur Joachim von Reckow (1898-1976)€€€Joachim von Reckow avait fait ses études de médecine à l’université de Marburg, où il était devenu Privatdozent (1931), außenordentlicher Professor (1938) et außerplanmäßiger Professor (1940). Il avait ensuite été muté à l’université d’Heidelberg (1940-1941) avant de venir en Alsace annexée. Voir Ernst Klee, Das Personenlexikon zum Dritten Reich. Wer war was vor und nach 1945, Francfort-sur-le-Main, Fischer-Taschenbuch-Verlag; Michael Grüttner, Biographisches Lexikon zur nationalsozialistischen Wissenschaftspolitik, Heidelberg, 2004, p. 50; Patrick Wechsler, La faculté de médecine de la „Reichsuniversität Strassburg“ (1941-1945) à l’heure nationale-socialiste, Strasbourg, Université de Strasbourg, 1991, p. 64, 156-157, 240 ; Rainer Möhler, Die Reichsuniversität Strassburg. 1940-1944. Eine nationalsozialistische Musteruniversität zwischen Wissenschaft, Volkstumspolitik und Verbrechen, thèse d’habilitation, Sarrebruck, Université de la Sarre, 2019, p. 554-555 ; « Reckow, Joachim Friedrich von », in Hessische Biografie, disponible via https://www.lagis-hessen.de/pnd/1050551915, [en ligne], consulté le 10 mai 2021. Voir également sa fiche biographique sur ce Wikipédia.€€€ qui obtient la direction de la clinique dentaire. Au départ, la clinique portait jusqu’en février 1942 le nom de « polyclinique pour maladies dentaires » (Poliklinik für Zahnkrankheiten), puis avait été qualifiée d’« institut odontologique » (zahnärztliches Institut), tout en étant intégrée aux cliniques universitaires (Universitätskliniken) de la faculté de médecine, si bien qu’il ne s’agissait pas d’un « institut » à proprement parler selon la classification traditionnelle allemande€€€AVES, 7 AH 15, Listes du personnel médical de la Reichsuniversität Strassburg (1941-1944) ; ADBR, 126 AL 37, dossier n°4, Listes du personnel médical de la Reichsuniversität Strassburg (1941-1943).€€€.
Pendant toute la durée de l’annexion, le Dr. Kieffer occupe ainsi le poste d’« assistant scientifique » à la clinique dentaire et devient l’un des principaux collaborateurs du professeur von Reckow, restant à ses côtés de novembre 1941 à novembre 1944€€€D’après AVES, 7 AH 15, Listes du personnel médical de la Reichsuniversität Strassburg (1941-1944); ADBR, 126 AL 37, dossier n°4, Listes du personnel médical de la Reichsuniversität Strassburg (1941-1943). Voir aussi Rainer Möhler, Die Reichsuniversität Strassburg. 1940-1944. Eine nationalsozialistische Musteruniversität zwischen Wissenschaft, Volkstumspolitik und Verbrechen, thèse d’habilitation, Sarrebruck, Université de la Sarre, 2019, p. 555, 725-726 et 735.€€€. Kieffer n’a d’ailleurs pas été versé dans le corps enseignant de la Reichsuniversität Strassburg : il n’est pas redevenu Dozent, n’a pas été promu professeur et n’a reçu aucune charge d’enseignement ; les cours d’odontologie étant tous assurés par le professeur von Reckow€€€Voir les Personal- und Vorlesungsverzeichnisse de la Reichsuniversität Strassburg (1941-1945).€€€.
Enfin, précisons qu’au départ, l’équipe de la clinique dentaire du professeur von Reckow n’était composée que de deux médecins-assistants, à savoir le Dr. Joseph Kieffer et le Dr. Georg Lortz, ce dernier ne restant en poste que jusqu’en décembre 1941. Le service voit ensuite l’arrivée, au début du mois de janvier 1942, de deux Alsaciens venus d’outre-Rhin, Ernestine Schalck et le Dr. Charles (Karl) Dreyer, qui font leur carrière et évoluent jusqu’à occuper un poste d’Assistenzarzt jusqu’en novembre 1944. Toutefois, la clinique dentaire reste constituée d’une équipe médicale très restreinte, passant de quatre médecins (janvier-août 1942), à cinq (septembre 1942-octobre 1943), puis à six (novembre 1943), à sept (décembre 1943-août 1944) et à nouveau à six (septembre-novembre 1944)€€€D’après AVES, 7 AH 15, Listes du personnel médical de la Reichsuniversität Strassburg (1941-1944); ADBR, 126 AL 37, dossier n°4, Listes du personnel médical de la Reichsuniversität Strassburg (1941-1943) ; Hermann Lautsch, Hans Dornedden, Verzeichnis der deutschen Ärzte und Heilanstalten in den Westgebieten Elsaß, Lothringen und Luxemburg sowie im General-Gouvernement und im Protektorat Böhmen und Mähren mit Anhang: Karpatendeutsche Ärzte in der Slowakei (vormals Reichs-Medizinal-Kalender für Deutschland, Teil II), Leipzig, Georg Thieme, février 1942, p. 27. Voir également Rainer Möhler, Die Reichsuniversität Strassburg. 1940-1944. Eine nationalsozialistische Musteruniversität zwischen Wissenschaft, Volkstumspolitik und Verbrechen, thèse d’habilitation, Sarrebruck, Université de la Sarre, 2019, p. 554-555.€€€:
Titre Nom, Prénom Fonction Remarques
Prof. Dr. med. Reckow, von, Friedrich (1898-1976) Direktor 11/1941-11/1944
dent.
Dr. med. dent. Lortz, Georg Verw. wiss. Assistentenstelle 11/1941-12/1941
Dr. med. Kieffer, Josef (1875-?) Assistenzarzt 11/1941-11/1944
Dr. med. dent. Dreyer, Charles (1918-1995) Verw. wiss. Assistentenstelle Assistenzarzt 01/1942-08/1942
09/1942-11/1944
Schalck, Ernestine (1916-2002) Volontärassistentin
Verw. wiss.
Assistentenstelle Assistenzärztin 01/1942-08/1942 08/1942-11/1942 12/1942-11/1944
Dr. med. dent. Schlatter, Marie Assistenzärztin 09/1942-11/1944
Bendler-Kunz, Waltraud Pflichtassistentin 11/1943-11/1944
Dr. med. dent. Bernhard-Dertinger, Carola Assistenzärztin 12/1943-08/1944
Dr. med. dent. Frey, Hans (?-1942) Assistenzarzt 1942 (Wehrmacht)
Repères
Localisations
Nationalités
- Alsacien (1875 - )
- Allemand (1875 - 1919)
- Français (1919 - 1943)
- Allemand (1943 - 1944)
- Français (1944 - )
Confessions
- Catholique
Publications
Relations
Subordonné de
- Joachim von Reckow (1942 - 1944)→
Liens à institutions
Zahnärztliche Klinik
Zahnärztliches Institut, RUS
Kaiser-Wilhelms-Universität Straβburg, KWU
Deutsche Zahnärzteschaft
Clinique de la Caisse générale locale des malades de Strasbourg-Ville
Zahnärztliches Institut
Deutsches Heer (Kaiserreich)
Cabinet médical privé, Strasbourg
Références
À propos de cette page
Rédaction : ©Loic.lutz
- ↑ Reichsuniversität Straßburg. Personal- und Vorlesungs-Verzeichnis Sommer-Semester 1942. Straßburg : Heitz, 1942.