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François Georges Willig

De Commission Historique
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François Georges Willig
Prénom François Georges
Nom Willig
Sexe masculin
Naissance 14 juillet 1888 (Soultz-sous-Forêts)
Décès 1 février 1944 (Hadamar)
Profession du père Tagner


« Je suis le maître de l'horloge astronomique »

François Georges Willig (14 juillet 1888 - 1er fébrier 1944)

François Georges (Franz Georg) Willig est l’une des trois victimes d’« euthanasie » originaires d’Alsace dont le passage dans les établissements psychiatriques a débuté par une admission à la clinique psychiatrique de Strasbourg en 1941 et dont l’identité a pu être retrouvée grâce aux travaux de la commission. Après l’annexion de l’Alsace en novembre 1940 au mépris du droit international, les établissements de soins psychiatriques ont subi une réorganisation. La clinique a d’abord été dirigée, à titre provisoire, par l’Alsacien Charles Buhecker. Toutes les cliniques de l’hôpital civil ont officiellement été placées sous la responsabilité du chef de l’administration civile en Alsace1 au 1er avril 1941, et la « Reichsuniversität » Straßburg a été inaugurée le 23 novembre 1941. La chaire de psychiatrie et de neurologie a alors été attribuée à August Bostroem, effectivement présent sur les lieux au cours du semestre d’hiver 1942/43.2 Après son rattachement au Gau de Bade, l’Alsace comptait deux asiles psychiatriques voués à la prise en charge des patients souffrant de pathologies psychiatriques chroniques et situés dans la périphérie de Strasbourg : Stephansfeld et Hoerdt. Entre 1941 et 1944, près de 15 % des patients admis à la clinique psychiatrique de la RUS ont été transférés vers l’asile de Stephansfeld.3 François Georges Willig a été assassiné durant l’hiver 1944 à l’asile psychiatrique de Hadamar dans le cadre de l’« euthanasie décentralisée ».

Biographie

« Je suis le maître de l’horloge astronomique ». Impossible d’en faire démordre François Georges Willig, comme le consigne le médecin de l’asile psychiatrique de Stephansfeld le 9 juin 1942 dans le dossier médical1. À cette date, il a déjà passé presque une année dans des établissements psychiatriques. Pour autant qu’on le sache, sa vie a été jusque là précaire et très marquée par sa pathologie psychiatrique et ses conséquences.

Franz Georg ou François Georges Willig, naît le 14 juillet 1888 dans le petit village de Soultz-sous-Forêts, en Alsace du Nord2. Fils d’Elisa(betha) Romens et de Franz (François) Willig, il porte le même premier prénom que son père. Il a de nombreux frères et sœurs ; il est l’aîné d’une fratrie de dix enfants au total. Il est apparemment « bon élève » et apprend le métier de cordonnier3. À la rubrique « proches parents » de la fiche de données du dossier médical figure uniquement la mention « célibataire », une situation banale en soi qui sera en revanche décisive pour son avenir4. Son admission au service de psychiatrie de la RUS constitue une étape supplémentaire dans son parcours de vie dont les dernières années s’apparentent à une odyssée à travers la France et la Belgique. Durant la Première Guerre mondiale, il travaille pendant quelques années comme cordonnier dans l’armée, puis il devient « orthopédiste ». François Georges Willig est incarcéré à plusieurs reprises et fait des séjours de plusieurs semaines dans différentes prisons, à commencer par deux fois quelques semaines à cause d’une « altercation » et d’un « vol », selon ses propres dires. Entretemps, il vit dans un Ledigenheim (foyer pour célibataires) strasbourgeois ou retourne chez ses parents à Soultz-sous-Forêts. Sa dernière incarcération dure de juillet à décembre 1939 « car [il a] refusé de [s]e faire enregistrer en tant qu’Allemand ». Il est ensuite envoyé dans un camp non identifié à ce jour duquel il est transféré ultérieurement vers l’asile psychiatrique de Maréville, à la périphérie de Nancy. Il y passe six mois supplémentaires. Dans des circonstances obscures, il se retrouve ensuite dans la région d’Ypres (Belgique). « Une apocalypse a eu lieu là-bas », relate-t-il au médecin qui l’admet à Stephansfeld. Willig a probablement été témoin des violents combats lors de l’offensive de la Wehrmacht durant la Bataille de France, voire de la bataille de Dunkerque. Il n’est toutefois pas incorporé en tant que soldat dans l’armée française en raison d’un handicap physique. Il se retrouve alors temporairement en région parisienne avant de revenir finalement à Strasbourg en juillet 1940. Il n’y trouve pas de travail et vit « d’aides ».5 Il habite en dernier lieu au 29 Weissturmstraße (actuellement rue du Faubourg national)6. Il commente lui-même la description de certains détails de son parcours : « Le certificat de mœurs, c’est ma vie7 ? Je suis très expérimenté après tout. »

La documentation relative à son histoire (médicale) débute à l’été 1941. Alors âgé de 53 ans, il vit dans la chronische Abteilung (service des maladies chroniques) de la Straßburger Medizinischen Universitätsklinik C (clinique universitaire médicale C de Strasbourg) – une sorte d’hospice, provisoirement placé à l’époque sous la direction du médecin alsacien Édouard Nonnenmacher (1891-?) et de son assistant Auguste Lieber (1914-1987). L’interne chargé de son dossier juge que son admission à la clinique psychiatrique universitaire est indispensable. Il note brièvement que François Willig souffre de « paranoïa » et qu’il représente un « danger pour son entourage »1. Après son admission à la clinique psychiatrique, une schizophrénie est diagnostiquée et le médecin-chef par intérim précise qu’elle se manifeste par un « état d’agitation maniaque », un « délire de persécution » et des « troubles de l’intelligence »2. Le dossier ne mentionne pas d’éventuelles tentatives de traitement. Le 8 septembre 1941, François Georges Willig est transféré à l’asile psychiatrique de Stephansfeld3. La première observation qui y est faite à son sujet est succincte : « idées de persécution, conservation d’une certaine rigidité de l’affect »4. Dans une expertise ultérieure, le médecin mandaté, le docteur Durckard, ajoute « flots de pensées singulières », « hallucinations » et « tendance au repli sur soi » comme symptômes de la schizophrénie et décrit le patient comme étant « autiste » et « occasionnellement violent »5. En conséquence d’une autre pathologie, à savoir une maladie congénitale de la hanche, il est précisé qu’il « se dandin[e] en marchant »6. Il est catégorisé comme « invalide » et incapable de travailler. Pour cette raison, il reçoit une maigre rente d’invalidité qui couvre le coût des soins de l’établissement7. Durant l’été 1942, il est employé « à l’essai » dans l’atelier de cordonnerie de l’asile de Stephansfeld, mais de toute évidence, cette situation ne dure pas8. Le dossier porte la mention « ne travaille pas »9 ou « inactif »10. Hormis cela, il existe peu d’informations sur son quotidien à l’asile psychiatrique. Le personnel médical décrit « cet homme aux larges épaules » et « doté d’une [expression] pantomimique très vivante »11 comme un « malade facilement irritable »12 qui fait de « fréquentes13 crises de colère »14. En janvier 1942, le contenu de ces « crises de colère » est rendu de la manière suivante : « Ici se tiennent les hommes d’Addabanum, Adibena. Quand je regarde dehors, l’horizon s’éloigne. Je suis ici, que Dieu me vienne en aide, amen. Envoyez-le à Lisbonne. On nous a donné du café, on meurt quand on en boit. Où es-tu cœur humain ? S’ils ont pris un cours un jour, c’était pour être samaritain et non assassin. Ô cœur humain, tu es tombé bien bas ! »15 Quelques mois plus tard, à la fin de la transcription d’un discours similaire, on trouve la remarque : « Est de plus en plus agité, crie. »16 D’une manière générale, le personnel de l’asile le perçoit comme un perturbateur : « Se querelle avec un autre malade de la salle »17. Le personnel a des difficultés à donner des sédatifs à François Georges Willig qui souffre de délire d’empoisonnement, un symptôme typique de la pathologie schizophrène : « Lors de la distribution des somnifères, [il est] agité, braille aux autres malades de ne pas prendre les somnifères parce qu’ils sont empoisonnés. »18 Aucune autre tentative de traitement n’a été entreprise à Stephansfeld. On ne peut que présumer que l’absence de thérapie est due au classement de sa pathologie dans la catégorie « schizophrénie ancienne », une évolution chronique considérée généralement comme ayant peu de chances de guérison. Les entrées au dossier médical sont plus que concises pour l’année 1943 : « Toujours irrité et hostile »19. Avant son transfert le 5 janvier 1944, les seules observations sont les suivantes : « État inchangé. Crie souvent. Impossible de l’inciter à une quelconque occupation. »20

L’un de ses frères - Auguste Willig, qui vit dans le quartier du Neuhof à Strasbourg - reçoit un courrier de l’asile psychiatrique de Hadamar le 6 janvier 1944. L’information qu’il contient est brève : « Votre frère François Georges Willig a été transféré ce jour dans notre établissement. Compte tenu des conditions de circulation difficiles, nous vous prions de demander une autorisation spéciale à la direction de l’établissement pour les visites. »21 Le contexte est le suivant : vers la fin de l’année 1943, les asiles psychiatriques alsaciens de Stephansfeld et Hoerdt ayant atteint leur capacité maximale, les lits disponibles viennent à manquer22. C’est la raison pour laquelle Ludwig Sprauer (1884-1962), oberster Medizinalbeamte (directeur général de l’Office régional des affaires sanitaires et sociales) de Bade, ordonne le transfert de 50 patients de chacun des asiles vers l’établissement de Hadamar (Hesse). Le 5 janvier 1944, les 100 patients sont déportés vers Hadamar lors d’un voyage en train de vingt-deux heures23. Peu après, Auguste Willig apprend le décès de son frère : « Nous avons le regret de vous informer que votre frère, François Georges Willig [...], est décédé ce jour dans notre établissement . Les obsèques auront lieu dans le cimetière de notre établissement. »24 François Georges Willig est décédé supposément le 12 février 1944 à 6 heures 30 dans le cadre de l’« euthanasie décentralisée », après avoir reçu, selon toutes vraisemblances, une surdose de barbituriques la veille. Afin de dissimuler le meurtre, une « grippe intestinale » est indiquée comme cause officielle du décès25. Il s’agissait durant cette phase de l’extermination des malades d’un diagnostic courant qui était censé suggérer une mort naturelle aux proches de la victime. Le taux de décès à l’asile psychiatrique de Hadamar s’élevait à plus de 70 % à cette époque. On ignore si la date indiquée correspond bien au jour du meurtre de François Georges Willig, car les dates de décès aussi étaient fréquemment falsifiées26. Il n’existe aucune information sur les derniers jours de François Georges Willig hormis ces données qu’il faut à prendre avec prudence.

Lea Munch

Traduction : Silke Vaissière-Trontin


Repères

Localisations

Nationalités

  • Allemand (1888 - 1919)
  • Alsacien (1888 - 1944)
  • Français (1919 - 1944)

Confessions

  • Catholique

Publications

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Vie privée
Naissance
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Vie privée
Décès
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Références