Ludwig Zukschwerdt
Ludwig Zukschwerdt | |
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First name | Ludwig |
Last name | Zukschwerdt |
Gender | masculin |
Birth | 7 February 1902 (Stuttgart-Untertürkheim) |
Death | 20 August 1974 (Hamburg) |
Father's occupation | Comptable, Directeur commercial |
These | Über Extremitätengangrän (Universität Heidelberg, 18 December 1925) |
Thesis supervisor | Eugen Enderlen |
Licence to practise medicine | 1926 |
Profession | Arzt |
Title | Dr. med. |
Spécialités | Chirurgie |
Ludwig Zukschwerdt war ab Oktober 1941 Ordinarius für Chirurgie und Leiter der Chirurgischen Universitätsklinik an der Reichsuniversität Straßburg. (Sommer 2006, S. 818f.)
Biography
Enfance et scolarité
Ludwig Emil Zukschwerdt (Louis Emil) naît le 7 février 1902 à Stuttgart-Untertürkheim. Il est le fils du comptable puis directeur commercial Ludwig Heinrich Zukschwerdt (né le 19 mai 1876 à Freudenstadt) et de Pauline Marie Fahrner (née le 20 août 1876 à Freudenstadt)[1]. Il est scolarisé pendant trois ans à l’école primaire de sa ville natale puis fréquente l’école secondaire à la Oberrealschule de Cannstatt, un quartier de Stuttgart, d’octobre 1910 à juillet 1920. Il obtient son baccalauréat le 30 juillet 1920 avec la mention très bien[2].
Les études de médecine
Ludwig Zukschwerdt débute ses études de médecine au semestre d’hiver 1920-1921 à l’université de Tübingen et y valide le 5 mars 1923 la ärztliche Vorprüfung, l'examen de fin du premier cycle des études médicales[3]. Il change ensuite d’université pour aller étudier les cinq semestres restants à Heidelberg, où il valide le 17 décembre 1925 la ärztliche Prüfung (ou medizinisches Staatsexamen), l’examen d'État de médecine, qui clôture le deuxième cycle du cursus de médecine[4].
La thèse de doctorat de médecine et l’habilitation
Sa thèse de médecine pour obtention du titre de docteur en médecine, soutenue à Heidelberg le 18 décembre 1925, s’intitule « À propos de la gangrène des extrémités » (Über Extremitätengangrän). Il valide cinq ans plus tard lors du semestre d’hiver 1930-1931 sa thèse d’habilitation en chirurgie intitulée « Modification de la sécrétion gastrique dû au retard de la vidange gastrique » (« Über Veränderung der Magensaftsekretion als Folge verzögerte Entleerung ») et obtient le titre de Privatdozent et sa Venia Legendi (droit d’enseigner) le 20 février 1931, titres lui permettant d’enseigner à l’université[5].
Le travail comme médecin
À partir du 18 décembre 1925, c’est-à-dire dès le lendemain de son admission à l’examen médical d’État, Ludwig Zukschwerdt débute son activité de médecin par la réalisation de l' « année pratique » (Praktisches Jahr). Avec le statut de Medizinalpraktikant (équivalent du titre d’interne en médecine), il travaille d’abord à la policlinique médicale d’Heidelberg dirigée par le professeur juif Siegfried Joseph Thannhauser (1885-1962)[2]. Il quitte ce service pour se consacrer à la chirurgie en janvier 1927 à la clinique chirurgicale d’Heidelberg sous la direction du professeur Eugen Enderlen (1863-1940) d’abord en tant que médecin assistant (außerplanmäßiger Assistent) jusqu’au 15 février 1930 puis encore en tant qu’assistant mais avec les fonctions et responsabilités de chef de clinique (Oberarzt) du 16 février 1930 au 31 mars 1933[4]. Il est lors de cette période affecté au service chirurgical pédiatrique puis au service de laparotomie. Il est aussi responsable des diagnostics radiologiques de la clinique chirurgicale[6].
A cette époque, Zukschwerdt rejoint la SS (le 1er mars 1933, numéro d’adhésion 186095), y obtient le grade d’Unterscharführer et la fonction de médecin d’escadron (Staffelarzt) dans la 62. SS-Standarte[7].
Lorsqu’Enderlen part en retraite le 1er avril 1933, c’est le professeur Klug, un chirurgien exerçant à la clinique chirurgicale d’Heidelberg comme chef de clinique (Oberarzt), qui supplée Enderlen comme directeur de la clinique chirurgicale d’Heidelberg jusqu’au 1er avril 1934. Ce départ, ainsi que son désir de se former en chirurgie thoracique, pousse Zukschwerdt à postuler pour un poste à la clinique chirurgicale de l’hôpital de la Charité de Berlin, dirigée par Ferdinand Sauerbruch (1875-1951)[8],[9]. De nombreuses démissions touchant le service chirurgical d’Heidelberg semblent précipiter son départ car il estime son avenir comme incertain à Heidelberg[10]. De fait, le professeur Klug le renvoie brutalement dès le 1er avril 1933, soit le premier jour de sa suppléance à la tête de la clinique. Ce dernier n’explique pas à Zukschwerdt la raison de ce renvoi et affirme agir au nom du ministère de la Culture et de l’Éducation du Gau de Bade. Selon Zukschwerdt, Klug agit par jalousie en raison de son poste obtenu à Berlin[11]. La raison de ce renvoi n’est pas expliquée à Zukschwerdt par le ministère de la Culture et de l’Éducation du Gau de Bade mais semble surtout d’ordre personnel (conflit entre Klug et Zukschwerdt)[12].
Du 1er mai 1933 au 31 décembre 1933 Zukschwerdt travaille à Berlin en tant que médecin assistant à la deuxième clinique chirurgicale de l’hôpital universitaire de la Charité[13]. Il décide toutefois de rapidement retourner à Heidelberg en acceptant le poste de chef de clinique (Oberarzt) dans la clinique chirurgicale universitaire d’Heidelberg, poste proposé par le nouveau directeur de la clinique chirurgicale d’Heidelberg, le professeur Martin Kirschner (1879-1942). L’union des étudiants allemands (Kreisamt der deutschen Studentenschaft), représentée par son chef de district (Kreisführer) Gustav Adolf Scheel, se plaint de son retour auprès du ministère de l’éducation du Gau de Bade. Scheel souligne les problèmes comportementaux et professionnels dont Zukschwerdt aurait fait preuve lors de son séjour à Heidelberg entre 1927 et 1933[14]. Martin Kirschner s’implique personnellement pour résoudre cette affaire et conclut que ces accusations sont majoritairement calomnieuses et infondées[15]. Après que la faculté de médecine, le rectorat et le ministère affirmèrent à Kirschner que rien ne s’oppose à cette nomination, il est décidé que Zukschwerdt prenne ses fonctions le même jour que Kirschner pour éviter toute tension, soit le 1er avril 1934[16].
Dans sa nouvelle fonction de chef de clinique (Oberarzt) en chirurgie à Heidelberg, Zukschwerdt supervise alors une équipe composée de11 médecins assistants et est désigné médecin consultant du service de radiologie de la clinique chirurgicale universitaire[17].
Entre 1936 et 1937, Zukschwerdt adhéra a plusieurs structures politiques nazies, parmi lesquelles se trouvent : le Reichsluftschutzbund et la NS_Volkswohlfahrt en mars 1936, la NSD-Ärztebund le 2 juin 1936, le NSDAP (numéro de membre 5611826) le 1er mai 1937 et la NS-Studentenkampfhilfe[18].
Moins de quatre ans plus tard, Ludwig Zugschwerdt décide de quitter à nouveau Heidelberg pour être nommé directeur de l’hôpital « Fürst Stirum Stiftung » de Bruchsal, chef de service (Chefarzt) du service de chirurgie et responsable de la maternité de cet hôpital. Il occupe ce poste du 22 janvier 1938 jusqu’en octobre 1941. Il y retourne cependant régulièrement à Heidelberg jusqu’en mai 1943 (il s’y déplace les week-ends lors de son activité ultérieure à la Reichsuniversität Straßburg pour opérer les cas difficiles)[19],[20]. Malgré son départ à Bruchsal, il reste membre du personnel enseignant de la faculté de médecine d’Heidelberg.
La stérilisation forcée fut réalisée à l’hôpital de Bruchsal : 133 cas de stérilisation forcée ont été effectués sur des patients entre janvier 1934 et mai 1936 par le prédécesseur de Zukschwerdt, le Dr Anton Lehrnbecher. Ce dernier réalisa aussi des émasculations à Bruchsal sur des auteurs emprisonnés pour crime contre les mœurs[21]. En raison de la destruction des documents de l’hôpital de Bruchsal lors d’un raid aérien le 1er mars 1945, aucune archive sur les activités de Ludwig Zukschwerdt lors de la Seconde Guerre mondiale n’existe à ce jour mais on peut penser que cette procédure eut lieu jusqu’à la fin de la guerre. Ainsi, il est probable que Zukschwerdt ait lui aussi réalisé des stérilisations et/ou des castrations forcées à Bruchsal. Il n’existe par ailleurs aucune trace de stérilisation forcée réalisée à la clinique chirurgicale de Strasbourg, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il n’y en ait pas eu durant la présence de Zukschwerdt à Strasbourg[22].
Son activité d’enseignant avant son arrivée à la Reichsuniversität Straßburg
A la suite de l’obtention des titres de Privatdozent et de Venia Legendi le 20 février 1931, Zukschwerdt enseigne à la faculté de médecine d’Heidelberg au cours du semestre d’été 1931. Les cours qu’il y enseigne sont la physiopathologie en chirurgie, démonstrations chirurgicales et radiologiques, la chirurgie générale, la visite clinique et la radiologie en chirurgie[23].
Lorsqu’il quitte Heidelberg pour Berlin, Zukschwerdt effectue son Umhabilitation, c’est-à-dire le droit de pouvoir changer de lieu d’enseignement afin d’enseigner la chirurgie à la faculté de médecine de Berlin. Il y enseigne la physiopathologie en chirurgie[24].
Il effectue une nouvelle Umhabilitation lors de son départ de Berlin pour Heidelberg en 1934. Ceci montre que Zukschwerdt est fortement attaché à sa fonction d’enseignant.
Il y enseigne à nouveau dès le semestre d’été 1934 la chirurgie générale, les cours opératoires, la visite clinique et la chirurgie d’urgence[25].
Après un refus en 1935 en raison de son habilitation jugée trop récente, Zukschwerdt est nommé professeur (ausserordentlicher Professor) le 11 août 1936 par le ministère de l’Éducation du Reich[26]. Il est à nouveau nommé professeur (ausserordentlicher Professor) par le ministère de l’Éducation du Reich le 2 novembre 1939 en raison d’une actualisation du règlement d’habilitation du Reich qui révoqua les nominations antérieures de professeur extraordinaire.
La nomination à la Reichsuniversität Straßburg
La nomination de Zukschwerdt à la Reichsuniversität Straßburg est controversée et illustre bien le conflit de pouvoir qui existe entre le Gauleiter Robert Wagner, chef de l’administration civile en Alsace, et Bernard Rust, ministre d’Education du Reich.
En effet, chacun se retranche derrière des textes de lois le concernant pour affirmer sa responsabilité dans la nomination des professeurs titulaires de la Reichsuniversität Straßburg. Wagner, avec les décrets du 2 août et du 18 octobre 1940 qui lui octroient pratiquement les pleins pouvoirs en Alsace, s’implique fortement dès juillet 1940 dans la conception de l’université, en particulier dans la nomination des professeurs, dans sa rénovation et l’acquisition du matériel d’enseignement[27]. Rust contre-argumente que ces deux décrets ont été instaurés pour gérer l’administration provisoire, or l’ouverture de la Reichsuniversität Straßburg n’entre selon lui pas dans le cadre administratif provisoire mais définitif[28]. Finalement, Adolf Hitler tranche en faveur du Ministre de l’Education du Reich et Wagner décide de se retirer, non sans avoir accusé Rust de « sabotage », terme très fort du jargon nazi habituellement utilisé envers les ennemis politiques et surtout pas envers un Ministre[29],[30]. Ce conflit de pouvoir met en évidence l’absence d’unité politique entre ces deux intervenants, chacun souhaitant accumuler le plus de pouvoir possible.
Le ministère d’Education du Reich rejette la proposition du recteur de la Reichsuniversität Straßburg de nommer Ludwig Zukschwerdt au poste de professeur (ordentlicher Professor) de chirurgie en raison de son inexpérience et de son insuffisante notoriété dans le monde scientifique. En effet, le conseiller ministériel Scheer argumenta « qu’il faut pour cette position exceptionnelle un homme qui possède déjà une notoriété dans le monde scientifique afin de donner dès le départ une note particulière à la chaire à venir » et que Zukschwerdt « ne possède pas encore la maturité nécessaire pour une chaire aussi importante que celle de Strasbourg »[31]. Le Ministre de l’Education du Reich Bernard Rust affirme « que le refus de sa nomination tient son origine dans le doute justifié s’il possède la maturité scientifique et personnelle nécessaire pour ce poste »[32]. D’autres candidats sont proposés par le ministère d’Education du Reich pour le poste. Robert Wagner se plaint de ce rejet le 23 avril 1941 auprès du chef de la chancellerie du Reich, Dr Lammers, affirmant que « Monsieur le Conseiller ministériel Scheer a récusé sans aucune raison valable Professeur Zukschwerdt que j'avais choisi, et ce contrairement au consentement de son chef, le Directeur ministériel Mentzel... Je voudrais insister sur le fait que je me suis tout particulièrement engagé pour ce jeune chirurgien à tout point remarquable »[33]. Le doyen de la faculté de médecine de la Reichsuniversität Straßburg, le professeur Johannes Stein, insiste auprès du ministère d’Education du Reich pour la nomination de Ludwig Zukschwerdt « car c'est l'homme adéquat et car toutes les préparations pour sa nomination sont déjà faites »[34]. Devant la lenteur de sa nomination, il est envisagé de faire recours au jugement du Reichsmarschall Hermann Goering. Ceci gêne le doyen Stein qui empêche ce recours[35].
Finalement le 1er octobre 1941, Ludwig Zukschwerdt est nommé directeur de la clinique chirurgicale universitaire de Strasbourg et assume dans un premier temps par délégation le statut de professeur (ordentlicher Professor) de chirurgie de la Reichsuniversität Straßburg jusqu’à sa nomination officielle par Adolf Hitler le 17 octobre 1941[36].
Le travail comme directeur des cliniques chirurgicales de Straßburg
En tant que directeur de la clinique chirurgicale universitaire de Strasbourg, Zukschwerdt supervise les cliniques chirurgicales I et II (respectivement les anciennes cliniques françaises B et A) qui comptabilisent à elles-deux 450 lits d’hospitalisation dont 385 lits adultes, 55 lits pédiatriques et 10 lits indéterminés. A partir du 25 juin 1943, jour de sa réouverture, l’hôpital des accidentés (Unfallkrankenhaus), qui avait une capacité de 150 lits, entre également dans le giron du professeur Zukschwerdt. Il est désormais responsable pour un ensemble de 600 lits chirurgicaux[37]. Un service d’urologie, de radiologie, de policlinique et, à partir d’avril 1942, un service prenant en charge les blessés de la Wehrmacht furent répartis entre la clinique chirurgicale I (B) et II (A). A cela s’ajoute un service de neurochirurgie ouvert en avril 1944 à la suite de l’arrivée du chirurgien grec Dr Demeter Phillipides, spécialisé en neurochirurgie, ainsi qu’un service chirurgical de repli à Bischwiller, service rattaché à celui de Strasbourg comptabilisant au total 100 lits et comportant des salles de stérilisation, d’opération et de radiologie ouvert en janvier 1944[38],[39].
Zukschwerdt participe activement à la rénovation de l’hôpital des accidentés (Unfallkrankenhaus) en collaborant avec l’architecte responsable du projet Heinz J. Hansen de Karlsruhe (en particulier pour que l’hôpital réponde aux exigences contemporaines de la chirurgie) et en demandant des aides financières et matérielles nécessaires à sa rénovation[40]. Cet engagement, un mois avant sa nomination comme professeur ordinaire à Strasbourg, lui permet de s’établir et de se rendre indispensable à la Reichsuniversität avant sa nomination officielle.
Le personnel médical de la clinique chirurgicale strasbourgeoise était exclusivement constitué par des médecins alsaciens avant l’arrivée de Zukschwerdt. Leur nombre reste important après sa prise de fonction : ils représentent 78% de l’effectif médical en janvier 1942[38]. C’est d’ailleurs un médecin alsacien que choisit Ludwig Zukschwerdt comme chef de clinique (Oberarzt) le 6 janvier 1942, le Dr René/Renatus Keller[41]. Ce dernier obtient ce poste à la suite de la défection d’Adolphe Jung qui, bien qu’Alsacien, était initialement prévu comme professeur extraordinaire et occupait un poste de chef de service depuis novembre 1940. Jung décida de ne pas entrer dans la Reichsuniversität quatre semaines avant son inauguration. Il souhaitait diriger un service chirurgical de manière indépendante, sans être supervisé par Zukschwerdt, donc par un Allemand, ce qui lui fut refusé[42].
Le rythme de travail de Ludwig Zukschwerdt et de ses médecins assistants est très important. En effet, Zukschwerdt affirme en novembre 1944 qu’il « aimerait bien aussi connaître un autre service médical -y compris ceux en dehors des cliniques universitaires- dans lequel chaque médecin est de service de 6h45 du matin jusqu’à 21h le soir, gardes de nuit non comprises »[43].
La clinique chirurgicale strasbourgeoise soigne des soldats allemands, la population alsacienne mais aussi des détenus du camp de concentration de Natzweiler-Struthof. Les recherches de la Commission historique pour l’histoire de la faculté de médecine de la Reichsuniversität Straßburg ont identifié 6 patients-détenus qui furent transportés à la clinique chirurgicale entre l’été 1941 et l’été 1942 pour soigner essentiellement des fractures osseuses et un ulcère gastrique[44]. Les patients-détenus y reçurent des soins de qualités avec des techniques modernes.
La charge d’enseignement à la Reichsuniversität Straßburg
Zukschwerdt enseigne 20h par semaine la chirurgie à Strasbourg lors du semestre d’hiver 1942-1943, cours théoriques et pratiques compris[45]. Il décide d’ajouter à cela et à partir du semestre d’été 1943 un cours sur les opérations chirurgicales, enseigné 3 heures par semaines sur des cadavres en collaboration avec le professeur (ordentlicher Professor) d’anatomie August Hirt[46]. Ludwig Zukschwerdt critique régulièrement la règlementation des études concernant la chirurgie[47]. Il s'implique dans son travail d’enseignant et n’hésite pas à réinstaurer un cours pratique qu'il considère important. Il use de son expérience en tant que médecin militaire au sein de la Luftwaffe pour identifier les lacunes chirurgicales des jeunes chirurgiens militaires[47]. Parmi les autres changements du programme des cours chirurgicaux entre 1941 et 1944 à Strasbourg se trouvent l’ajout d’un cours sur la chirurgie générale en 1942, d’un cours sur la physiopathologie en chirurgie et la suppression du cours de propédeutique chirurgicale au semestre d’hiver 1944-1945[48]. Zukschwerdt est aidé par ses médecins assistants (alsaciens et allemands) dans sa charge d’enseignement.
Avec le professeur d’orthopédie Alexander von Danckelmann, Ludwig Zukschwerdt joue le rôle d’examinateur en chirurgie dans les examens du deuxième cycle des études médicales (ärztliche Prüfung) et dirige un nombre important de thèses à Strasbourg. Ces dernières sont au nombre de 40 et comportent 38 thèses de médecine et 2 thèses d’habilitation en chirurgie[49]. Le nombre de thèses soutenues augmente considérablement au cours du temps : parmi ces quarante thèses, 1 est soutenue en 1942, 11 en 1943 et 28 en 1944. 8 thèses sont codirigées par Ludwig Zukschwerdt et un autre enseignant[50]. Les 40 thèses ne font aucune référence à d’éventuelles expérimentations chirurgicales.
À la suite de l’incorporation de force des médecins alsaciens dans la Wehrmacht à partir de l’automne 1942, Ludwig Zukschwerdt se retrouve rapidement « manquer sérieusement d’assistants » pour assurer les cours et les soins et s’engage activement en février 1943 pour recruter le médecin grec Dr Demeter Philippides dans le corps professoral et chirurgical de Strasbourg[51]. Ce dernier est un chirurgien expérimenté et autonome (soit une grande aide pour les soins à la clinique) mais aussi spécialisé en neurochirurgie, spécialité chirurgicale non représentée à Strasbourg. Malgré ces qualités et l’aval du parti politique, du doyen de la Reichsuniversität, du ministère des affaires étrangères et de l’intérieur du Reich, le recteur de la Reichsuniversität émet des réserves quant à sa nomination à Strasbourg, soulignant son origine grecque (la Grèce étant en guerre avec l’Allemagne nazie) et son absence d’engagement envers l’Allemagne nazie car Philippides n'est pas membre de la NSDAP ou de la SS[52]. Malgré cela, Philippides est officiellement nommé Dozent à Strasbourg le 13 octobre 1944, ce qui lui donne la permission d’enseigner à la faculté de médecine. Il enseigne avec Zukschwerdt jusqu’au 23 novembre 1944 la chirurgie générale, la physiopathologie chirurgicale et le cours sur les opérations chirurgicales avec Hirt[53].
Zukschwerdt collabore à plusieurs occasions avec les autres professeurs titulaires de la faculté de médecine de Strasbourg, comme dans la direction de certaines thèses et dans certains enseignements.
Il collabore ainsi avec le professeur Eugen Haagen (professeur d’Hygiène et de Bactériologie à Strasbourg impliqué dans des expérimentations médicales criminelles) dans ses recherches sur l’hépatite, en lui fournissant « le matériel [humain] pour ses expériences, spécialement des frottis de sécrétions nasales, des sécrétions pharyngées, des analyses gastriques, etc. provenant d’un petit nombre de patients opérés dans ma clinique (par exemple pour appendicite) et atteint d’hépatites »[54]. Ludwig Zukschwerdt affirme n’avoir « jamais entendu parler ‘d’expériences de jaunisse sur des humains’, impliquant la réalisation d’infections artificielles d’hépatites sur des personnes saines », crimes médicaux peu documentés mais attribués à Eugen Haagen[47].
Son parcours militaire
A la suite du rétablissement du service militaire obligatoire en Allemagne le 16 mars 1935, Zukschwerdt réalise plusieurs formations militaires, en particulier dans des unités sanitaires de la Luftwaffe[55]. Ces dernières étaient des unités chirurgicales mobiles dont le rôle était de soigner les soldats blessés en première ligne et situés à proximité d’une base aérienne afin d’organiser rapidement leur transfert[56]. Zukschwerdt intègre l’unité sanitaire motorisée 2/XII et participe avec le grade de Stabsarzt en tant que chirurgien militaire à la campagne de France, plus précisément lors de l’offensive de la frontière franco-belge à la frontière franco-suisse[57]. Zukschwerdt est ensuite nommé (entre le 20 juin 1940 et le 16 août 1940) chef du service chirurgical de l’hôpital militaire de la Luftwaffe à Paris-Clichy (l’hôpital Beaujon), parallèlement à ses fonctions à l’hôpital de Bruchsal puis à Strasbourg[58]. Au total, quatre services de chirurgie y sont ouverts le 18 septembre 1940. Au cours de l’année 1942, Zukschwerdt est promu au grade de médecin commandant (Oberstabsarzt) et est décoré en 1943 de la croix du Mérite de guerre (Kriegsverdienstkreuz)[59].
Zukschwerdt s’implique dans des recherches scientifiques militaires financées par la Luftwaffe, comme le montre son incitation auprès du professeur de chimie physiologique de Strasbourg Hanns Dyckerhoff à effectuer des recherches sur la prophylaxie des thromboses artérielles et leur survenue en condition de vol, ayant lui-même observé, en tant que chirurgien consultant de la Luftwaffe, l’augmentation de leur incidence chez les pilotes[60].
Vie privée
Ludwig Zukschwerdt se marie une première fois le 23 mars 1929 avec Charlotte Elisabeth Jany, née le 17 juin 1904 à Schwanebeck, de confession protestante et fille de Conrad Karl Willhelm Jany (1866-1916), militaire au grade de capitaine (Hauptmann)[61]. Ce couple divorcera en 1952[62].
Il se remarie le 24 mars 1955 à Bad Oeynhausen avec l’infirmière Hildegard Friederike Matschoss, née le 18 février 1912 à Wanne-Eickel et qui travailla à ses côtés lors de son passage à Strasbourg et lors de son activité dans les hôpitaux militaires américains pendant sa captivité[63]. Aucun de ces couples n’eut d’enfants.
La captivité de Zukschwerdt auprès des forces armées américaines et son procès de dénazification
Ludwig Zukschwerdt est fait prisonnier le 23 novembre 1944, jour de la libération de Strasbourg par les Alliés. Après son arrestation, il dirige à Strasbourg et pendant 3 semaines les soins chirurgicaux des prisonniers de guerre allemands blessés dans la zone de combat de Strasbourg.
Puis, du 13 décembre 1944 au 18 avril 1945, Ludwig Zukschwerdt est emprisonné au camp de prisonnier américain numéro 404 (« Continental Central Prisoner of War Enclosure number 404 », numéro de prisonnier 81G-534426/L)[64]. Il y dirige le service de chirurgie de l’hôpital militaire (8276th General Hospital) qui soigne les blessés allemands attachés à ce camp de prisonnier.
Zukschwerdt est ensuite envoyé en avril 1945 avec une équipe de neurochirurgie (constituée d’un assistant et d’une infirmière de bloc nommée Hildegard Friederike Matschoss, qui sera sa future épouse) au 8279th General Hospital situé à Carentan en Normandie[65].
Lors de cette période, Zukschwerdt rédige et publie deux articles scientifiques dans le journal médical de l’armée américaine « Medical Bulletin US Chief Surgeon, European theater »[66]. Après la désactivation du 8279th General Hospital, Ludwig Zukschwerdt passe une dizaine de jours au camp de prisonnier américain numéro 12 situé à Babenhausen puis est transféré le 1er septembre 1946 au camp d’internement de Darmstadt pour y être jugé dans le cadre du processus de dénazification[64].
Zukschwerdt prend cette comparution au sérieux et s’octroie le service de l’avocat Karl Rödelstab pour le représenter[67]. 34 témoignages écrits avec déclaration sur l’honneur sont adressés à la chambre de dénazification de Darmstadt-Lager entre mai et décembre 1946 pour défendre Ludwig Zukschwerdt. Ce dernier adresse lui-même une explication écrite datée du 14 avril 1947.
Tous ces témoignages sont élogieux pour Ludwig Zukschwerdt, aucune critique n’est émise. Ceci est courant dans les procès de dénazification, les témoignages sont très souvent des certificats de complaisance qui ont pour but de blanchir le prévenu (ce qui donna le nom de Persilschein, d’après la marque de lessive Persil). Cela rend leur interprétation difficile et nous empêche de les prendre à la lettre[68]. Globalement, ces témoignages à décharge louent ses capacités professionnelles et scientifiques et soulignent sa prétendue absence d’implication politique.
Zukschwerdt est dans un premier temps classé dans le groupe 3, c’est-à-dire personne compromise de façon mineure, soumis à une période de probation de deux ans (au cours de laquelle il lui est interdit de travailler en tant que professeur) et une amende de 20 000 Marks[69]. Il fait appel le 24 février 1947 et demande d’être classé dans le groupe 4 des simples sympathisants (Mitläufer)[70]. La cour d’appel de Darmstadt rend son verdict le 6 mai 1947 et décide finalement de le classer dans le groupe 4 des sympathisants et le condamne à une amende de 2 000 Marks, qu’il paye le 29 septembre 1947[71].
Ludwig Zukschwerdt est finalement libéré du camp d’internement de Darmstadt-Lager fin janvier-début février 1947[72].
Sa carrière après sa libération
Zukschwerdt reprend son activité chirurgicale cinq mois après avoir retrouvé la liberté. Il travaille d’abord dans l’hôpital de la ville de Göppingen dans le Bade-Wurtemberg à partir du 1er juillet 1947 jusqu’en décembre 1952, date de la dissolution de cet hôpital[73].
Il signe le 4 janvier 1948 avec 25 autres professeurs de médecine une pétition demandant la clémence pour le médecin Karl Brandt, médecin personnel d’Hitler qui fut condamné à mort au procès de Nuremberg. Il argumente que « s’il est devenu coupable il ne l’est pas devenu par disposition criminelle »[74]. Brandt fut malgré cela exécuté par pendaison le 2 juin 1948.
Ensuite, dès le 16 janvier 1953, Ludwig Zukschwerdt dirige le service chirurgical de l’hôpital de la ville de Bad Oeynhausen située en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, avec une nomination comme fonctionnaire à vie promulguée par le maire[75].
Il prend ses distances avec son passé à la Reichsuniversität Straßburg, refusant à la demande de l’avocat d’Otto Bickenbach, Professeur extraordinaire à la Reichsuniversität Straßburg et responsable d’expérimentations humaines criminelles au camp de concentration de Natzweiler-Struthof, de venir témoigner à son procès[76].
Le 1er avril 1955, Zukschwerdt renoue avec sa carrière académique en étant nommé pour la deuxième fois de sa vie (et cette fois-ci à l’unanimité) professeur titulaire de chirurgie à l’université d’Hambourg. Il y est également nommé directeur des cliniques chirurgicales universitaires et de la policlinique de l’hôpital d’Eppendorf (nom de l’hôpital universitaire d’Hambourg). Il succède à son ami, le Professeur Albert Lezius, décédé le 19 novembre 1953 d’un infarctus cardiaque[77]. Ainsi, il est le seul professeur titulaire de la Reichsuniversität Straßburg membre de la SS (entre autres) qui peut continuer sa carrière universitaire.
A Hambourg, Zukschwerdt s’investit pour la reconnaissance, l’établissement et le développement de l’anesthésie comme une spécialité indépendante de la chirurgie[78]. La création de la première chaire d’anesthésie en Allemagne (dont le Professeur Karl Horatz fut le premier titulaire en 1966) a lieu sur son initiative[47]. Pour suivre les progrès en chirurgie, Ludwig Zukschwerdt promeut la spécialisation des différentes branches de la chirurgie : en dehors de l’anesthésie, il soutient aussi la spécialisation de l’urologie ainsi que de la chirurgie cardiaque et thoracique[79].
En 1966 Ludwig Zukschwerdt est nommé président de la société allemande de chirurgie Deutsche Gesellschaft für Chirurgie et préside les symposiums de Hambourg sur la coagulation du sang entre 1960 et 1967[80].
Ludwig Zukschwerdt prend sa retraite le 31 mars 1968. Il continue néanmoins lors de sa retraite à conseiller la prise en charge médicale des patients hospitalisés à l’hôpital SSR de « Boberg »[81].
Il décède le 20 août 1974 à Hambourg des suites d’une maladie insidieuse[82].
Mitgliedschaften:
NSDAP 1.5.1937 (5.611.826); SS (Ebbinghaus/Roth, S. 158)
Landmarks
Locations
Nationalities
- German
Confessions
- Protestant
Publications
- Thies, Heinrich Arnold;Zukschwerdt, LudwigedAntikoagulantien in der Humanmedizin. III. Hamburger Symposion über Blutgerinnung. Stuttgart : Schattauer Verlag, 1960
- Zukschwerdt, Ludwig. Begegnung mit der gegenwärtigen amerikanischen Medizin. Südwestdeutsches Ärzteblatt 2 (1947) : 86-87
- Zukschwerdt, Ludwig. Doppelseitige kongenitale Radiusluxation nach hinten mit kongenitaler Hüftluxation. Deutsche Zeitschrift für Chirurgie 231 (1931) : 45-48
- Zukschwerdt, Ludwig. Duodenaldivertikel und Magengeschwür. Klinische Wochenschrift 8 (1929) : 1171-1174
- Zukschwerdt, Ludwig. Seltene Lokalisation einer Venektasie. Deutsche Zeitschrift für Chirurgie 216 (1929) : 283-285
Relationships
Thesis supervisor of
- Carl/Karl Langemeyer ( - )→
- Alfons Sorg ( - )→
- Juergen Caspers ( - )→
- Rudolf Glasser ( - )→
- Jochen Junker ( - )→
- Georg Hook ( - )→
- Fritz Gerstlauer ( - )→
- Werner Finck ( - )→
- Ludwig Reithmann ( - 10 July 1943)→
- Elmar Trost ( - 19 July 1943)→
- Georg Janhsen ( - 27 July 1943)→
- Otto Breunig ( - 10 November 1943)→
- Fritz Nold ( - 18 November 1943)→
- Franz Kimbacher ( - 10 December 1943)→
- Karl Sonntag ( - 15 December 1943)→
- Claus Schleuter ( - 1944)→
- Hannes Bender ( - 1944)→
- Heinz Rockstroh ( - 1944)→
- Karl-Ludwig Blessig ( - 1944)→
- Volkmar Langer ( - 1944)→
- Horst Ludewig ( - 1944)→
- Hans Schubert ( - 1944)→
- Wolfgang Pfannkuche ( - 1944)→
- Siegfried Schütz ( - 1944)→
- Karl Gustav Schwab ( - 27 January 1944)→
- Hans Seitz ( - 24 February 1944)→
- Fritz Magnus ( - 17 March 1944)→
- Walter Sick ( - 31 March 1944)→
- Paul Schwarz ( - 31 March 1944)→
- Ernst Kuebler ( - 31 May 1944)→
- Wolfgang Overbeck ( - 21 September 1944)→
- Walter Hellmann ( - 23 September 1944)→
- Wilhelm Zeh ( - 25 September 1944)→
- Rudolf Stoll ( - 29 September 1944)→
- Hans Haussmann ( - 15 November 1955)→
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- Georg Neubauer (1941 - 1944)→
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À propos de cette page
Rédaction : ©Marcel Biehler
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- ↑ Cf. la liste des thèses dans l’annexe 1 et 2.
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